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Pharmacothérapie et obésité

le meilleur médicament en 2022 ?

Élyanthe Nord  |  2022-02-28

Un nouveau médicament anti-obésité, le sémaglutide, a été approuvé depuis peu, mais n’est pas encore commercialisé. Il semble efficace, mais d’autres molécules resteront utiles.

Quelle molécule choisir quand les changements des habitudes de vie n’ont pas réussi chez un patient et que son indice de masse corporelle atteint 30 kg/m2 ? Une méta-analyse, publiée dans le Lancet, a comparé les différents médicaments anti-obésité. Une nouvelle possibilité ? Le sémaglutide, un agoniste des récepteurs du GLP-1.

En Chine, les auteurs de l’étude, le Dr Quingyang Shi et son équipe ont évalué les avantages et les inconvénients entre autres de l’association phentermine-topiramate, de différents agonistes des récepteurs du GLP-1, de l’association naloxone-bupropion et de l’orlistat dans une méta-analyse qui comprenait 143 essais cliniques à répartition aléatoire regroupant près de 50 000 sujets1.

Les agonistes des récepteurs du GLP-1

Les agonistes des récepteurs du GLP-1 sont parmi les molécules les plus efficaces pour réduire le poids, ont conclu les chercheurs. Leur analyse montre que la perte pondérale liée à cette classe atteint en moyenne 5,8 % et que plus de patients parviennent à des baisses d’au moins 10 % avec ces médicaments qu’avec la plupart des autres.

Dr Yves Robitaille

Parmi les agonistes des récepteurs du GLP-1, une nouvelle molécule se démarque : le sémaglutide. Il a été homologué au Canada en novembre dernier pour la gestion de poids et sera commercialisé en 2022. La perte de poids qu’il procure s’élève à 11,4 %. Par comparaison, le liraglutide, déjà utilisé au pays, permet une baisse pondérale de 4,7 %. « Les effets du sémaglutide sont de deux à trois fois supérieurs à ceux de tous les autres médicaments », affirme le Dr Yves Robitaille, directeur médical du Centre de médecine métabolique de Lanaudière.

Sur le plan des effets secondaires, dans l’étude chinoise, les agonistes des récepteurs du GLP-1 ont causé plus de problèmes gastro-intestinaux que certains autres médicaments. Plusieurs patients ont dû cesser le traitement, mais pas davantage qu’avec les autres molécules. Le sémaglutide provoquerait toutefois moins d’abandons que le liraglutide.

L’association phentermine-topiramate

L’association phentermine-topiramate est aussi particulièrement efficace contre l’obésité. Vendue aux États-Unis, elle diminue le poids de 8 %. Elle permet également une perte pondérale d’au moins 10 % chez un plus grand nombre de patients que presque tous les autres médicaments, ont montré les chercheurs chinois.

L’association phentermine-topiramate présente cependant des inconvénients. Bien des sujets ont dû cesser de la prendre à cause de ses effets indésirables, souvent pires que ceux de plusieurs autres médicaments. « Ce sont des molécules qui fonctionnent bien, mais je pense que l’on n’en aura pas besoin lorsque le sémaglutide sera commercialisé », estime le Dr Robitaille, spécialiste en médecine interne à Terrebonne.

L’association naltrexone-bupropion

L’association naltrexone-bupropion se classe au troisième rang dans la méta-analyse. Composée d’un antagoniste des récepteurs des opioïdes et d’un antidépresseur, elle agirait en augmentant la satiété et en diminuant les fringales et la faim. Les sujets qui l’ont prise ont eu une perte de poids de 4,1 %, ce qui n’est pas forcément supérieur à l’effet des changements des habitudes de vie.

Du côté des effets indésirables ? L’association des deux médicaments provoquait des troubles gastro-intestinaux. « Ce sont essentiellement des nausées qui passent avec le temps. Ces effets secondaires sont à peu près du même ordre de grandeur que ceux que causent les agonistes des récepteurs du GLP-1 », indique le Dr Robitaille, diplômé de l’American Board of Obesity Medicine.

