En fin... la facturation

Facturation des services aux personnes assurées

Suites de la décision de la Cour d’appel

Michel Desrosiers  |  2022-07-27

La Fédération a contesté l’interprétation que faisait la RAMQ de la possibilité de facturer des frais aux personnes assurées pour certains services. Bien qu’elle ait été déboutée en première instance, la Cour d’appel lui a donné raison sur plusieurs points. Quels sont les lendemains de cette décision pour les médecins qui offrent ces services ?

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Depuis l’adoption du règlement abolissant les frais accessoires en janvier 2017, la facturation de frais aux personnes assurées pour certains services a fait l’objet de vives discussions entre la Fédération et la RAMQ. Dans bon nombre de situations, la Fédération était d’avis que la position de la RAMQ n’était pas raisonnable et qu’elle dépassait ce que prévoyait la loi. Il y avait alors deux approches possibles, attendre que la RAMQ réclame à un médecin le remboursement des frais visés puis contester ou être proactif et demander à la Cour supérieure de trancher dans le cadre d’une requête en jugement déclaratoire.

La Fédération a opté pour la deuxième option. Il faut être conscient que le jugement déclaratoire est un recours dit « discrétionnaire ». La cour peut refuser de trancher la ou les questions soumises lorsqu’il n’y a pas de difficulté réelle ou qu’un jugement ne permet pas de résoudre le problème. C’est d’ailleurs ce que la juge a fait concernant certaines des demandes.

La Fédération a contesté la position de la RAMQ sur cinq services :

h l’échographie utilisée par un médecin de famille en cabinet pour effectuer un service assuré (guidage d’une injection, par exemple) ;

h la rédaction du formulaire de médicament d’exception ;

h la rédaction d’attestations à remettre à des tiers ;

h la production de copies de dossiers destinée à une personne autre qu’un professionnel participant ou visant à obtenir des services qui découlent de choix personnels de l’assuré plutôt que d’une recommandation de son médecin ;

h la copie de prescriptions ou d’attestations perdues.

En première instance, la juge de la Cour supérieure a donné raison à la RAMQ sur tous les points en adoptant le raisonnement que les services assurés devaient être gratuits et que le service n’était pas complet tant que toutes les démarches requises pour respecter la recommandation du médecin n’étaient pas terminées. Selon ce raisonnement, comme l’échographie était nécessaire pour effectuer une injection ou rendre un autre service assuré, elle ne pouvait pas être facturée au patient. Le raisonnement était le même pour le formulaire de médicament d’exception ou de patient d’exception, le patient n’obtenant pas le plein avantage du traitement du médecin à moins que ce dernier ne remplisse les formalités requises. Ce même raisonnement s’appliquait aux attestations, vues comme la consignation par écrit des recommandations au patient, même si elles étaient demandées pour un tiers. De plus, la juge de première instance était d’avis qu’une décision sur la question des attestations ne mettrait pas fin à la difficulté décrite du fait qu’il y avait trop de cas de figure possibles et trop de difficultés de langage pour circonscrire les situations visées.

Lors de la décision sur la requête en appel, la Cour d’appel a souligné qu’une application tous azimuts du raisonnement de base selon laquelle toutes les démarches nécessaires pour permettre au patient d’obtenir le service assuré devenaient assurées était erronée. En effet, la loi prévoit clairement que certains services ne sont pas assurés et qu’un service non assuré ne change pas de nature lorsqu’il est exigé pour rendre un service assuré.

Forte de ce constat, la Cour d’appel a statué que l’échographie, faite par un médecin de famille en cabinet, restait un service non assuré même lorsque le médecin y avait recours pour guider un service assuré comme une injection ou une ponction. La Fédération peut donc négocier un tarif spécifique pour ces techniques sous guidage échographique. Il revient au patient de payer les frais inhérents au volet non assuré du service (appareil, fournitures requises et honoraires du médecin liés à son utilisation). Le patient qui ne voudrait pas payer ces frais pourrait demander au médecin de l’effectuer selon les repères anatomiques de surface ou obtenir le service gratuitement en clinique de radiologie ou en milieu hospitalier, lieux où ce service (y compris le guidage) est assuré.

