avenues pour améliorer la première ligne
Le 9 septembre dernier, à Rouyn-Noranda, le Dr Marc-André Amyot, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, commençait sa tournée provinciale en rencontrant les membres de l’Association des médecins omnipraticiens du nord-ouest du Québec lors de leur assemblée générale annuelle.
Les inscriptions collectives fonctionnent bien. Très bien. « Actuellement, 790 000 patients sont inscrits collectivement au Québec, et leur nombre continue d’augmenter », a annoncé le Dr Marc- André Amyot, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), aux membres de l’Association des médecins omnipraticiens du nord-ouest du Québec (AMONOQ).
Ce nombre d’inscriptions révèle deux faits, a indiqué le président aux quarante cliniciens présents. « D’abord, que vous avez répondu présent. Ensuite, que l’inscription collective est une façon de faire prometteuse dans un contexte où les besoins de la population sont beaucoup plus élevés que l’offre de service. »
L’accès à un médecin de famille, même s’il s’est amélioré, demeure un défi, a rappelé le Dr Amyot. Les patients sans médecin de famille et les personnes inscrites collectivement peuvent maintenant obtenir un rendez-vous médical par l’entremise du guichet d’accès à la première ligne (GAP) en appelant au 811. Mais ce n’est pas le cas des patients inscrits individuellement auprès d’un omnipraticien. Certains, parmi ces derniers, se plaignent de la difficulté à joindre leur médecin de famille et quand ils appellent au 811, ils n’ont pas la possibilité d’obtenir un rendez-vous médical.
Pour remédier à la situation, le président de la Fédération lance un appel à ses membres pratiquant en première ligne. La nouvelle mesure sera volontaire. « On vous demandera de réserver, chaque jour où vous êtes en clinique, une plage de rendez-vous que le centre de contacts intégrés (CCI) – soit le 811, option 1 – pourra offrir à vos propres patients qui l’appellent. Vous n’aurez pas nécessairement à ajouter un rendez-vous supplémentaire, mais simplement à le rendre visible pour le CCI dans votre horaire. »
Cette plage horaire, même si elle reste inutilisée, sera comptabilisée dans les consultations accordées à l’intérieur de 36 à 72 heures. Normalement, la règle concernant les visites fixées dans les trois jours prévoit que pour être compté, le rendez-vous doit être donné à un patient. « Ce ne sera pas le cas des plages que le CCI pourra utiliser pour les personnes inscrites. »
Ce nouveau mécanisme offre, en outre, un autre avantage. « Les patients qui passent par le 811 seront triés. Il s’agit d’une mesure que vous demandiez », a souligné le président de la FMOQ.
Parfois, un patient arrive au cabinet avec une liste d’ennuis de santé à régler. Il peut arriver que, ce jour-là, le clinicien soit en retard et lui demande quel problème est le plus pressant et de planifier une visite subséquente pour les autres. « Il ne faut pas systématiquement dire au patient que c’est ‘‘un rendez-vous, un problème’’, a indiqué le Dr Amyot. Le Collège des médecins du Québec ne recommande pas cette manière de procéder. Et nous non plus ne l’encourageons pas. » Des cas extrêmes se sont d’ailleurs retrouvés dans les médias. Il faut également se montrer prudent sur le plan médico-légal.
Le contexte dans lequel les médecins de famille pratiquent est difficile, a souligné le Dr Amyot. « À mon arrivée à la présidence, il y a deux ans, on estimait qu’il manquait 1000 médecins de famille. Le ministère de la Santé et des Services sociaux reconnaît maintenant, dans le calcul des plans régionaux d’effectifs médicaux (PREM), qu’il en manque 1200. Je pense cependant que la pénurie est beaucoup plus importante : de l’ordre de 1500, et même de 2000 omnipraticiens. »
Alors que l’an dernier, l’ajout net de médecins de famille était d’environ 150, cette année, il y a un déficit. « La différence est de 49 en 2022-2023. Ce ne sont pas de bonnes nouvelles. Il y a ainsi de plus en plus de médecins qui s’en vont dans le secteur privé ou prennent leur retraite et d’étudiants qui décident de ne pas faire de demande de résidence en médecine familiale, même comme second choix. »
Mais d’autres facteurs pèsent également sur la pratique. La clientèle, par exemple, s’alourdit. Et il y a toutes les exigences administratives. « De 20 % à 25 % de votre temps est accaparé par la paperasse. », a mentionné le Dr Amyot. Mais des solutions encourageantes se dessinent de ce côté.