L’association naltrexone-bupropion et les agonistes des récepteurs du GLP-1 ont toutefois chacun d’autres effets indésirables qui leur sont propres. « Les agonistes des récepteurs du GLP-1 ralentissent la vidange de l’estomac, ce qui peut entraîner un ballonnement et un reflux gastro-œsophagien. L’association naltrexone-bupropion, qui comprend deux médicaments qui agissent sur le cerveau, quant à elle, produit un peu de somnolence et un ralentissement psychomoteur. Les gens peuvent ne pas se sentir bien. Certains ont des maux de tête, mais c’est passager. »

La plupart des patients du Dr Robitaille qui ont abandonné l’association naltrexone-bupropion l’ont fait non pas à cause des nausées, mais plutôt des effets cérébraux. « Les patients acceptent les nausées. Ils les voient un peu comme le prix à payer pour perdre du poids. Ils se disent : “C’est la preuve que le traitement fonctionne”. Ils estiment également que s’ils ont des nausées, ils vont moins manger et donc perdre du poids. Par contre, lorsqu’ils ont des maux de tête, se sentent mal et sont un peu ralentis, ils se disent : “Si je dois rester ainsi, je préfère demeurer gros”. Il y a une question de relation avec l’effet secondaire. »

L’orlistat

Contrairement aux autres médicaments, l’orlistat, un inhibiteur de la lipase pancréatique, n’agit pas sur la faim et la satiété. Dans la méta-analyse chinoise, il n’était pas plus efficace que les modifications du style de vie. Il permettait une réduction pondérale de 3,2 % du poids et était lié, lui aussi, à des troubles gastro-intestinaux.

Le Dr Robitaille ne prescrit pratiquement pas ce médicament. « Peu de patients ont des pertes de poids importantes et prolongées avec l’orlistat. Sa faiblesse vient de son mode de fonctionnement : il augmente l’appétit. Comme il entraîne une malabsorption des gras et crée un déficit en calories, l’organisme réagit en accroissant la faim. » Les effets indésirables de l’orlistat sont par ailleurs difficiles à supporter. « Il provoque des selles graisseuses et liquides ainsi qu’une incontinence fécale. »

Une molécule contre le diabète et l’obésité

Le sémaglutide, dont « les résultats semblent pouvoir changer la pratique », selon le Dr Shi et ses collègues, n’est pas un nouveau venu dans la pharmacopée. Il est déjà utilisé dans le traitement du diabète sous le nom d’Ozempic.

Administré par injection une fois par semaine, le médicament stimule la sécrétion d’insuline et inhibe celle de glucagon lorsque la glycémie est élevée. Il cause aussi un retard de la vidange gastrique. Il est prescrit à raison de 1 mg par semaine pour le diabète, mais de 2,4 mg pour l’obésité.

Les patients diabétiques qui prennent le sémaglutide perdent-ils alors du poids ? Oui. « Mais comme les doses sont plus petites que dans le traitement de l’obésité, elles ne provoquent pas des pertes du même ordre », précise le Dr Robitaille.

Dans la classe des agonistes des récepteurs du GLP-1, une nouvelle molécule est apparue : le sémaglutide. La perte de poids qu’il procure s’élève à 11,4 %. Par comparaison, le liraglutide, déjà utilisé au Canada, permet une baisse pondérale de 4,7 %.

De nombreux médecins, familiers avec la molécule, prescrivent déjà à leurs pa­tients obèses la nouvelle dose de 2,4 mg, même si elle n’est pas encore commercialisée. Les effets indésirables potentiels sont, par ailleurs, plus importants qu’avec la dose pour le diabète. « Autour de 15 % des gens ont des nausées, mais ça passe. Quand on accroît la dose, l’effet indésirable n’est pas nécessairement plus intense, mais il dure longtemps », explique le spécialiste en médecine interne.

Le sémaglutide supplantera-t-il tous les autres médicaments anti-obésité ? L’adoption d’un produit ne tient pas seulement à sa puissance, indique le Dr Robitaille. « Le défi concernant le sémaglutide réside dans l’accès au médicament. Il s’agit d’une molécule chère qui n’est remboursée que pour le diabète par les compagnies d’assurance privées et le régime d’assurance médicaments public. Le patient peut donc devoir payer le produit de sa poche. La dose de 1 mg, qui est la plus forte actuellement sur le marché, coûte environ 250 $ par mois. Si on l’accroît à 2,4 mg, son prix passe à 600 $ par mois. »

L’obstacle est difficile à contourner. « Certaines compagnies d’assurances demandent de remplir un formulaire pour certifier que le sémaglutide est destiné au traitement du diabète. D’autres comptent les stylos qu’elles remboursent. Quand les patients se donnent deux fois ou 2,5 fois la dose, la quantité de stylos permise est atteinte au bout de cinq ou six mois. L’emploi du sémaglutide à la dose d’environ 2,4 mg n’est ainsi pas si répandu. » Bien des patients se contentent d’une injection hebdomadaire de 1 mg.

