Nouvelles syndicales et professionnelles

Qu’est-ce qui vous aiderait, docteur ?

Annie Labrecque  |  2022-06-29

Quelles solutions vous aideraient dans votre pratique et amélioreraient votre bien-être au travail ? Le quart des omnipraticiens ont répondu à un sondage de la FMOQ sur ce sujet. En voici les points saillants.

Dre Carrière

Les difficultés auxquelles se heurtent les médecins en première ligne sont nombreuses, selon les 2248 omnipraticiens qui ont participé à un sondage de la FMOQ, effectué en février et en mars. Ces répondants constituent presque le quart des membres de la Fédération, soit 23 %.

La Dre Sophie Carrière, membre du comité de la FMOQ sur les difficultés vécues en première ligne, a présenté le détail des résultats au congrès des membres de la Fédération. Le problème le plus criant dans la liste soumise aux omnipraticiens concerne la relation avec les médecins spécialistes, observe-t-elle. « Cela améliorerait notre pratique d’avoir des rapports de consultations informatisés par les médecins spécialistes », a-t-elle indiqué. Les répondants ont estimé en moyenne à 8,5 sur 10 le bienfait que cette mesure aurait sur leur pratique et leur satisfaction au travail. Le partage de la prise en charge entre médecin de famille et médecin spécialiste recevait la note de 8/10.

Un autre désir des cliniciens : donner accès, aux patients n’ayant pas d’assurance, à des services publics de psychothérapie et de physiothérapie (les deux plus importants selon les membres), et d’optométrie, de nutrition ainsi qu’à des soins dentaires (8,4/10). Le travail du médecin de famille en serait facilité. Par ailleurs, bien des répondants souhaitaient une amélioration du processus du centre de répartition des demandes de service (CDRS) et une diminution de la lourdeur administrative (figure). Beaucoup estimaient également qu’un dossier médical électronique (DME) interopérable, convivial et adapté à leurs besoins les aiderait et augmenterait leur bien-être professionnel.

Les tâches administratives constituent par ailleurs un fardeau pour de nombreux omnipraticiens, et beaucoup aimeraient pouvoir les déléguer. D’après le sondage, les médecins de famille consacrent en moyenne 9,7 heures par semaine à cette activité. « Pour trois journées travaillées, le médecin de famille en fera une de travail administratif », a résumé la Dre Carrière, médecin de famille au GMF La Cigogne, à Longueuil. Il serait également souhaitable, selon les répondants, de réduire la nécessité pour les patients d’obtenir une consultation médicale pour voir les autres professionnels de la santé.

Figure

Des solutions pour le bien-être des médecins

Les membres avaient aussi beaucoup à dire sur les pistes de solution possibles pour faciliter la pratique médicale. Ainsi, 845 d’entre eux ont transmis leur avis qui, ensemble, remplissait l’équivalent de 73 pages. Le principal sujet porte sur l’amélioration de la communication et de la collaboration avec les médecins spécialistes pour une meilleure prise en charge des patients. « Ce que vous demandez, c’est d’obliger les spécialistes à fournir un rapport lisible ou une transcription informatisée de leur consultation, de prendre en charge le patient, c’est-à-dire de gérer les bilans et les résultats d’examens complémentaires, d’effectuer une prise en charge partagée, de faire un suivi du problème jusqu’à sa stabilisation, de ne pas exiger une “nouvelle demande de consultation” quand le spécialiste suit déjà le patient et de remplir les documents liés à la consultation », a énuméré la Dre Carrière, sous les applaudissements nourris de la salle.

Un deuxième problème soulevé par les répondants concerne la lourdeur des tâches administratives. « Il faut diminuer la quantité de formulaires : CNESST, SAAQ, RAMQ, médicaments d’exception, billets médicaux, etc. », affirme la médecin. Certains membres ont aussi suggéré d’uniformiser les formulaires pour toutes les compagnies d’assurance, de cesser d’exiger une prescription pour un soin couvert par l’assureur (comme la massothérapie ou les orthèses dentaires) et de réduire la quantité démesurée de télécopies venant des pharmacies afin de réserver ce mode de communication aux urgences.

Les membres ont également réclamé que « le patient soit vu par le bon professionnel de la santé au bon moment et que les professionnels soient imputables de leurs actes. » Cela signifie que le patient ait la possibilité de consulter ces professionnels de la santé sans avoir à passer par le médecin de famille et qu’il bénéficie d’une couverture de la RAMQ.

Le fonctionnement du CRDS, qui semble être un « gros monstre » selon les nombreux commentaires reçus, pourrait être allégé. Des participants au sondage ont proposé d’accroître l’autonomie des agentes administratives qui y travaillent. Par exemple, certaines pourraient s’occuper de coordonner le transfert des patients d’un médecin spécialiste à un autre sans l’intervention de l’omnipraticien. Les répondants ont également souligné le besoin d’améliorer le Dossier santé Québec afin d’y intégrer le sommaire des hospitalisations, les visites à l’urgence, les consultations avec les spécialistes, etc.

Quitter la pratique ?

Le sondage s’attardait aux problèmes et aux solutions en première ligne, mais regardait aussi vers l’avenir. On note que parmi les répondants, 25 % ont plus de 60 ans. La question d’une retraite progressive ainsi que d’un horaire allégé se pose donc. « Les options actuelles sont : soit on est en pratique active à 100 % ou soit on cesse totalement d’exercer », a indiqué la Dre Carrière.

Une participante dans la salle virtuelle raconte que devant l’impossibilité de diminuer sa charge de travail, à plus de 60 ans, elle a dû opter pour une pratique à temps partiel en deuxième ligne. « C’est tellement triste et déchirant, mais on ne peut continuer sans y laisser sa peau », a-t-elle affirmé.

Si le climat actuel de pratique ne change pas, 47 % des médecins de famille confient qu’ils songent à quitter la première ligne. De ce nombre, 62 % d’entre eux le feraient d’ici moins de cinq ans.

La Dre Sophie Carrière, pour sa part, reste optimiste. « Plusieurs d’entre vous se sont sentis interpellés et mobilisés. Essayons ensemble de trouver des solutions et d’améliorer nos conditions d’exercice », a-t-elle lancé. Grâce à la très grande participation des membres à ce sondage, son comité et celui sur le bien-être des médecins de famille seront en mesure de faire des recommandations à la FMOQ. L’objectif est d’amorcer des changements permettant une pratique plus épanouissante de la médecine familiale. //