comment optimiser votre pratique
Consultations trop longues, interruptions fréquentes, multitude de formulaires à remplir… Vos journées s’étirent. Mieux organiser votre pratique en cabinet peut améliorer votre efficacité et vous aider à maîtriser la situation.
Les ergothérapeutes Martine Désormeaux-Lefebvre et Kathe Villeneuve collaborent avec le Programme d’aide aux médecins du Québec pour accompagner des médecins et des résidents qui éprouvent des difficultés de fonctionnement en raison d’un problème de santé mentale. Mais depuis le début de la pandémie, elles voient une hausse marquée des demandes d’aide provenant d’omnipraticiens qui sont débordés et épuisés, sans pour autant avoir de troubles psychiques.
« Nous avons mis au point des stratégies pour les aider à trouver un fonctionnement optimal en cabinet. Cela a même permis à certains de reprendre goût à la médecine », a indiqué Mme Désormeaux-Lefebvre lors de l’atelier sur l’organisation du travail et la gestion du temps qu’elle a donné avec sa collègue au congrès de la FMOQ.
Leur premier conseil aux médecins ? Établir une routine de consultation avec les patients : ouvrir le dossier médical électronique du prochain patient, relire la dernière note clinique, accueillir le patient, établir le contrat initial, procéder à l’anamnèse, etc. « Effectuer un raisonnement clinique, c’est complexe sur le plan cognitif, a souligné Mme Désormeaux-Lefebvre, cofondatrice avec sa collègue, de la clinique Ergo Santé Globale. Plus la journée avance, plus il devient difficile de capter et de retenir les informations. Toujours suivre les mêmes étapes, dans le même ordre, permet de libérer la mémoire de travail. »
Si vous changez souvent de bureau, il est aussi important de vérifier, à votre arrivée, où se trouve le matériel et s’il est en quantité suffisante. « Si vous devez sortir de la pièce pour aller chercher un spéculum, c’est une interruption de votre routine. Et vous risquez en plus que quelqu’un vous accroche pour vous parler », a mentionné Mme Villeneuve.
Lorsque les gens vont voir une psychologue ou une nutritionniste, ils savent qu’il y a une durée à la rencontre. « Mais ils ne savent pas que c’est la même chose chez le médecin, a expliqué Mme Villeneuve. Lors du contrat initial, précisez à vos patients la durée de la consultation. Vous pourrez ainsi déterminer un nombre réaliste de problèmes à traiter. C’est une habitude gagnante pour garder le contrôle de votre journée. »
Les ergothérapeutes suggèrent de préparer des phrases clés comme : « Bonjour, monsieur Y, aujourd’hui nous avons 25 minutes ensemble. Pour quelle raison venez-vous me voir ? » D’autres phrases peuvent servir à ramener à l’ordre le patient qui parle trop ou qui a une longue liste de troubles à régler : « Le temps file, je vous propose de prendre un autre rendez-vous », « J’entends votre insatisfaction, mais pour soigner le plus de patients possible, je dois limiter la consultation aux problèmes prioritaires », etc.
Une minuterie de type Time Timer, qui permet au patient comme au médecin de voir le temps de la consultation s’écouler, peut aussi grandement aider à aller à l’essentiel.
« Beaucoup de cliniciens craignent que les patients se fâchent si on leur impose un temps limite, a observé Mme Désormeaux-Lefebvre. Mais dans la plupart des cas, ça se passe bien. En fait, c’est souvent plus difficile pour les médecins, qui se sentent coupables. Lorsqu’on le leur explique, les patients comprennent. Ils savent que les médecins sont occupés et que l’accès aux soins n’est pas toujours facile. »
Les deux ergothérapeutes recommandent par ailleurs aux omnipraticiens d’indiquer aux patients les limites de leur rôle. « Comme médecin, vous ne pouvez pas porter à vous seul le système de santé sur vos épaules, a insisté Mme Villeneuve. Vous êtes plus accessibles que bien d’autres ressources. Donc, si vous ne pouvez rien faire de plus sur le plan médical, il est important de le dire au patient. »
Pour éviter que les journées s’éternisent, mieux vaut commencer à rédiger les notes cliniques en présence du patient et les terminer avant de passer à la prochaine personne. Comme l’information est fraîche dans votre mémoire, vous risquez moins d’oublier des éléments importants. Plusieurs médecins préfèrent se consacrer à la rédaction de notes en fin de journée ou même en soirée. C’est à éviter. « Vous avez alors votre journée dans le corps et votre capacité d’attention est moins grande, a mis en garde Mme Désormeaux-Lefebvre. Une note que vous écririez en cinq minutes en début de journée vous en prendra alors quinze. »
« Effectuer un raisonnement clinique, c’est complexe sur le plan cognitif. Plus la journée avance, plus il devient difficile de capter et de retenir les informations. Toujours suivre les mêmes étapes, dans le même ordre, permet de libérer la mémoire de travail. » — Mme Martine Désormeaux-Lefebvre |
L’utilisation de gabarits facilite et accélère la rédaction des notes. Pour apprécier ces outils à leur juste valeur, il faut cependant les adapter à votre processus de raisonnement clinique. « Il y a des gabarits très utiles pour les conduites que vous répétez souvent, comme les conseils nutritionnels aux patients diabétiques, a signalé Mme Désormeaux-Lefebvre. Une fois que vous avez donné ces conseils, vous pouvez les insérer facilement dans vos notes cliniques. » Un médecin qui assistait à l’atelier a d’ailleurs suggéré la page Facebook « Gabarits de notes médicales ». Une mine d’or, paraît-il.
Les logiciels de dictée vocale permettent aussi de gagner du temps. Les ergothérapeutes recommandent Dragon Medical qui est très performant et s’adapte à votre accent et à votre prononciation.
Les trois formulaires standardisés qu’offre la FMOQ pour les dossiers d’invalidité ont suscité un vif intérêt dans l’assistance. « Certains craignent que l’assureur les refuse, mais les médecins que nous suivons et qui y ont eu recours n’ont pas eu de problèmes, a précisé Mme Villeneuve. Ces formulaires ont d’ailleurs été conçus en collaboration avec les compagnies d’assurance. » En utilisant toujours les mêmes, vous les remplirez plus rapidement que si vous devez chaque fois vous familiariser avec un document différent.
En ce qui concerne les résultats de tests, les ergothérapeutes proposent de bloquer du temps à votre horaire pour en prendre connaissance. « Lorsqu’un résultat est anormal, il est préférable de demander à votre adjointe de fixer un rendez-vous téléphonique avec le patient plutôt que d’essayer de le joindre entre deux consultations », a conseillé Kathe Villeneuve. Lorsque les résultats sont normaux, il faut favoriser l’envoi automatique d’un courriel aux patients. « Accompagner les patients pour s’inscrire au portail demande du temps au personnel, mais toute la clinique y gagne par la suite », a dit Martine Désormeaux-Lefebvre. //