Entrevues

Entretien avec le président de l’association de la Côte-du-Sud

des projets novateurs pour améliorer la prise en charge des patients orphelins

Élyanthe Nord  |  2022-01-31

Nouveau président de l’Association des médecins omnipraticiens de la Côte-du-Sud, le Dr Yvan Mathieu teste dans son GMF plusieurs projets destinés à offrir des soins médicaux à des patients sans médecin de famille. Ces nouvelles manières de procéder pourraient être étendues à toute la région.

M.Q. — Vous estimez que les omnipraticiens doivent être créatifs et améliorer l’organisation de leur pratique. Que peuvent-ils changer ?

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Y.M. – Notre association devrait organiser ce mois-ci un congrès qui comprendra une formation pour aider les médecins de famille à améliorer l’organisation de leur pratique. Différents aspects de leur travail peuvent être optimisés comme le respect des horaires, la tenue de dossier, la vérification des résultats de tests de laboratoire et, en général, la prise en charge de tout le côté médico-administratif de la pratique. Si on veut voir plus de patients, et aussi avoir du temps libre, nous devons avoir une organisation optimale. Les médecins de famille doivent donc prendre le temps de revoir leurs façons de faire.

M.Q. — Avez-vous d’autres exemples de ce qui peut être amélioré ?

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Y.M. – On doit aussi accroître notre collaboration interprofessionnelle. Dans notre GMF, on a des infirmières, un pharmacien, des travailleurs sociaux, une nutritionniste, une kinésiologue et des infirmières praticiennes spécialisées (IPS). Ce sont des professionnels avec qui on peut partager le travail et à qui on peut déléguer des tâches. On peut rédiger des ordonnances collectives ou des ordonnances individuelles d’ajustement. On peut travailler aussi en collaboration avec les pharmaciens du quartier pour l’ajustement des doses de médicaments. Ils peuvent faire plus de choses qu’avant. Le médecin doit être le leader, mais doit également être capable de travailler en équipe, parce que la demande devient de plus en plus forte et complexe. On a par ailleurs des projets de collaboration interprofessionnelle intéressants qui viennent de la base.

M.Q. — Il y a, par exemple, le projet de suivi des bébés sans médecin de famille ?

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Y.M. – Effectivement. Notre GMF compte trois médecins accoucheurs qui suivent, avec les infirmières, toutes les femmes enceintes, inscrites ou non, de la municipalité régionale de comté (MRC) Nouvelle-Beauce. Comme l’équipe ne peut prendre en charge tous les nouveau-nés, un projet pilote qui mise sur la collaboration interprofessionnelle a été créé. Il fait appel autant à l’infirmière du CLSC qu’à l’infirmière clinicienne du GMF et nécessite la contribution de médecins et d’IPS du GMF. On sait qu’après la naissance du nouveau-né, l’infirmière du CLSC va le voir à domicile. Mais ensuite, lorsque l’enfant a de 2 à 4 semaines, l’infirmière clinicienne du GMF fait désormais un suivi. À 2 et à 4 mois, lors de la vaccination, le petit patient voit de nouveau l’infirmière du CLSC qui effectue maintenant une partie de l’examen physique. Si elle détecte un problème, elle peut diriger l’enfant vers un médecin ou une IPS du GMF. Si tout va bien, que la croissance est normale, le médecin ou l’IPS examinera le bébé à 6 mois. Il s’agit d’un rendez-vous médical au cours duquel l’enfant peut être pris en charge s’il est malade. Quand l’examen est normal, il est revu à un an et à 18 mois au CLSC. Tout au long du processus, si l’infirmière du CLSC constate un problème, elle peut nous adresser le jeune patient. On peut ainsi prendre en charge rapidement les bébés qui présentent un trouble.

M.Q. — Est-ce que beaucoup de professionnels de votre GMF participent au projet ?

