Nouvelles syndicales et professionnelles

L’infirmière auxiliaire

une collaboratrice aux multiples compétences

Élyanthe Nord  |  2022-06-29

Les médecins de première ligne sont à la croisée des chemins. Ils ont besoin de plus d’aide pour faire face à leur charge grandissante de travail. Plusieurs songent donc à engager eux-mêmes une infirmière pour les épauler. Mais quel type s’adjoindre ?

Me Larouche

Pour le déterminer, il faut commencer par un important exercice : examiner les champs de compétence des différentes catégories de collaboratrices ainsi que les activités qu’elles peuvent effectuer. Une professionnelle de la santé, comme l’infirmière auxiliaire, par exemple, a une latitude beaucoup plus grande qu’on le croit.

« Quand on voit tout ce qu’elle peut faire, on comprend l’aide immense qu’elle peut apporter au médecin pour le seconder dans sa pratique », a expliqué Me Christiane Larouche, avocate à la FMOQ, dans sa conférence sur le travail d’équipe et la collaboration interprofessionnelle, donnée dans le cadre du congrès des membres de la Fédération.

Quel est le champ d’exercice de cette professionnelle de la santé ? Selon l’Ordre des infirmières et infirmières auxiliaires du Québec (OIIAQ), ses membres peuvent « contribuer à l’évaluation de l’état de santé d’une personne et à la réalisation du plan de soins, prodiguer des soins et des traitements infirmiers et médicaux dans le but de maintenir la santé, de la rétablir et de prévenir la maladie et de fournir des soins palliatifs ».

Le champ de pratique de l’infirmière auxiliaire ressemble donc beaucoup à celui de l’infirmière technicienne, et même de l’infirmière bachelière. « La grande distinction vient du terme : “contribuer” au début de la définition de l’OIIAQ, explique Me Larouche. En d’autres termes, l’infirmière auxiliaire ne travaille pas seule. Elle collabore avec le médecin, mais peut aussi effectuer des activités avec d’autres infirmières. »

Les tâches effectuées par l’infirmière auxiliaire peuvent néanmoins être très poussées. Elle peut faire passer un test d’évaluation de l’état mental (Folstein, MoCA), le test d’acuité visuelle Snellen ou un électrocardiogramme au repos si un protocole est en vigueur dans le GMF. À défaut, elle pourra accomplir ces activités avec une ordonnance individuelle verbale ou écrite du médecin. Il lui est même possible d’administrer un protocole de détresse respiratoire ou de sédation palliative, selon une ordonnance.

De nombreuses activités

L’infirmière auxiliaire est une professionnelle de la santé à part entière. « Elle possède un diplôme d’études professionnelles. Elle appartient à un ordre professionnel, l’OIIAQ, qui, au Québec, est différent de celui des autres infirmières. Elle a un code de déontologie et des normes professionnelles à respecter. Son champ d’exercice est prévu dans le Code des professions qui lui accorde neuf activités réservées, dont certaines sont d’une certaine manière ‘’invasive’’ (encadré) », dit Me Larouche.

encadré

L’infirmière auxiliaire peut apporter à certains cliniciens l’aide dont ils ont toujours rêvé. « Pour le médecin qui a des difficultés concernant les notes médicales, l’infirmière auxiliaire peut lui servir de scribe. » À d’autres, elle peut donner un coup de main pour remplir les formulaires et s’occuper de la paperasse. « Vous pourriez déterminer dans le lot de papiers qui vous écrase lesquels vous pourriez en partie lui confier. » Elle peut aussi se charger, après la visite d’un patient, d’une partie des démarches nécessaires : préparer les demandes d’examens et les ordonnances ou remettre au patient de la documentation.

Cette professionnelle de la santé peut également rencontrer le patient avant la consultation et procéder à une collecte de données. Si elle le juge pertinent, elle peut faire un test d’urine, de grossesse ou une glycémie de façon autonome. Il lui est aussi possible de remplir avec le patient des questionnaires précis sur le TDAH, la dépression, l’apnée du sommeil et autres si un protocole est en vigueur dans son GMF. Elle peut, par ailleurs, effectuer tous les types de prélèvements, selon une ordonnance. Elle est en outre habilitée à changer les pansements, à participer à la vaccination et à administrer des médicaments autrement que par voie veineuse en suivant une ordonnance.

