Nouvelles syndicales et professionnelles

Polyarthrite rhumatoïde

avantages et risques de diminuer les ARMM

Élyanthe Nord  |  2022-01-31

Une nouvelle étude montre qu’environ la moitié des patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde pourraient diminuer ou cesser leur traitement d’antirhumatismaux modificateurs de la maladie sans subir de rechute un an plus tard. Mais qu’arrive-t-il lorsque la méthode ne fonctionne pas ?

Bonne nouvelle : la rémission clinique est un but réaliste pour les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde. Nouvelle encore meilleure : la moitié d’entre eux pourrait réduire ou cesser leur traitement sans connaître de rechute un an plus tard.

Depuis plusieurs années, différents chercheurs tentent de voir comment faire en sorte que les patients arthritiques restent en rémission sans recourir aux pleines doses d’antirhumatismaux modificateurs de la maladie (ARMM). Ainsi, en Allemagne, le Dr Koray Tascilar et ses collaborateurs ont testé deux stratégies, dont les résultats ont été publiés dans le Lancet Rhumatology1.

Leur essai clinique à répartition aléatoire, l’étude RETRO (Rheumatoid Arthritis in Ongoing Remission), portait sur 303 patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde depuis au moins douze mois et connaissant une rémission. Les sujets, recrutés dans quatorze hôpitaux ou cliniques de rhumatologie, ont été distribués en trois groupes :

h un premier qui poursuivait son traitement par ARMM ;

h un deuxième qui prenait la moitié de sa dose habituelle ;

h un troisième qui recevait la moitié de la dose d’ARMM pendant six mois, puis la cessait totalement.

Au bout d’un an, 43 % des sujets qui avaient complètement arrêté leur traitement étaient encore en rémission, tout comme 59 % de ceux qui en avaient diminué la dose. Par comparaison, 81 % des participants qui avaient poursuivi leur plein traitement n’avaient pas eu de rechutes (tableau). « Environ la moitié des patients ont été capables de diminuer ou de cesser leur traitement avec succès sans avoir de rechute nécessitant le retour au traitement initial », résument les chercheurs dans leur article.

Tableau

 

Les participants chez qui la maladie s’est réactivée étaient quand même nombreux. Que leur est-il arrivé ? « La majorité des patients qui ont rechuté ont de nouveau eu une rémission après la reprise de leur pleine dose d’ARMM », indiquent le Dr Tascilar et son équipe. Un suivi serré de l’activité de la maladie est donc important, avertissent-ils.

Certains facteurs de risque augmentaient par ailleurs le risque de rechute, ont observé les chercheurs : le fait d’être une femme, de prendre des ARMM biologiques (comme l’adalimumab, l’étanercept et l’infliximab) plutôt que des ARMM synthétiques classiques (comme le méthotrexate, le léflunomide et l’hydroxychloroquine), d’être atteint de polyarthrite rhumatoïde depuis longtemps, d’avoir des autoanticorps comme le facteur rhumatoïde et de présenter un score DAS 28 initial élevé (activité de la maladie évaluée sur 28 articulations).

La diminution de la dose d’ARMM chez les personnes ayant une rémission stable est donc faisable, concluent le Dr Tascilar et ses collaborateurs. « Ces résultats peuvent aider à prévenir le surtraitement chez un nombre substantiel de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde. »

Baisser plus lentement la dose

Directeur de la division de rhumatologie du Centre universitaire de santé McGill, le Dr Christian Pineau est en faveur d’une diminution des doses d’ARMM, mais s’inquiète des conséquences des rechutes chez les patients. « À chaque récidive, le système immunitaire abîme les articulations. Comme il n’y avait pas de données radiologiques dans l’étude RETRO, on ignore si les patients qui ont eu des récidives ont subi des dommages importants. Ont-ils eu plus d’érosions articulaires ? Ont-ils eu plus de dommages à long terme ou de difficultés avec leur fonction articulaire ? »

L’idée de baisser les doses d’ARMM n’est pas nouvelle. Les rhumatologues le font d’ailleurs déjà. « Actuellement, on garde cette pratique pour des personnes bien ciblées », précise le spécialiste. La majorité de ses propres patients atteints de polyarthrite rhumatoïde sont en rémission et sont donc des candidats potentiels. « Je propose à tous ceux dont le risque de récidive est faible de faire un essai. »

Le rhumatologue n’utilise toutefois pas le même protocole que les chercheurs allemands. « En ce qui concerne les médicaments pris par la bouche, personnellement, je diminue la dose d’environ 25 % tous les six mois plutôt que de l’abaisser de 50 %, parce qu’il n’y a pas vraiment d’urgence à la réduire. Nous pouvons ainsi voir si des symptômes réapparaissent. Simplement avec une légère diminution, on peut déjà savoir si on se dirige vers un échec. »

Le Dr Pineau déplore la courte période de suivi des études sur le sujet : souvent un ou deux ans. « Selon mon expérience, la majorité de ces patients ont, avec le temps, une récidive à un moment ou à un autre. Parfois, ce n’est pas au bout d’un an ou deux, mais après une période beaucoup plus longue. Ce que l’on a vraiment besoin de savoir c’est chez quels patients on peut diminuer les médicaments et chez lesquels on ne le peut pas. »

Les risques d’infections graves

Mais est-ce si crucial de baisser la dose d’ARMM ? « L’étude allemande montre qu’il y a un risque de 50 % que la maladie revienne quand on réduit ou cesse le traitement antirhumatismal. Maintenant, quels sont les risques de le poursuivre ? On sait que les effets indésirables graves, comme des infections nécessitant des antibiotiques par voie intraveineuse, sont à peu près de 5 %. Donc, quand on regarde simplement les chiffres, ce n’est pas très attrayant de diminuer les doses de médicaments », note le Dr Pineau.

Mais réduire ou cesser les médicaments est toujours un objectif louable. « C’est quand même encourageant de voir qu’une nouvelle étude montre qu’on peut le faire chez certains patients. Mais ce qu’il faudrait savoir, c’est quels sont ceux qui présentent un plus grand risque de récidives. Et ça l’étude RETRO ne l’aborde pas beaucoup », déplore le rhumatologue. //

« Chaque fois qu’il y a une récidive, le système immunitaire abîme les articulations. Comme il n’y avait pas de données radiologiques dans l’étude RETRO, on ignore si les patients ont eu des dommages importants. »

— Dr Christian Pineau

1. Tascilar K, Hagen M, Kleyer A et coll. Treatment tapering and stopping in patients with rheumatoid arthritis in stable remission (RETRO): a multicentre, randomised, controlled, open-label, phase 3 trial. Lancet Rheumatol 2021 ; 3 (11) : e767-e777.