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Étude canadienne sur la grossesse et la COVID-19

les risques des femmes non vaccinées

Élyanthe Nord  |  2022-08-30

Une étude canadienne à laquelle ont participé des hôpitaux québécois montre que l’infection à SRAS-CoV-2 pendant la grossesse peut être associée à d’importants effets sur la mère et à une augmentation du risque d’accouchement prématuré.

Dre Isabelle Boucoiran

Au début de la pandémie, la plupart des femmes enceintes n’étaient pas vaccinées contre le SRAS-CoV-2. Des chercheurs canadiens se sont aperçus que celles qui contractaient le virus avaient un risque accru d’hospitalisation, d’admission aux soins intensifs et d’accouchement prématuré.

Dans six provinces – le Québec, l’Ontario, la Colombie-Britannique, la Nouvelle-Écosse, l’Alberta et le Manitoba –, des experts ont analysé les données des femmes enceintes atteintes de la COVID-19 qui ont accouché entre mars 2020 et novembre 2021. Sur les 6012 futures mères que comptait leur étude, publiée dans le Journal of the American Medical Association, 466 ont été hospitalisées, 121 ont séjourné aux soins intensifs et 635 ont accouché avant terme1.

Les chercheurs ont comparé ces chiffres à ceux des femmes du même âge infectées par le SRAS-CoV-2 et à ceux de femmes enceintes non atteintes tirés de banques de données nationales. Ils ont alors constaté que, par rapport aux femmes contaminées dans la population, leurs sujets avaient 2,7 fois plus de risque d'être hospitalisés. Et leur risque d’être traités aux soins intensifs était accru de plus de cinq fois (tableau1). Ainsi, chez les femmes touchées par la COVID-19, la grossesse est associée à une probabilité plus élevée de complications. En ce qui concerne l’enfant, le risque de naissance prématurée était augmenté de 63 %.

Tableau

La Dre Isabelle Boucoiran, obstétricienne-gynécologue au CHU Sainte-Justine, était la chercheuse principale de l’étude au Québec. « Ce qui me frappe, c’est que parmi les cas graves, il n’y avait pas de femmes adéquatement vaccinées, c’est-à-dire ayant reçu au moins deux doses », indique-t-elle. Parmi les femmes étudiées, seules quinze étaient complètement immunisées.

Les femmes non blanches plus touchées

Un autre fait de l’étude est marquant pour la Dre Boucoiran : la surreprésentation des femmes non blanches. Elles constituaient 62 % des futures mères infectées comptabilisées alors qu’elles ne forment que 20 % de la population générale de femmes au Canada. Leur risque d’hospitalisation était également plus élevé. Chez les femmes noires et celles venant d’Afrique, des Caraïbes, de l’Asie de l’Est ou de l’Asie du Sud-Est, il était multiplié par 2,5.

La gynécologue-obstétricienne ne croit pas que la présence plus nombreuse de ces femmes soit due à leur race. « L’origine ethnique est un marqueur de nombreuses différences socio-économiques. Elle est associée à des éléments comme les conditions de vie ou l’accès à l’information sur la santé qui peuvent désavantager certains groupes. Les femmes non blanches de l’étude évoluaient peut-être dans un milieu qui les exposait davantage au risque. Par exemple, combien de personnes vivaient sous le même toit qu’elles ? Nos données montrent donc que certains sous-groupes présentent des besoins particuliers et qu’il faut privilégier chez eux la vaccination et les messages de santé publique », estime la professeure de clinique à l’Université de Montréal.

Facteurs de risque

Qu’est-il arrivé aux 466 femmes enceintes de l’étude hospitalisées à cause de la COVID-19 ? La durée médiane de leur séjour dans un centre de soins a été de six jours. Parmi elles, 95 ont eu besoin d’oxygène. Chez les 121 qui ont été admises aux soins intensifs, la durée médiane a été de quatre jours. Vingt-trois patientes ont eu besoin de ventilation mécanique invasive. Moins de six sont mortes.

Les chercheurs ont par ailleurs déterminé les facteurs de risque liés aux formes graves de l’infection à SRAS-CoV-2. L’un des principaux : une hypertension préexistante. Elle était associée à une hausse de 2,4 du risque d’hospitalisation. L’âge gestationnel au moment du diagnostic semble également important. La probabilité d’admission à l’hôpital était multipliée par 2,4 chez les femmes atteintes de la COVID-19 à la 28e semaine ou plus de grossesse par rapport à celles qui avaient été infectées à un stade plus précoce. L’âge, l’indice de masse corporelle, un diabète préexistant et l’asthme constituaient aussi des facteurs de risque.

