partir de l’essentiel : le plaisir de pratiquer
Président de la FMOQ depuis le 12 décembre dernier, le Dr Marc-André Amyot veut s’attaquer à plusieurs dossiers importants, comme la pénurie d’omnipraticiens et l’accès à la première ligne des patients sans médecin de famille. Mais parallèlement, il désire que ses membres continuent à ressentir le plaisir de pratiquer.
Le Dr Marc-André Amyot, nouveau président de la FMOQ, a devant lui un mandat de quatre ans. Quarante-huit mois pour améliorer, comme il le souhaite, les conditions de pratique et le bien-être des médecins de famille. Mais il va commencer par le plus urgent. « Pour l’instant, on est encore dans la pire vague de COVID-19 que l’on ait eue. Je veux donc être là pour les membres et avec eux. Je tiens à leur donner le plus d’information possible et leur faciliter la vie. Ils ont à travailler fort, à s’adapter rapidement, à être très résilients et à collaborer étroitement les uns avec les autres », affirme le Dr Amyot.
Sa priorité est ainsi de traverser cette nouvelle phase de la pandémie. « Il faut saluer, féliciter et remercier les médecins de famille pour leur extraordinaire dévouement, pour leurs formidables efforts afin d’offrir des soins à la population québécoise en temps normal, mais davantage pendant la pandémie. Je veux les remercier, car ils répondent présents. C’est ce qu’il y a de plus important », mentionne le président.
De nouveaux horizons vont s’ouvrir en 2022 pour les médecins de famille. Ainsi, les « guichets d’accès pertinence » vont bientôt trier les patients non inscrits dirigés vers les médecins de famille. « L’équipe de soins est un concept auquel on travaille actuellement pour améliorer l’accès des patients orphelins, explique le nouveau président. Il faudra cependant aussi appliquer cette notion à la clientèle inscrite. La pertinence, la priorisation et l’optimisation de la consultation auprès du médecin de famille doivent également viser les patients ayant déjà un médecin de famille. On va éventuellement disposer d’outils technologiques et de priorisation pour le faire efficacement. »
Un nouveau mode de rémunération, la capitation, pourrait par ailleurs faciliter cette manière d’exercer. « La capitation va refléter la pratique de la médecine en 2022 parce qu’elle permettra de rétribuer le médecin pour sa responsabilité et favorisera le travail interprofessionnel », estime le Dr Amyot.
Le Dr Amyot compte faire avancer de nombreux dossiers touchant les omnipraticiens. Ce qui le motive est son profond amour de la médecine familiale. Il veut en préserver l’essence et les aspects gratifiants. Ce que lui-même a aimé dans cette pratique ? L’aide qu’il pouvait apporter au patient et le contact avec ce dernier. « Un médecin m’a déjà dit : “La médecine, c’est écouter toujours, soulager souvent, guérir parfois”. J’aime sentir à la fin de la consultation que j’ai pu aider la personne. Si je n’ai pas pu la guérir, j’ai pu à tout le moins la soulager, et si je ne l’ai pas la soulagée, au moins je l’ai écoutée et soutenue. Et ça, c’est extrêmement précieux. J’aime également la relation humaine avec le patient. On peut partager avec lui des moments qu’il ne partage parfois avec personne d’autre. On a un contact intime, privilégié », indique le Dr Amyot.