En ce qui a trait au formulaire de médicament d’exception, la Cour d’appel ne s’est pas appuyée sur le fait que le formulaire était requis par un tiers. L’argument principal de la Fédération était que la RAMQ agissait comme assureur pour la couverture des médicaments et par conséquent comme tiers. La Cour a plutôt invoqué le fait qu’un des articles de la Loi sur l’assurance médicament qui n’est pas encore en vigueur (un argument subsidiaire de la Fédération) prévoit qu’un professionnel ne peut réclamer de frais pour le formulaire. Le raisonnement de la Cour d’appel est que le législateur n’aurait pas prévu une telle règle si la rédaction du formulaire était un service assuré et qu’il fallait conclure qu’elle ne l’était pas et qu’un médecin pouvait réclamer des frais à une personne assurée.

Comme l’article en question parle seulement du formulaire de médicament d’exception, et non de celui du patient d’exception, la Cour d’appel n’a pas conclu que les médecins pouvaient facturer des frais pour ce formulaire spécifique.

En ce qui a trait aux attestations et aux frais de copies, la Cour d’appel a statué qu’il y avait trop de situations possibles et qu’une décision ne mettrait pas fin à la difficulté d’application. Elle a donc refusé de trancher les questions soumises. Elle a émis quelques commentaires sur le fait que la facturation de frais pour des formulaires intimement liés au motif de consultation pouvait ouvrir la porte à une fragmentation des services de santé (partie assurée et non assurée), risque que le législateur a voulu éviter. On peut y voir une invitation à la prudence aux médecins et à leurs représentants de la part de la Cour d’appel. Ce même risque pourrait aussi influencer le législateur en cas de dérapages et de pressions sociales.

Injection sous guidage échographique

La Fédération a fait le choix de ne pas négocier de tarif spécifique pour ces services. Les médecins réclament donc le code de la RAMQ pour l’injection ou pour tout autre service sous-jacent et sont libres de percevoir des frais auprès de leurs patients pour le coût de l’appareil d’échographie, les fournitures et les honoraires d’interprétation. La Fédération va faire des suggestions et modifier sa grille en conséquence.

Une des difficultés à fixer un tarif est la partie des frais liés à l’appareil. Le coût d’un appareil peut varier selon le modèle et les sondes et est réparti sur l’utilisation projetée. Plus un médecin utilise l’appareil, plus le coût par utilisation est faible. Il peut y avoir une autre difficulté en cabinet, soit des clauses limitant le recours à l’échographie (encadré).

Encadré

En ce qui a trait au médecin en établissement, l’appareil et les fournitures seront pris en charge par l’établissement. Le médecin ne peut donc pas réclamer de frais à un patient. En milieu hospitalier, l’échographie est assurée, mais seulement si le médecin respecte le libellé et qu’il détient les privilèges requis. Selon le libellé de l’échographie dirigée d’urgence (EDU), cet examen a pour but de clarifier le diagnostic ou de vérifier la réponse au traitement. On ne parle pas d’aide à un traitement ou à une injection. Les échographies de surface ne visent généralement pas l’accompagnement d’une technique. Certains libellés le prévoient spécifiquement (ponction d’une collection liquidienne profonde, par exemple, code 00124 ou 00234). Toutefois, en établissement, même en l’absence de code spécifique, il n’est pas possible de réclamer de frais à une personne assurée pour l’interprétation de l’échographie.

En CLSC, l’échographie n’est assurée que pour les services d’obstétrique ou d’avortement, dans les CLSC désignés seulement. C’est donc dire que le médecin qui effectue d’autres services en CLSC peut techniquement réclamer des honoraires au patient pour l’échographie servant à donner un service assuré comme une injection. Il s’agira alors purement du volet des honoraires pour sa lecture de l’échographie, l’appareil et le matériel étant fournis par l’établissement. Il serait prudent que le médecin en discute au préalable avec l’établissement afin d’éviter les incompréhensions de part et d’autre. Et il va de soi que les patients devraient être adéquatement informés, la situation pouvant facilement engendrer un malentendu.

