Dans la chronique de Question de bonne entente de ce numéro, nous parlons des inspections qu’effectue la RAMQ depuis quelques mois concernant la codification des patients considérés comme vulnérables et de la facturation des visites associées, en particulier la visite périodique du patient vulnérable. Dans une perspective préventive, soulignons certaines habitudes que vous pouvez adopter lors de votre rédaction de notes médicales qui peuvent vous aider à répondre aux exigences de la RAMQ pour ces inspections.
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
Sans donner raison à la RAMQ quant à ses exigences pour les inspections, je crois qu’il est toujours prudent de revoir le libellé des divers services afin de bien répondre aux exigences de l’Entente. Plusieurs médecins peuvent avoir une compréhension générale des éléments distinctifs des différentes visites et l’appliquer de façon uniforme sans se rendre compte qu’ils ne respectent pas nécessairement les exigences de l’Entente.
Lors de ses inspections, en plus de vérifier la codification des patients déclarés comme vulnérables, la RAMQ revoit aussi le respect des exigences du libellé de la visite périodique du patient vulnérable (encadré). Elle critique rarement certains des éléments de la visite, comme l’inscription du patient auprès du médecin ou le fait qu’il en assure un suivi longitudinal. L’exigence sur laquelle table le plus souvent la RAMQ est celle de l’obligation d’effectuer une révision du plan de traitement. L’autre élément est l’évaluation de l’évolution de l’état du patient. La RAMQ ne semble généralement pas remettre en question les gestes préventifs concernant le tabagisme. Revoyons les deux exigences évoquées.
Pour la RAMQ, l’obligation d’évaluer l’évolution de l’état du patient porte sur son état de vulnérabilité. Le libellé ne semble pourtant pas comporter une telle précision. Et nous savons bien qu’un état de vulnérabilité peut être quiescent ou que la maladie sous-jacente peut guérir. Dans d’autres cas, un médecin spécialiste peut suivre l’état du patient et ajuster lui-même le plan de traitement et n’apprécierait pas l’intervention non sollicitée du médecin de famille à cet égard. De plus, d’autres problèmes du patient peuvent demander une évaluation plus substantielle que n’exige son état de vulnérabilité.
Les exigences sur lesquelles table le plus souvent la RAMQ lors d’inspections sont l’obligation d’effectuer une révision du plan de traitement et l’évaluation de l’évolution de l’état du patient. |
N’en demeure pas moins que le libellé précise que le médecin doit évaluer l’évolution de l’état du patient. Il est donc important que votre note reflète une telle évaluation. Lorsque c’est pertinent, même si le patient est suivi par un spécialiste, vous pourriez noter que tout semble bien aller.
En ce qui a trait à la révision du plan de traitement, la RAMQ mentionne souvent au médecin que rien au dossier n’indique une telle révision. Les médecins invoquent régulièrement le fait d’avoir represcrit le médicament du patient pour montrer que le traitement était adéquat (le raisonnement étant que le médecin aurait modifié le traitement si le plan de traitement n’était pas optimal). Un tel raisonnement ne convaincra pas nécessairement la RAMQ, particulièrement si l’état du patient semble objectivement mal maîtrisé au point de s’attendre à une évaluation additionnelle ou encore à l’ajout ou au retrait de certains médicaments.
Bref, dans une perspective de prévention advenant un contrôle de la RAMQ, lorsque vous réclamez une visite périodique du patient vulnérable, il pourrait être prudent de faire un lien entre l’évolution de son état et le plan de traitement. Si l’état d’un patient souffrant d’anxiété généralisée s’est amélioré, mais que vous ne voulez pas réduire la dose de son médicament en raison de récidives survenues lors de tentatives antérieures de réduction, les quelques secondes investies pour l’indiquer peuvent en valoir la peine. De la même façon, si l’hypertension d’un patient n’est toujours pas maîtrisée, l’ajout d’un nouveau produit pour cette raison, le retrait des AINS qui aggravent possiblement le problème ou la prescription d’une échographie rénale montre sans ambiguïté une révision du plan de traitement ou du moins un questionnement à son égard.
Le libellé ne prévoit aucune durée à la visite, et nous n’avons pas vu de dossiers où la RAMQ soulève ce point pour critiquer la facturation de la visite périodique du patient vulnérable. La RAMQ pourrait tout de même rejeter votre facturation pour d’autres motifs lors d’une inspection.
Si la durée de la visite n’est pas indiquée, la RAMQ proposera sans doute de transformer la visite périodique en visite de suivi. Si la notion de vulnérabilité n’est pas remise en cause pour le patient en question, le tarif sera celui du patient vulnérable. Cependant, au-delà de 25 minutes, la RAMQ pourrait plutôt juger plus intéressant de transformer la visite en intervention clinique, avec le supplément de vulnérabilité associé. Elle sera toutefois sans doute réticente à le faire s’il n’y a aucune indication de la durée de la visite. La mention de la durée facilitera ainsi les choses. Pour des visites de courte durée, l’enjeu sera limité. Quand les visites dépassent 38 minutes, il commence à être plus substantiel. Il peut donc être avantageux d’inscrire la durée de la visite dans vos dossiers, même lorsque vous réclamez une visite pour laquelle elle n’a pas d’importance.
Indiquer la durée de la visite, même s’il n’existe pas de durée minimale pour le type de visite facturé, peut faciliter la conversion de vos visites en intervention clinique en cas de contestation de la RAMQ dans le cadre d’une inspection. |
Certains pourront dire que leur DME conserve un registre des heures d’ouverture et de fermeture des dossiers, informations qui pourront être remises à la RAMQ le cas échéant. Même si c’est vrai, cette approche comporte deux lacunes. En effet, cette information ne se trouvera pas dans les dossiers que vous transmettrez à la RAMQ dans le cadre d’une inspection. Lorsque la RAMQ rejettera votre facturation, vous devrez alors faire une démarche additionnelle pour extraire l’information et la fournir à la RAMQ. Vous éviterez cette deuxième étape si l’information figure déjà dans vos notes. L’autre problème potentiel en est un lié aux habitudes. Plusieurs médecins gardent ouverts leurs dossiers de la plage de l’avant-midi ou de l’après-midi jusqu’à la fin de la plage, moment où ils finalisent les notes. Certains ouvrent même, au début de la période ou de la journée, l’ensemble des dossiers des patients qu’ils comptent voir. L’indication de l’heure d’ouverture et de fermeture ne permettra alors pas d’établir la durée des visites. Par conséquent, si vous avez cette habitude, il serait opportun d’inscrire la durée des visites dans vos notes. On ne sait jamais quand vous pourriez en avoir besoin.
Ces quelques gestes préventifs ne prennent que quelques secondes au moment de la rédaction de la note des visites, mais peuvent réduire les risques de surprises lors d’inspections de la RAMQ. Tant que vous n’y consacrez que quelques instants, ça ne devrait pas avoir d’effets néfastes sur vos patients.
Espérons que ces quelques informations vous éviteront des problèmes si jamais vous faites l’objet d’une inspection de votre facturation. Bonne facturation ! //