Hausse du risque de prématurité

Qu’en est-il des risques pour l’enfant ? L’infection à SRAS-CoV-2 chez la mère était associée à une possibilité accrue de naissance à moins de 37 semaines de gestation. Ainsi, chez les femmes atteintes, le taux d’accouchement prématuré était de 11,1 % par rapport à 6,8 % chez les futures mères non infectées (risque relatif : 1,6). Même lorsque la maladie était légère et ne nécessitait pas d’hospitalisation, le risque d’accouchement prématuré restait élevé : 9,3 %.

« Initialement, on pensait que la prématurité était uniquement liée aux cas graves pour lesquels on avait dû provoquer un accouchement, soit parce qu’on soupçonnait une détresse fœtale, soit pour permettre à la femme de mieux respirer. On a donc été étonnés de constater que même dans le cas de formes légères, le taux d’accouchements prématurés était augmenté », dit la Dre Boucoiran.

Certains des accouchements avaient été spontanés alors que d’autres avaient été déclenchés. Mais la COVID-19 n’en était pas forcément responsable. « Il est difficile de savoir s’il y a un lien de cause à effet. Il est aussi possible que le risque de prématurité soit lié à la population qui a eu la COVID-19. Les femmes atteintes dans notre étude ne sont pas les mêmes que celles de la population générale. On sait que les déterminants sociaux de la santé jouent aussi sur le risque de prématurité. »

L’infection à SRAS-CoV-2 n’était par ailleurs pas liée à un changement significatif du taux de prééclampsies, de césariennes et de décès à la naissance. Le nombre de fausses couches n’était pas non plus significativement différent. « De façon anecdotique, nous avons quand même vu des patientes atteintes d’une COVID-19 grave faire une fausse couche. Je ne pense pas qu’il y ait eu beaucoup de cas, donc ce n’est pas significatif dans les analyses statistiques. Cependant, il faut être conscient que toute femme enceinte qui a une importante infection peut subir une perte fœtale. Et ce n’est pas unique à la COVID-19 », précise la clinicienne.

Des bébés protégés contre la forme grave de la COVID-19

Plusieurs centres québécois participent à l’étude qui se poursuit dans le cadre du programme de Surveillance canadienne de la COVID-19 pendant la grossesse (CANCOVID-Preg) : l’Hôpital de la Cité-de-la Santé, l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, le Centre universitaire de santé McGill, le CHU de Montréal, le CHU de Québec–Université Laval, le CHU Sainte-Justine, le CHU de Sherbrooke et l’Hôpital du Sacré-Cœur-de-Montréal.

« Les hôpitaux participants ont fait un gros travail pour recueillir des informations sur les femmes enceintes qui avaient la COVID. Ils devaient rechercher les cas dans leurs données de laboratoire, leurs archives et leurs dossiers », précise la Dre Boucoiran. La plupart des autres provinces participantes, elles, avaient déjà un registre.

Les établissements continuent à collecter des données. Maintenant qu’une grande partie de la population est vaccinée, les prochains résultats seront probablement différents. Dans son hôpital, la Dre Boucoiran n’a pas vu de femmes enceintes atteintes d’une forme grave de la COVID-19 depuis longtemps. « C’est un signe que la vaccination fonctionne. »

L’immunisation de la mère aurait par ailleurs un autre avantage : protéger le futur enfant, affirme la spécialiste. Une nouvelle étude publiée dans le New England Journal of Medicine vient de montrer que l’administration de deux doses de vaccins pendant la grossesse chez la femme enceinte était associée à une diminution du risque d’hospitalisation pour la COVID-19 chez les bébés de moins de 6 mois. L’efficacité de la mesure était de 69 % quand la vaccination de la mère avait lieu après vingt semaines de gestation et de 38 % lorsqu’elle avait lieu avant2. //

Biliographie

1. McClymont E, Albert A, Alton G et coll. Association of SARS-CoV-2 infection during pregnancy with maternal and perinatal outcomes. JAMA 2022 ; 327 (20) : 1983-91. DOI : 10.1001/jama.2022.5906.

2. Halasa N, Olson S, Staat M et coll. Maternal vaccination and risk of hospitalization for COVID-19 among infants. N Engl J Med 2022 14 ; 387 (2) : 109-119. DOI : 10.1056/NEJMoa2204399.