L’avenir des autres médicaments

L’arrivée du sémaglutide change le paysage du traitement pharmacologique de l’obésité. Mais le duo naltrexone-bupropion conservera sa place. « Cette association convient mieux à un certain profil de patients : ceux qui ont un problème de tabagisme, de dépendance ou de dépression. Certaines personnes préfèrent également une formule prise par voie orale plutôt qu’en injection. L’association naltrexone-bupropion peut par ailleurs être suffisante pour des personnes qui ont dix ou quinze kilos à perdre », explique le Dr Robitaille. Dans sa pratique, il prescrit environ 40 % de naltrexone-bupropion et 60 % d’agonistes des récepteurs du GLP-1.

Les agonistes des récepteurs du GLP-1, eux, sont utilisés pour un type différent de patients. « Les lignes directrices d’Obésité Canada, publiées il y a un peu plus d’un an, conseillent cette classe pour les personnes qui présentent une résistance à l’insuline, un prédiabète, un foie gras ou des ovaires polykystiques », mentionne l’expert.

Le liraglutide, par contre, va disparaître avec la venue du sémaglutide à forte dose, bientôt commercialisé sous le nom de Wegovy. « C’est ce qu’on a vu dans le traitement du diabète. C’est le même genre de molécules avec les mêmes effets indésirables. »

Quand faut-il recourir à l’une ou l’autre de ces molécules anti-obésité ? Obésité Canada recommande un traitement pharmacologique quand l’indice de masse corporelle atteint 30 kg/m2 ou plus ou encore est supérieur à 27 kg/m2, mais s’accompagne de complications comme l’hypertension, la dyslipidémie, le diabète ou l’apnée du sommeil. « Moi, j’ajoute aussi les douleurs articulaires et tout problème que l’on peut réduire par une perte de poids », affirme le Dr Robitaille.

Pour avoir les meilleurs résultats

La pharmacothérapie n’est cependant qu’un volet du traitement global de l’obésité. L’une des bases de la démarche est l’enseignement au patient. « Quand la personne comprend ce qu’est l’obésité, que ce n’est pas un chiffre sur une balance, mais tous les mécanismes qui conduisent à ce chiffre et tous les phénomènes qui provoquent une remontée du poids après une descente, elle commence à être mieux outillée, explique le spécialiste. Elle sait comment affronter sa maladie et travailler pour obtenir des résultats à long terme. »

Le Dr Robitaille aide ses patients à changer leur relation avec le pèse-personne et à se concentrer sur les véritables objectifs. « Pour moi, le chiffre sur la balance, c’est comme celui sur le thermomètre : c’est le signe que quelque chose ne fonctionne pas. Ainsi, 110 kg, ce n’est pas un problème, c’est un signe que, pour toutes sortes de raisons, le corps accumule inutilement des réserves énergétiques sous forme de gras. Il faut voir pourquoi, comment et la manière de prendre en charge ce problème. Comme l’obésité est une maladie infiniment complexe et que nos outils sont infiniment simplistes, il faut vraiment avoir recours à tout ce que l’on a pour obtenir les meilleurs résultats possibles. »

Et l’une des armes efficaces dans ce combat est la multi­disciplinarité. « On va avoir les meilleurs résultats avec une équipe de divers professionnels : nutritionniste, kiné­sio­logue, psychologue, infirmière et médecin. C’est la puissance du nombre d’intervenants et d’interventions qui va faire la différence. Il faut vraiment jouer sur le plus d’axes possible », estime le Dr Robitaille.

Le médecin constate sur ses propres patients l’effet de tous ces volets. Certaines personnes ne font que prendre leur ordonnance. « On les revoit un an plus tard : elles ont perdu 5 % ou 10 % de leurs poids. À l’opposé, les patients qui rencontrent aussi la nutritionniste et participent à leur prise en charge peuvent perdre 12 % ou 15 % de leur poids. Les médicaments permettent donc une baisse du poids, mais jamais autant qu’une démarche globale. Et sans l’amélioration des habitudes de vie, la santé générale de nos patients ne s’améliorera pas forcément, ce qui est notre objectif final. » //

Bibliographie

1. Shi Q, Wang Y, Hao Q et coll. Pharmacotherapy for adults with overweight and obesity: A systematic review and network meta-analysis of randomised controlled trials. Lancet 2022 ; 399 (10321) : 259-269. DOI : 10.1016/S0140-6736(21)01640-8.