les groupes à cibler
La quatrième dose du vaccin contre la COVID-19 serait utile pour les personnes âgées, celles qui ont d’importants facteurs de risque ou des maladies graves, mais peu pour les gens de moins de 60 ans en bonne santé.
Les travailleurs de la santé, surtout s’ils sont jeunes et en forme, devraient-ils recevoir une quatrième dose du vaccin contre la COVID-19 ? Les avantages de cette mesure seraient en fait ténus.
En Israël, des chercheurs se sont intéressés à des travailleurs de la santé dont la troisième dose de vaccin remontait à plus de quatre mois. Dans ce groupe, 154 ont reçu une dose supplémentaire du vaccin BNT162b2 (Pfizer-BioNTech) et 120 du vaccin mRNA-1273 (Moderna). Chaque participant a été apparié à deux sujets témoins dans le cadre d’un essai clinique ouvert sans répartition aléatoire dont les résultats ont été publiés dans le New England Journal of Medicine1.
Les travailleurs vaccinés ne semblent pas avoir été très protégés contre le variant Omicron, la lignée circulante. Ainsi, dans le groupe témoin, 25 % des sujets ont été contaminés, tout comme 21 % des participants qui ont reçu le vaccin de Moderna et 18 % de ceux qui ont eu le vaccin de Pfizer-BioNTech (tableau I). Les chercheurs ont calculé que, dans cette population, le vaccin de Pfizer-BioNTech avait une efficacité globale de 30 % et celui de Moderna de 11 %.
Les participants malades ne semblaient pas avoir subi une infection très grave. « La majorité, à la fois dans le groupe témoin et dans les groupes expérimentaux, a indiqué avoir eu des symptômes négligeables », mentionnent les chercheurs. Toutefois, ces sujets étaient potentiellement infectieux : la plupart avaient une charge virale relativement élevée.
Les données de l’essai clinique pourraient s’appliquer aux groupes similaires. « L’étude a été faite chez les travailleurs de la santé pour des raisons pratiques et techniques, mais on pourrait étendre ses conclusions à la population de moins de 60 ans en relativement bonne santé, affirme le Dr Karl Weiss, chef du Service des maladies infectieuses de l’Hôpital général juif. Ainsi, chez les gens qui ont eu trois doses, ou qui en ont eu deux et attrapé la COVID-19, une quatrième dose, à mon sens, est peu utile à l’heure actuelle. »
La quatrième dose de vaccin se révélerait cependant protectrice chez les personnes de 60 ans et plus. Dès le 2 janvier, le gouvernement israélien a commencé à administrer une quatrième dose du vaccin de Pfizer-BioNTech à cette strate de la population. Et on dispose déjà des résultats des huit premières semaines.
Après avoir analysé les données de plus d’un million de patients, dont 77 % avaient au moins 70 ans, des chercheurs ont constaté que le taux de maladies graves à la quatrième semaine était 3,5 fois plus bas chez les personnes qui avaient reçu une quatrième dose que chez celles qui n’en avaient eu que trois2. Et celles du premier groupe ont été deux fois moins nombreuses à avoir une infection confirmée.
Beaucoup s’interrogent sur la durée de l’effet du vaccin. « La protection contre la forme grave de la maladie n’a pas diminué durant les six semaines qui ont suivi l’administration de la quatrième dose », ont constaté les chercheurs, qui publient eux aussi leurs résultats dans le New England Journal of Medicine. Par contre, la protection contre l’infection comme telle commençait à diminuer à partir de la cinquième semaine et avait pratiquement disparu à la huitième.
Une autre étude israélienne confirme qu’entre le septième et le trentième jour, la quatrième dose du vaccin de Pfizer-BioNTech protège les personnes de 60 ans et plus des conséquences les plus graves de la maladie. Par rapport à la troisième dose, son efficacité est de 55 % contre la COVID-19 avec symptômes, de 68 % contre les hospitalisations et de 74 % contre les morts causées par l’infection (tableau II)3.
Faut-il préconiser une quatrième dose chez toutes les personnes de 60 ans et plus ? Ce groupe est très hétérogène, souligne le Dr Weiss, également président de l’Association des médecins microbiologistes infectiologues du Québec. « Les gens de 63 ans ne présentent pas les mêmes risques que ceux de 83 ans. Je pense que chez les personnes de plus de 80 ans, de même que chez celles qui ont des facteurs de risque importants ou de graves problèmes de santé, la quatrième dose est utile. »
Différentes règles pourraient donc éventuellement s’appliquer à différents groupes. Certaines personnes à risque pourraient devoir se faire vacciner tous les ans. « Mais peut-être que les gens de moins de 60 ans, ou de moins de 40 ans, en pleine forme et sans beaucoup de problèmes de santé pourront l’être une fois tous les trois ou quatre ans », mentionne le microbiologiste et spécialiste des maladies infectieuses.
L’avenir ? « On passe d’une période de pandémie à une période d’endémie, explique le Dr Weiss. On va encore avoir de nombreux variants et sous-variants. Et la réinfection va être possible dans l’avenir. Mais les conséquences pourraient en être limitées. On pourrait ainsi avoir la COVID-19 comme on a la grippe, c’est-à-dire être malade deux ou trois jours, une fois tous les cinq ans, sans avoir à aller à l’hôpital dans 98 % des cas. Il faudra toutefois vivre avec la COVID-19, parce que l’on ne pourra pas l’éliminer. » //
1. Regev-Yochay G, Gonen T, Gilboa M et coll. Efficacy of a fourth dose of COVID-19 mRNA vaccine against Omicron. N Engl J Med 2022 ; 386 (14) : 1377-80. DOI : 10.1056/NEJMc2202542.
2. Bar-On Y, Goldberg Y, Mandel M et coll. Protection by a fourth dose of BNT162b2 against Omicron in Israel. N Engl J Med 2022 ; 386 (18) :1712-20. DOI : 10.1056/NEJMoa2201570.
3. Magen O, Waxman J, Makov-Assif M et coll. Fourth dose of BNT162b2 mRNA COVID-19 vaccine in a nationwide setting. N Engl J Med 2022 ; 386 (17) : 1603-14. DOI : 10.1056/NEJMoa2201688.