À l’heure actuelle, lorsqu’une personne sans mandat de protection n’a plus les facultés nécessaires pour gérer ses biens ou prendre des décisions personnelles, il est possible de s’adresser au tribunal pour ouvrir l’un des trois régimes de protection existants et applicables selon le degré d’inaptitude constaté lors d’évaluations médicales et psychosociales.
Le premier est le régime de curatelle qui est mis en place lorsqu’une personne est inapte à prendre soin d’elle-même et à administrer ses biens de façon totale et permanente. Le tribunal peut désigner un curateur à la personne et un curateur aux biens, ou un curateur à la personne et aux biens.
Le deuxième est le régime de tutelle qui concerne une personne inapte à prendre soin d’elle-même et à administrer ses biens de façon partielle et temporaire ; autrement dit, ce régime vise une personne qui possède une certaine autonomie. Tout comme pour la curatelle, le tribunal peut nommer un tuteur à la personne et un tuteur aux biens, ou un tuteur à la personne et aux biens.
Le troisième est le régime de conseiller au majeur, en l’occurrence une personne dont l’incapacité est légère en ce sens qu’elle est généralement en mesure de prendre soin d’elle-même et de ses biens. Elle a cependant besoin d’assistance pour réaliser certains actes, mais le régime préserve son autonomie.
Le 2 juin 2020, l’Assemblée nationale du Québec a adopté le projet de loi no 18 - Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes. Comme le précisent les notes explicatives du projet de loi, il s’agit d’une révision des dispositions législatives relatives à la protection des personnes inaptes.
Par cette loi qui entrera en vigueur à la suite d’un décret dont l’adoption est prévue cet automne, le législateur entend protéger les personnes majeures en situation de vulnérabilité en privilégiant une approche équilibrée qui assure la sauvegarde de leur autonomie et leur protection sans qu’il soit nécessaire de les déclarer inaptes ou incapables. Autrement dit, en évitant le plus possible de les stigmatiser.
Dans le but de favoriser l’exercice des droits civils de ces personnes et de tenir compte de leurs volontés et de leurs préférences, la loi prévoit d’adapter les mesures de protection aux facultés de chaque personne, ainsi que de reconnaître le rôle privilégié de la famille et des proches.
Les régimes de protection actuels sont considérablement simplifiés. Deux nouvelles mesures sont créées et le mandat de protection est amélioré afin de mieux protéger les personnes inaptes et leur patrimoine. Il en va de même de la tutelle du mineur qui assure une meilleure protection de leur patrimoine.
La loi modifie aussi les règles concernant le mandat de protection afin de renforcer la sécurité et la protection du mandant, c’est-à-dire une personne saine d’esprit qui désigne, dans un document, un mandataire chargé de veiller à son bien-être et à l’administration de ses biens, si jamais elle devenait inapte.
L’institution du curateur public est modernisée. En plus de changer de nom pour celui de directeur de la protection des personnes vulnérables, son rôle est précisé.
Attendue depuis longtemps, cette réforme abolit les régimes de curatelle et de conseiller au majeur et en crée deux nouveaux, soit la représentation temporaire et la mesure d’assistance. En pratique, la tutelle (modulée) deviendra le seul régime de protection pour les personnes inaptes.
La nouvelle mesure de représentation temporaire est destinée à préserver le droit à l’autonomie de la personne et à éviter l’ouverture d’un régime de protection lorsque cela ne s’avère pas nécessaire. Elle permet au tribunal de nommer une personne pour agir au nom de la personne inapte aux fins d’actes spécifiques, comme la vente d’une maison, la renonciation à une succession insolvable, etc.
Volontaire, la nouvelle mesure d’assistance n’est pas judiciarisée et ne limite pas la capacité de la personne assistée à poser certains actes juridiques ni ne restreint ses droits. En pratique, il faudra s’adresser au directeur de la protection des personnes vulnérables (nouvelle désignation à venir du curateur public) pour obtenir cette mesure.
