En fin... la facturation

Faites-vous de l’accès adapté ou du sans rendez-vous ?

Michel Desrosiers  |  2022-01-31

Les parties négociantes ont convenu d’une note précisant ce qui constitue une plage de consultation sans rendez-vous. Comme la RAMQ vous a informé de cet ajout peu de temps après vous avoir avisé d’une mesure accordant des primes pour les services de consultation sans rendez-vous associés à l’adhésion à l’orchestrateur, plusieurs y ont vu un lien entre les deux. Le rapprochement des annonces est accidentel ; l’intention était ailleurs. Discutons-en !

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Contexte historique

Depuis que l’entente prévoit l’accès à des visites différentes selon qu’un patient est vu en accès adapté ou durant une plage de consultation sans rendez-vous, la Fédération indique à ses membres que le modèle d’accès adapté n’est pas rigide et que plusieurs approches distinctes sont possibles. En parallèle, la Fédération a diffusé des formations sur un modèle d’accès adapté prônant un ratio particulier de services sur rendez-vous et de visites en accès adapté.

C’était prévisible, la RAMQ a cherché à vérifier dans ses inspections si la pratique de certains médecins était en accès adapté ou selon un modèle de consultation sans rendez-vous. Bien sûr, elle a prétendu que seul le modèle mis de l’avant dans les formations correspondait à une pratique d’accès adapté. C’est la raison pour laquelle les parties négociantes ont ajouté une « note » à la section de l’entente faisant état des différents types de visites pour préciser ce qu’est une plage de consultation sans rendez-vous (encadré).

Le Ministère et la Fédération souhaitent favoriser l’accès des patients à leur médecin dans des délais optimaux et à une offre de soins en temps opportun (qu’il s’agisse de soins urgents, préventifs ou de suivi). Plusieurs approches permettent d’arriver à ce résultat. Par exemple, certains médecins ont une pratique majoritairement sur rendez-vous, mais prévoient des « trous » à leur horaire pendant la journée pour répondre aux besoins urgents de leurs patients inscrits. D’autres donnent aussi principalement des rendez-vous, mais réservent un certain nombre de plages en début ou en fin de journée pour voir leurs patients qui ont des besoins urgents. Dans d’autres milieux où il n’y a pas de service de consultation sans rendez-vous, en l’absence d’un des médecins (vacances, semaine d’hospitalisation, formation, maladie), les autres médecins du groupe acceptent de voir ses patients en urgence dans le cadre de leurs activités régulières. C’est une sorte d’accès adapté pour les patients des autres membres du groupe.

Toutes ces approches, qui ne sont que quelques exemples de modèles, favorisent l’accès des patients à leur médecin et encouragent le patient à se tourner d’abord vers son médecin de famille plutôt que vers l’urgence. En même temps, lors de ces visites imprévues, le médecin du patient peut s’assurer de poser des gestes préventifs qu’il aurait faits à une autre occasion (ex. : s’assurer que le patient a passé une RSOSi (fit test) ou la lui prescrire au besoin, vérifier l’évolution de son poids ou de ses glycémies), même si ce n’est pas nécessairement le motif de la consultation.

Les parties négociantes ne voulaient donc pas limiter de telles initiatives ni ramener les médecins en arrière dans un modèle rigide de rendez-vous et de plages de consultation sans rendez-vous comme seul moyen pour les patients d’être vus rapidement, le plus souvent par un médecin qui ne le connaît pas.

Répercussions

Dans le but de clarifier le fait qu’il existe différents modèles d’accès adapté, les parties négociantes ont convenu de préciser ce qu’est une plage de consultation sans rendez-vous. D’abord et avant tout, l’ajout de la note à l’entente devrait confirmer à un grand nombre de médecins qu’ils exercent effectivement en accès adapté. On parle ici d’un modèle de pratique axé sur l’accès des patients inscrits à leur médecin pour obtenir rapidement et facilement les services dont ils ont besoin. Ces services peuvent être de nature urgente ou non.

Accessoirement, dans le contexte des modalités visant spécifiquement les plages de consultation sans rendez-vous, l’ajout de la note à l’entente pourrait limiter le contexte dans lequel certaines modalités (comme les primes liées à l’orchestrateur) sont accessibles. Néanmoins, pour la majorité des membres, l’ajout de la note ne changera rien à leur pratique ni à la facturation de leurs services.