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Y.M. – Actuellement, les cinq infirmières cliniciennes du GMF peuvent y collaborer. Il y a également les trois médecins accoucheurs et trois IPS. Ensemble, ils ont commencé à s’occuper de la cinquantaine de bébés sans médecin de famille de la Nouvelle-Beauce. Les enfants seront suivis jusqu’à 18 mois, en attendant qu’un médecin de famille les prenne en charge.

M.Q. — Comme chef du GMF Nouvelle-Beauce, vous supervisez d’autres projets. Il y en a aussi un sur la santé des femmes ?

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Y.M. – C’est une IPS qui m’a proposé ce projet. Une omnipraticienne de la région a récemment pris sa retraite, ce qui a laissé une importante patientèle féminine orpheline. Le projet consiste donc à offrir aux centaines de femmes touchées la possibilité d’avoir un rendez-vous médical avec une IPS et une infirmière clinicienne. Ensemble, elles offrent tous les services liés à la santé de la femme, que ce soit les cytologies, la prévention des infections transmissibles sexuellement et par le sang, la contraception et autres. Elles ont commencé au début de l’année, à raison d’une journée toutes les deux semaines. Éventuellement, on va essayer d’avoir un médecin pour prendre en charge ces patientes. Ce service pourrait par ailleurs être lié au futur guichet d’accès pertinence. Tous nos projets qui s’adressent à une clientèle orpheline pourraient éventuellement l’être.

M.Q. — Quelle est la contribution des médecins de votre GMF dans le projet sur la Santé des femmes ?

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Y.M. – Nous collaborons avec l’IPS. Si elle a des cas complexes, elle peut en discuter avec nous ou nous adresser la patiente pour une évaluation complémentaire. Nous agissons ainsi comme spécialistes en médecine familiale pour régler les problèmes les plus difficiles.

M.Q. — Vous avez également un projet de soins à domicile ?

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Y.M. – C’est un projet que j’ai contribué à mettre sur pied avec des médecins et des IPS et qui repose, lui aussi, sur le travail interprofessionnel. Il a lieu dans une résidence pour aînés à Sainte-Hénédine. Une IPS de notre GMF et moi avons donc commencé à suivre conjointement des patients avec la collaboration d’une infirmière clinicienne du CLSC. Cette dernière est la première répondante. Si elle en a besoin, elle peut consulter l’infirmière praticienne qui, s’il y a lieu, communiquera avec moi. L’IPS a déjà pris en charge quelques-uns des douze patients du projet. Elle m’a fait un résumé des cas, et nous avons discuté du diagnostic et du plan de traitement. D’autres médecins et IPS pourraient se joindre à nous.

M.Q. — Pourquoi avoir mis sur pied ce projet ?

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Y.M. – L’an prochain, plusieurs médecins faisant des soins à domicile prendront leur retraite. Certaines zones de la MRC Nouvelle-Beauce pourraient donc connaître une rupture de service. Étant donné que nous sommes un GMF comprenant cinq cliniques couvrant toute la MRC, nous pouvons jouer un rôle clé.
Ce projet est aussi une façon d’intéresser les jeunes médecins aux soins à domicile. Ils sont ouverts à ce genre de pratique collaborative. C’est une nouvelle manière de faire. Ils ne veulent pas forcément suivre des patients comme les médecins plus âgés, mais sont prêts à travailler en équipe de façon plus organisée. Un premier projet, qui n’a finalement pas eu lieu, devait d’ailleurs être mis sur pied par trois jeunes médecins dans une autre municipalité.

M.Q. — Vous aimeriez étendre les trois projets de votre GMF à toute la Côte-du-Sud ?

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Y.M. – Si ces projets pilotes fonctionnent bien, il pourrait être intéressant de les faire connaître au reste de la région, tout comme il pourrait être utile de s’inspirer d’éventuels projets d’autres GMF qui répondent aux besoins de la population. Un de mes objectifs comme nouveau prési­dent de l’association est d’établir une bonne communication dans tout le territoire. Je veux également participer activement à la mise en œuvre du guichet d’accès pertinence et collaborer avec les différentes autorités pour améliorer les services médicaux et la prise en charge de la clien­tèle orpheline. //