aucune différence entre la prise du matin et du soir
Le débat est maintenant clos : les patients peuvent prendre leurs antihypertenseurs le matin ou le soir. Cela ne fait aucune différence sur le plan de la mortalité ou de la morbidité cardiovasculaires, vient de trancher l’étude TIME (Treatment in Morning versus Evening) publiée dans le Lancet1.
Ce grand essai clinique mené au Royaume-Uni comptait 21 104 participants initialement âgés de 65 ans en moyenne et prenant un ou plusieurs antihypertenseurs. Les sujets, invités à s’inscrire sur le portail de l’étude, devaient, selon le groupe que leur assignait au hasard le système, prendre leur traitement soit le matin, soit le soir. Ils avaient également à remplir en ligne tous les trois mois un questionnaire de suivi (encadré).
Le critère d’évaluation principal était un décès de nature cardiovasculaire ou une hospitalisation pour un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral. Après un suivi médian de 5,2 ans, 3,4 % des patients qui devaient prendre leur traitement le soir ont subi l’un de ces événements et 3,7 % de ceux qui le prenaient le matin. La différence n’est pas significative (p 0,53).
« Il s’agit d’une étude importante, explique le Dr Maxime Lamarre-Cliche, directeur de la Clinique d’hypertension de l’Institut de recherches cliniques de Montréal et du CHUM. L’étude Hygia avait auparavant montré que la prise des antihypertenseurs le soir réduisait les complications cardiovasculaires graves de 45 %2. Ces résultats, et ceux d’études similaires, avaient changé la pratique. Cependant, tout le monde se doutait que c’était trop beau pour être vrai. Il fallait réellement refaire un essai clinique. »
La réponse qu’apporte l’étude TIME est probablement définitive. « Comme ce que l’on recherchait était une très grande diminution des événements cardiovasculaires, on aurait dû la voir si elle avait été réelle, à cause du nombre énorme de participants », indique l’interniste.
Les résultats de l’étude TIME changent la perspective des cliniciens. « L’adhésion au traitement redevient un élément essentiel. Est-ce que les patients préfèrent prendre leurs médicaments le matin ou le soir ? Cela a beaucoup d’importance », mentionne le Dr Lamarre-Clique, également professeur agrégé de clinique à l’Université de Montréal.
Dans l’essai clinique TIME, qu’aimaient mieux les sujets ? Avant de participer à l’étude, 85 % de ceux qui ont indiqué leur préférence prenaient leurs antihypertenseurs le matin. Par ailleurs, les chercheurs notent que dans le groupe du soir, 39 % des participants n’ont pas pris leur dose aux heures prévues à un moment ou à un autre de l’étude contre 23 % dans le groupe du matin (p 0,001). « C’est la seule différence vraiment notable entre les deux groupes », remarque le Dr Lamarre-Cliche.
Dans sa propre pratique, le spécialiste constate lui aussi la préférence des gens pour l’administration des médicaments le matin. « Des patients me disent : “Moi, mes pilules sont à côté de mon jus d’orange du matin, et les deux viennent ensemble. Donc, si on essaie de me faire prendre mes médicaments à midi ou le soir, je vais les oublier. Et si je n’ai pas mon jus d’orange, je vais aussi les oublier”. La prise du médicament s’insère ainsi dans les habitudes de vie des gens. »
Jusqu’à présent, toutefois, bien des cliniciens insistaient sur la prise vespérale des antihypertenseurs. « Tous les groupes médicaux travaillant dans le domaine de l’hypertension étaient au courant des conclusions de l’étude Hygia. Elles étaient entrées dans la pratique médicale habituelle. L’étude TIME, cependant, vient tout changer. »
Le Dr Lamarre-Cliche, pour sa part, ne modifiera pas sa pratique à la lumière des résultats de l’essai clinique TIME. Déjà, il ne recommandait pas à ses patients de prendre tous leurs antihypertenseurs le soir. « J’avais tendance à répartir l’administration des médicaments entre le matin et le soir, et c’est ce que je vais continuer à faire. Si le patient prend deux, trois ou quatre médicaments d’un coup, quand ces derniers passent dans le sang quelques heures plus tard, il le sent. Il peut éprouver une certaine fatigue ou des étourdissements. »
L’interniste conseille entre autres au patient de prendre les diurétiques le matin et les inhibiteurs calciques au coucher. « Quelques données fragmentaires semblent indiquer que les jambes enflent peut-être un peu moins avec la prise des bloqueurs des canaux calciques au coucher. » Mais l’interniste tient surtout compte de la préférence des gens.
« L’adhésion au traitement antihypertenseur redevient un élément essentiel. Est-ce que les patients préfèrent prendre leurs médicaments le matin ou le soir ? Cela a beaucoup d’importance. » – Dr Maxime Lamarre-Clique |
Le débat est-il terminé pour tous les types de patients hypertendus ? « Y aurait-il un sous-groupe chez lequel on pourrait refaire une étude ? Peut-être chez ceux dont le risque cardiovasculaire est plus élevé. Ils n’ont pas été très bien représentés dans l’étude TIME. Pour la moyenne des patients, cependant, je dirais que la question est relativement close. D’autres études, dont une canadienne, sont par ailleurs en cours. Elles vont nous fournir elles aussi des données. » //
1. Mackenzie I, Rogers A, Poulter N et coll. Cardiovascular outcomes in adults with hypertension with evening versus morning dosing of usual antihypertensives in the UK (TIME study): a prospective, randomised, open-label, blinded-endpoint clinical trial. Lancet 2022 ; 400 (10361) : 1417-25. DOI : 10.1016/S0140-6736(22)01786-X. Publié en ligne le 11 octobre 2022.
2. Hermida R, Crespo J, Domínguez-Sardiña M et coll. Bedtime hypertension treatment improves cardiovascular risk reduction: the Hygia chronotherapy trial. Eur Heart J 2020 ; 41 : 4565–76.