Encadré

Modèles particuliers

Il y aura toujours des questions concernant certains modèles. Comment doit facturer le médecin qui fixe des rendez-vous à ses patients au service de consultation sans rendez-vous ? Est-ce que le fait de laisser des places libres aux patients de ses collègues fait partie de l’accès adapté ou transforme sa pratique en plage de consultation sans rendez-vous ? Est-ce que le médecin qui ne donne aucun rendez-vous exerce en accès adapté ou offre un service de consultation sans rendez-vous ? Regardons d’abord certains principes et, par la suite, nous nous intéresserons aux situations spécifiques.

Rendez-vous durant une plage de services sans rendez-vous

L’entente prévoit depuis 2016 que le médecin qui exerce dans une plage de services de consultation sans rendez-vous ne peut pas facturer les visites réservées au médecin traitant, même lorsqu’il voit ses propres patients ou qu’il leur donne un rendez-vous. Plus souvent, il s’agira de visites ponctuelles mineures ou complexes ou d’interventions cliniques.

Lorsqu’on parle de « plage », il n’est pas question du temps réservé à la visite de chaque patient. On parle plutôt d’un bloc de temps réservé à un certain type d’activité. Sa longueur n’est pas spécifiée. Dans les faits, il pourra s’agir d’un avant-midi ou d’une soirée ou d’un bloc de trois heures consacré à du suivi ou à des consultations sans rendez-vous.

Durant une plage de consultation sans rendez-vous, le médecin joue un rôle de « service public », comme celui de l’urgence d’un hôpital. Le médecin accepte de répondre aux besoins de ceux qui cognent à sa porte, que ce soit ses patients, ceux d’autres membres du groupe ou des patients orphelins ou inscrits auprès d’un médecin d’un autre groupe. Les patients auront le plus souvent des problèmes aigus, et le médecin se limitera généralement à ce qu’il perçoit comme étant le plus urgent. Ce n’est pas le temps de vérifier si le patient a passé un test RSOSi lorsqu’il consulte pour une entorse du poignet.

Selon la culture du groupe, certains patients auront eu un rendez-vous pour un suivi pendant la plage en question. Par exemple, pour un patient orphelin ayant subi un accident de travail. Le groupe a opté pour qu’un seul médecin assure le suivi d’un problème aigu. Il pourra aussi s’agir d’un patient inscrit auprès du médecin, qui a besoin d’une radiographie ou qui doit subir certains actes thérapeutiques ou diagnostiques que facilite ce type de plage. Le fait de donner un rendez-vous dans une plage de consultation sans rendez-vous ne modifie pas la règle générale s’appliquant au type de visite facturable. Même pour un patient inscrit, le médecin réclamera le plus souvent une visite ponctuelle.

Certains médecins veulent éviter que leur clientèle se présente durant la plage de consultation sans rendez-vous pour éviter qu’elle voit leur présence au service de consultation sans rendez-vous comme un manque de disponibilité de leur part pour les activités de suivi, comme s’ils étaient en formation pour la journée.

Ils réserveront donc plutôt une plage en fin de journée pour répondre aux besoins de leurs patients. Ils peuvent exercer au service de consultation sans rendez-vous de 13 h à 16 h et reprendre leurs activités de suivi de 17 h à 19 h afin de s’assurer que les patients inscrits pourront être vus sur rendez-vous ou en urgence.

Nous avons déjà indiqué que l’évaluation de la « plage » ne se fait pas patient par patient, mais plutôt par bloc d’activité. Le médecin qui a deux blocs d’activité (matin et après-midi) et qui voit à la fois sa clientèle et la clientèle d’autres médecins évaluera la situation pour chaque bloc. Celui qui veut séparer sa plage de consultation sans rendez-vous d’une autre durant laquelle il accommode sa propre clientèle devra s’assurer de gérer les deux plages à son horaire de façon distincte. S’il fixe sa plage de consultation sans rendez-vous de 13 h à 19 h et qu’il indique au personnel d’inscrire ses patients inscrits à la fin de cette période, il devra facturer ses services pour l’ensemble des patients vus durant une plage de services de consultation sans rendez-vous. S’il prévoit plutôt deux plages distinctes, une sans rendez-vous et une autre pour des activités de suivi pour sa clientèle, il pourra alors se prévaloir des visites réservées au médecin traitant durant cette deuxième plage.