La Cour d’appel a statué que l’échographie, effectuée par un médecin de famille en cabinet, demeurait un service non assuré lorsqu’elle servait de guidage pour rendre un service assuré comme une injection ou une ponction.

Formulaire de médicament d’exception

Les formulaires étant maintenant remplis en ligne, le temps exigé pour cette tâche est réduit. La tarification du médecin doit donc en tenir compte.

De plus, en raison de la base de la décision, le gouvernement pourrait mettre en vigueur l’article interdisant la perception de frais pour remplir le formulaire. La Fédération devrait alors négocier un tarif avec le ministère. Il faut aussi être conscient que le gouvernement pourrait avoir les mêmes préoccupations que celles de la Cour d’appel.

Attestations

Le remplissage d’un formulaire d’une compagnie d’assurance ou d’un employeur est clairement un service administratif requis par un tiers. La RAMQ le reconnaît et permet au médecin de facturer des frais au tiers ou à une personne assurée tant qu’il respecte les conditions (affichage, respect du tarif affiché, production d’une facture ou d’un reçu détaillé contenant l’information sur le recours possible à la RAMQ).

Reste à voir si la RAMQ modifiera son interprétation à la suite de ce jugement sur les attestations demandées par des employeurs, des écoles, des garderies, des camps de vacances pour confirmer qu’une personne a consulté un médecin, ne peut travailler, ne peut prendre les escaliers ou faire de l’éducation physique. Les discussions préliminaires tenues entre la Fédération et la RAMQ ne sont pas encourageantes à cet égard. La RAMQ est d’avis que dès qu’une recommandation écrite peut être perçue comme l’expression d’un plan de traitement ou d’une recommandation au patient, même si dans les faits le document servira essentiellement à un tiers, elle fait partie du service assuré et ne peut donner lieu à une facturation.

La grille indicative de frais pour les services non assurés sera donc mise à jour prochainement et distribuée aux membres. Une grille à jour en petit format est en ligne depuis juillet 2022.

La Fédération a fait le choix de ne pas négocier de tarif spécifique pour les injections sous guidage échographique. Les médecins en cabinet facturent donc le service assuré à la RAMQ et peuvent percevoir des frais auprès de leurs patients pour le coût de l’appareil, les fournitures et les honoraires d’interprétation.

Liste des services non facturés depuis deux ans

Lorsque la Fédération a déposé sa requête en jugement déclaratoire, elle vous a recommandé de ne pas facturer de frais à des personnes assurées pour les services qui faisaient l’objet de la requête. En raison de la décision en première instance qui donnait raison à la RAMQ, il est difficile d’invoquer la négligence de la RAMQ. Bien que la Cour d’appel ait donné gain de cause à la Fédération sur certains points, il sera difficile pour des médecins de se faire payer ces services. Les services non assurés pourraient en principe être réclamés auprès des patients qui en ont bénéficié. Toutefois, comme ces derniers doivent être avisés au préalable des frais qui seront réclamés et que la position de la RAMQ interdisait à l’époque aux médecins d’exiger de tels frais, les conditions pour pouvoir les facturer ne sont pas réunies. Et c’est sans compter sur la réaction probable des patients qui se verraient réclamer des frais rétroactivement.

Espérons que ces informations vous aident à comprendre l’évolution de la question des frais facturables à des patients et à ajuster votre conduite en conséquence. Nous traiterons prochainement de la visite périodique du patient vulnérable. D’ici là, bonne facturation ! //

En s’appuyant sur un article de loi qui n’est pas encore en vigueur et qui interdit la facturation de frais pour remplir le formulaire de médicament d’exception, la Cour d’appel a jugé qu’il était permis de facturer des frais pour remplir ce formulaire. L’article en question étant muet sur la question du patient d’exception, la Cour n’a pas statué sur ce formulaire.