Ce sont ces moments de satisfaction profonde que le président de la FMOQ veut permettre à chaque médecin de conserver. « Chaque jour où je me levais pour me rendre à l’urgence, au service de consultation sans rendez-vous ou dans les cliniques d’évaluation, j’avais toujours ce plaisir-là d’aller travailler. C’était extrêmement important pour moi. J’ai exercé l’une des plus belles professions et j’en suis très fier. Je souhaite que tous les médecins et étudiants en médecine puissent éprouver ce sentiment-là. »
Le Dr Amyot sait que cet objectif est ambitieux dans le contexte actuel. « On vit des difficultés à cause de la pénurie de médecins de famille, du manque de personnel, des difficultés d’accès, des exigences des patients, de la lourdeur de la clientèle, des problèmes dans les urgences, dans les CHSLD et dans tous les autres milieux où exercent les médecins de famille. Les ressources manquent partout et malgré ces obstacles, il faut que les médecins de famille puissent se lever tous les matins avec l’envie d’aller travailler et qu’ils reviennent le soir avec un sentiment d’accomplissement et de bien-être parce qu’ils ont pu aider les gens. »
Le président voudrait que les médecins qui, comme cela a été son cas, s’épanouissent dans leur travail servent de modèles aux résidents et aux étudiants en médecine. « Tout est imbriqué : la valorisation de la médecine familiale, l’amélioration des conditions de pratique, l’organisation des soins et la rémunération, qui est une façon de reconnaître la valeur d’une profession. »
L’un des grands problèmes que doivent affronter les médecins de famille : la pénurie d’effectifs médicaux. « Il manque entre 800 et 1000 médecins de famille au Québec et ça, c’est un fait avec lequel on doit travailler. Comment, malgré tout, peut-on offrir des services à la population ? On ne pourra pas le faire seuls. Il faut s’assurer que le bon patient soit vu au bon moment par le bon intervenant. Le médecin peut rencontrer le patient pour un diagnostic précis, mais d’autres professionnels peuvent ensuite appliquer le plan de traitement. Même l’intervention initiale pourrait parfois être effectuée par une infirmière ou un travailleur social sans que le médecin ait à voir le patient. Il faudrait donc prioriser les secteurs où l’on souhaite que les médecins de famille interviennent. »
La pénurie en elle-même doit toutefois être réglée. « Il faut augmenter les cohortes en médecine et le nombre de postes de résidence en médecine familiale, tout en s’assurant que les étudiants choisissent cette spécialité. On arrive ainsi au grand chantier de la valorisation de la médecine familiale. Comment le fait-on ? En s’attaquant à toute l’organisation des services, à l’organisation du travail des médecins de famille et en augmentant le soutien dont ils disposent. »
Les médecins de famille ont entre autres besoin d’un meilleur accès aux spécialistes. « Des moyens technologiques arrivent, comme le conseil numérique et la télédermatologie. Mais il ne faut pas que cela s’arrête là. On doit continuer à améliorer l’accès à la deuxième ligne », indique le Dr Amyot.
Le président désire que tous les acteurs du système de santé travaillent à offrir à la population, notamment à ceux qui n’ont pas de médecin de famille, un meilleur accès aux soins. « Il faut collaborer pour trouver des solutions. Les médecins de famille ne sont pas la cause du problème que l’on vit actuellement et ils ne sont pas la seule solution, mais ils font partie de la solution. »
Pour faciliter la pratique des omnipraticiens, un comité sur les difficultés de la première ligne a par ailleurs été mis sur pied à la FMOQ. Il a déjà remis un rapport préliminaire contenant une centaine de points. Il s’est penché, par exemple, sur les consultations non pertinentes, comme celles dont le but est de fournir au patient un billet d’absence destiné à l’employeur.
« Il faut travailler à rendre la pratique plus fluide et plus efficace. Le ministère de la Santé montre une ouverture sur ce plan. On ne pourra pas éliminer toutes les tâches médico-administratives, c’est clair. Mais ce qu’on peut régler, on doit s’en occuper. Et les tâches qui relèvent d’autres employés doivent leur être confiées. On va solliciter leur collaboration pour alléger le travail médico-administratif », affirme le Dr Amyot.
Un autre comité, sur la santé et le bien-être des médecins, a également été créé. « C’est une priorité pour moi. On doit s’assurer que les médecins sont heureux au travail et s’y épanouissent. Il faut que l’on sorte de cette sombre période de pandémie, de discours négatifs et de toute cette atmosphère morose. »
Le Dr Amyot avoue être optimiste de nature. « Comme président, je suis en mode solution. Il n’y a que des solutions. Je veux améliorer la situation, l’organisation des services et accroître le bien-être des médecins de famille. J’ai la profonde conviction qu’ensemble, on peut y parvenir », dit-il. //