Accès adapté à un groupe de médecins

Nous avons évoqué le fait que certains groupes n’ont pas de service de consultation sans rendez-vous. Tous les membres du groupe fonctionnent en accès adapté. En cas d’absence d’un des médecins, les autres acceptent alors de voir ses patients qui ont des besoins urgents en leur donnant accès aux « trous » à leur horaire, selon leur disponibilité. Ils se trouvent ainsi à voir à la fois leurs propres patients et ceux d’autres médecins.

Bien qu’il soit plus facile d’être considéré comme pratiquant en accès adapté en donnant une proportion importante de rendez-vous, il est aussi possible d’être en accès adapté en ne donnant aucun rendez-vous, tant que le médecin effectue des gestes de prévention ou de suivi ou qu’il ne se limite pas aux seuls besoins urgents.

Dans la mesure où, durant les plages en question, ils desservent majoritairement leur clientèle inscrite et qu’ils posent plus qu’une « faible proportion » de gestes préventifs et de suivi pour leur clientèle, ils font de l’accès adapté.

Si, durant les plages en question, ils desservent majoritairement les patients des autres médecins, c’est moins clair. Un tel groupe aurait peut-être avantage à réviser son mode de fonctionnement ou les règles de répartition des patients du médecin absent pour éviter un tel résultat.

Si le résultat découle du fait que le groupe désigne chaque jour à tour de rôle « le » médecin qui verra les urgences du ou des médecins absents, la RAMQ pourrait avoir l’impression que ce médecin est attitré ce jour-là à une plage de consultation sans rendez-vous. Le groupe devrait donc plutôt répartir les patients du médecin absent auprès de plus d’un médecin.

Si la forte proportion de patients provenant des autres médecins découle du fait qu’un médecin a peu de patients inscrits à son nom et qu’il a donc beaucoup plus de temps pour offrir des services d’appoint à la clientèle de ses collègues, ce médecin pourrait séparer les périodes de consultation sans rendez-vous de ses activités d’accès adapté. Il pourrait aussi augmenter sa clientèle. Le groupe devrait alors revoir le partage de l’accès adapté des médecins temporairement absents entre les membres du groupe. Rares sont les régions qui ne comptent pas de patients dans le guichet d’accès ni de médecins qui comptent prendre leur retraite.

Pratique sans donner de rendez-vous

Certains médecins ne donnent aucun rendez-vous à leurs patients. Le patient qui veut voir son médecin doit se présenter à la clinique au besoin pour y être vu. Est-ce de l’accès adapté ? C’est ici que la note récemment ajoutée à l’entente peut vous aider.

Si la clientèle est majoritairement orpheline, la réponse semble évidente. Si le médecin dessert majoritairement ou exclusivement sa clientèle inscrite, la note nous indique qu’il doit regarder d’autres volets de plus près : nature des problèmes (urgents ou aigus, suivi à moyen ou à long terme), gestes préventifs posés et proportion des patients vus durant une plage qui ont besoin d’une radiographie ou d’une petite chirurgie.

Si le médecin voit un bon mélange de problèmes urgents et de suivi, qu’il effectue de la prévention ou des suivis et que seulement une faible proportion des patients viennent pour une radiographie ou une petite chirurgie, il pratique en accès adapté et pourra réclamer les visites réservées au médecin inscripteur.

Si, au contraire, le médecin a des patients inscrits, mais que son modèle fait en sorte que ces derniers ne le consultent que pour des problèmes urgents et que ces consultations ne servent jamais à assurer le suivi requis ni à poser des gestes préventifs, son modèle de fonctionnement ressemble à celui des plages de consultation sans rendez-vous. Il devrait alors probablement facturer des visites ponctuelles mineures ou complexes.

Ça vous éclaire ? Espérons que vous éviterez les ques­tions de la RAMQ. D’ici là, bonne facturation ! //