L’infirmière auxiliaire a également la capacité de faire de l’enseignement au patient. « Elle peut, par exemple, montrer au patient comment s’administrer un aérosol, s’injecter de l’insuline ou utiliser un glucomètre », explique Me Larouche.

Quelle est alors la différence entre cette catégorie d’infirmière et ses collègues techniciennes ou bachelières pour le médecin ? « L’infirmière auxiliaire va voir les patients avant ou après vous, ou encore avec vous, tandis que les autres infirmières, elles, peuvent les rencontrer sans vous. Dans ce dernier cas, votre apport n’est, la plupart du temps, pas requis, sauf s’il s’agit d’une visite conjointe ou d’une visite de votre part à leur demande pour une évaluation médicale », a indiqué Me Larouche aux participants.

Contribuer à l’évaluation de l’état de santé

L’infirmière auxiliaire peut aussi jouer un rôle dans des situations critiques. Elle peut ainsi observer l’état de conscience d’une personne et surveiller ses signes neurologiques. En collaboration avec un professionnel habilité, elle peut ensuite participer à des évaluations telles que :

h l’examen de la fonction motrice ;

h l’examen visuel ;

h l’examen des fonctions cognitives.

Mais elle peut aussi participer à l’évaluation d’autres aspects de la santé dans des contextes différents. « Elle ne peut pas faire une évaluation seule, elle y “contribue”. Cela signifie qu’elle l’effectue d’abord seule, puis vous fait rapport, explique Me Larouche. Il faut donc apprendre à connaître cette collaboratrice pour apprécier ses qualités et estimer sa fiabilité. Parce qu’au-delà de l’autorisation à accomplir une tâche, il y a la question de la compétence. »

Il est possible, par exemple, que l’infirmière auxiliaire n’ait jamais eu à pratiquer un test de Folstein. « Cela ne veut pas dire qu’elle ne devrait pas le faire, mais plutôt que l’on doit veiller à ce qu’elle reçoive la formation requise. S’il lui faut un cours d’appoint, on va s’assurer qu’elle le suive. »

Et que se passe-t-il si l’infirmière auxiliaire commet une erreur ? « Elle a l’entière responsabilité professionnelle pour l’ensemble des activités qu’elle est légalement habilitée à exercer », indique l’OIIAQ dans ses documents.

Responsabilité professionnelle

La question de la responsabilité professionnelle se pose par ailleurs à l’égard de tous les collaborateurs d’une équipe multidisciplinaire. Peut-on être tenu responsable des erreurs des autres membres, qu’ils soient pharmaciens, infirmières ou nutritionnistes ? « Sur le plan légal, les professionnels sont maintenant tous imputables de leur propre conduite. Ils ont un champ d’exercice, sont autonomes au sein de limites définies et ont des activités réservées et autorisées. Si un professionnel fait une erreur ou n’a pas une conduite conforme aux normes de pratique, c’est sa responsabilité qu’il engage », indique Me Larouche.

Néanmoins, des fautes dont la responsabilité retombe sur d’autres membres de l’équipe peuvent quand même survenir. Elles se produisent surtout quand les rôles et les tâches ne sont pas clairs, explique l’avocate. « Il faut donc définir qui fait quoi. Autrement, il y a une zone de risque. » Les membres du groupe doivent également s’assurer du bon échange des informations entre eux. L’absence de mécanismes de communication est dangereuse.

« Il y a ainsi des moyens assez simples d’éviter d’engager sa responsabilité professionnelle. On n’est par ailleurs plus dans un système de délégation des actes comme autrefois. Sur le plan juridique, la situation est maintenant complètement différente, parce que les professionnels qui travaillent ensemble sont autonomes. » Depuis cette réforme, ajoute l’avocate, il n’y a pas eu d’augmentation du nombre de plaintes ou de poursuites contre les médecins associées à leur collaboration plus étroite avec d’autres professionnels. //