La personne assistée et reconnue par le directeur de la protection des personnes vulnérables pourra choisir un ou deux assistants. À moins que la personne assistée le souhaite, ils ne seront pas tenus d’agir conjointement pour voir à ses soins personnels, à l’administration de ses biens, à l’exercice de ses droits civils, à la collecte et à la transmission de certaines informations ainsi qu’à la prise et à la communication de certaines décisions. L’assistant ne sera pas rémunéré, mais il pourra réclamer le remboursement des dépenses engagées dans l’exercice de sa charge.
Il est important de noter que cet assistant ne sera pas un représentant, mais un intermédiaire de la personne assistée afin de faire connaître ses volontés et ses préférences auprès de tiers. Il ne pourra pas agir à sa place ni intervenir dans des actes ou signer des documents en son nom. En clair, la personne assistée ne sera pas une personne juridiquement incapable ou inapte, car elle conservera sa pleine capacité à exercer ses droits civils.
Pour prévenir les abus, le législateur a prévu des « parapets » juridiques en édictant une série de filtres de protection parmi lesquels figurent :
h la notification de la demande de mesure d’assistance à au moins deux proches de la personne qui souhaite être assistée ;
h la vérification des antécédents judiciaires de l’assistant pressenti ;
h la tenue d’une rencontre avec la personne qui souhaite être assistée sans la présence de l’assistant pressenti ;
h l’inscription du nom de l’assistant dans un registre public ;
h la tenue d’une rencontre avec la personne qui souhaite être assistée et l’assistant pressenti ;
h la production d’un état sommaire du patrimoine de la personne qui souhaite être assistée ;
h l’engagement de l’assistant à respecter la vie privée de la personne assistée ;
h la possibilité pour la personne assistée de mettre fin à la reconnaissance de l’assistant en tout temps.
De plus, le directeur de la protection des personnes vulnérables disposera d’un pouvoir d’enquête et pourra, entre autres, refuser de reconnaître un assistant, suivre périodiquement la personne assistée et l’assistant, et mettre fin en tout temps à la reconnaissance de l’assistant, s’il y a lieu de craindre un préjudice sérieux pour la personne assistée.
L’ouverture de la tutelle au majeur modulée nécessitera une procédure judiciaire qui demeurera inchangée, sauf en ce qui concerne les évaluations médicales et psychosociales qui seront adaptées afin que le tribunal soit en mesure de déterminer si la tutelle doit être modulée pour préserver l’autonomie de la personne concernée et pour lui permettre de poser elle-même certains actes, comme effectuer des transactions bancaires ou signer un bail.
En ce qui concerne le mandat de protection, les dispositions de la loi visent à prévenir les abus en protégeant davantage la personne inapte et son patrimoine et en resserrant l’administration du mandataire qui sera dorénavant tenu de faire un inventaire des biens dans les 60 jours de l’homologation du mandat et de rendre des comptes à la personne désignée au mandat de protection.
En plus de prendre les décisions dans l’intérêt du mandant, dans le respect de ses droits et aux fins de la sauvegarde de son autonomie, le mandataire devra tenir compte non seulement de ses volontés et de ses préférences, mais aussi de sa condition, de ses besoins, de ses facultés et des autres circonstances dans lesquelles il se trouve afin d’assurer son bien-être moral et matériel. Il sera également tenu de maintenir une relation personnelle avec le mandant, de le faire participer aux décisions prises à son sujet et de l’en tenir informé.
Cette réforme vise à mieux protéger les personnes en situation de vulnérabilité et à s’assurer qu’elles soient davantage respectées. Le nouveau cadre de protection sera plus souple, car il s’adaptera à chaque situation. La protection sera personnalisée en fonction des besoins spécifiques de chaque individu, tout en diminuant les préjugés à l’égard des personnes vulnérables et en offrant une prise en compte accrue de leurs intérêts. //
Note de la rédaction. Ce texte a été écrit, révisé et mis en pages par Conseil et Investissement Fonds FMOQ inc. et ses mandataires. Il n’engage que ses auteurs.