« Le ministère s’est engagé à s’attaquer au problème, a affirmé le président. Il faut régler la question de tous ces papiers d’assurances à remplir, de ces demandes de prescriptions de crème solaire, de ces billets médicaux pour des absences de moins de deux ou trois jours. En ce qui concerne les demandes d’organismes comme la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) ou de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), un sous-ministre y travaille. Il nous a présenté un plan d’action. Pour certains points, il devra parler à la CNESST et à la SAAQ, pour d’autres, il devra faire modifier la loi. On ne fera jamais disparaître toute la paperasse, mais on doit la diminuer. »
De manière globale, que faire devant les besoins des patients qui ne cessent de croître et les services des médecins de famille qui restent limités ? « On ne peut pas laisser la population ainsi. On doit faire partie de la solution », a soutenu le Dr Amyot. Le président et son équipe se sont penchés sur la question. Ils voient plusieurs avenues, en plus de mesures comme les rendez-vous offerts au CCI pour les patients inscrits.
« Pour commencer, il faut regarder comment améliorer la pertinence des cas qui arrivent dans votre cabinet. Il faut réserver au médecin de famille les problèmes qui nécessitent son expertise. » Ensuite, la consultation doit être optimisée. « Est-ce que tout peut être bien préparé et cerné quand le patient entre dans le bureau ? Ce dernier pourrait, lui aussi, participer à la préparation de sa visite. »
Et comment optimiser les étapes après la consultation ? « Est-ce vraiment le médecin qui doit expliquer au patient ce qu’il doit faire, le plan de soins, etc. ou si quelqu’un d’autre peut le faire ? », a mentionné le président.
La technologie ouvre par ailleurs des perspectives intéressantes. Notamment pour la rédaction de notes dans le dossier. « Il existe des logiciels d’intelligence artificielle qui analysent la conversation entre le médecin et le patient et écrivent ensuite une note médicale. Ils sont très performants en anglais, mais un peu moins en français. J’ai demandé à mon équipe qui s’occupe des sujets technologiques d’approfondir ce sujet. »
La question des effectifs médicaux est toujours importante dans une région comme le nord-ouest du Québec. « Selon le PREM de 2024, l’Abitibi-Témiscamingue aura le droit de recruter 15 médecins. Théoriquement, pour 2025, elle pourrait également en obtenir 16 », a expliqué à ses membres le Dr Jean-Yves Boutet, président de l’AMONOQ. Les nouvelles recrues seront distribuées dans cinq villes : Val-d’Or, Amos, La Sarre, Rouyn-Noranda et Ville-Marie. Le Département régional de médecine générale (DRMG) a tenu compte dans sa répartition des départs de médecins cette année et l’année prochaine, des congés de maternité, des années sabbatiques et des changements de pratique.
Après 21 ans comme président, le Dr Boutet laisse par ailleurs sa place à la relève (Départ du Dr Jean-Yves Boutet, p. 9). Il restera cependant encore un an comme secrétaire-trésorier pour faciliter la transition. Il conservera aussi son poste de chef du DRMG.
C’est le Dr Jean-Fançois Verville, un médecin de famille de La Sarre, qui succède au Dr Boutet. Élu sans opposition, il compte poursuivre le travail de ce dernier. Mais le Dr Verville a aussi ses propres plans. « Je voudrais rencontrer en personne les différents groupes de médecins des cinq régions pour discuter de sujets locaux de façon plus poussée, a-t-il expliqué. Je désire également établir des liens avec les médecins du Grand Nord. Jusqu’à présent, ils n’ont pas été beaucoup impliqués dans notre association. » //