conséquences pour les médecins
Depuis le 7 juin 2023, les infirmières sont autorisées à faire des constats de décès de façon autonome. Qu’est-ce que ça change à la facturation des médecins qui font des constats de décès ?
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la FMOQ.
Depuis 2015, le Collège des médecins et l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec se sont entendus pour recommander que les infirmières puissent effectuer des constats de décès de façon autonome. Il y a eu une longue période de transition durant laquelle les infirmières fournissaient l’information requise aux médecins, mais ne faisaient pas le constat elles-mêmes. Ce sont les médecins qui faisaient ensuite le constat de décès à distance. Cette mesure visait un contexte limité (en CHSLD et en soins à domicile pour des patients ayant une maladie terminale et qui mourraient de cette maladie sans qu’un autre problème provoque le décès ou qu’il soit nécessaire d’aviser le coroner). En dehors de ce cadre, le médecin devait se rendre sur place pour constater le décès.
Pendant cette période de transition, une rémunération était prévue pour le constat de décès à distance effectué avec la participation de l’infirmière. Est-ce qu’elle s’applique toujours ?
Les textes de loi suivants ont dû être modifiés pour permettre à une infirmière de constater un décès et dresser le constat :
h le Code civil du Québec pour qu’un médecin ou une infirmière puisse constater un décès et en dresser le constat ;
h la Loi sur les coroners pour que le médecin et l’infirmière praticienne spécialisée puissent aviser le coroner des décès quand ils ne peuvent pas établir la cause probable ou quand le décès semble lié à la négligence ou est survenu dans des circonstances obscures ou violentes. Cette obligation s’applique aux médecins et aux IPS, tant pour les décès qu’ils constatent eux-mêmes que pour ceux qu’une infirmière autre qu’une IPS a constatés.
h la Loi sur la santé publique pour permettre à une infirmière de remplir le bulletin de décès.
Ces modifications s’appliquent dans tous les milieux. Elles ne se limitent donc pas aux CHSLD et aux soins à domicile, seuls milieux qui étaient visés par les modalités temporaires.
Pour comprendre le bon fonctionnement de ces modalités, il faut tenir compte des autres règles de la Loi sur les coroners qui n’ont pas subi de modifications :
h toute personne doit aviser le coroner d’un décès qui semble lié à la négligence ou qui est survenu dans des circonstances obscures ou violentes, à moins d’avoir des raisons de croire qu’un médecin ou une IPS en a été informé ;
h le coroner doit remplir le bulletin de décès pour les décès ayant fait l’objet d’une investigation et, le cas échéant, d’une enquête en vertu de la Loi sur les coroners.
C’est donc dire que l’infirmière peut constater le décès et remplir le bulletin de décès, sauf lorsqu’elle n’est pas en mesure d’établir la cause probable (elle ne peut toujours pas poser de diagnostic) ou que le décès semble lié à la négligence ou est survenu dans des circonstances obscures ou violentes. Elle doit alors aviser un médecin ou le coroner, à moins d’indication contraire de ces derniers.
L’OIIQ a apporté des précisions fin août à l’intention de ses membres (voir le https://bit.ly/FAQ-constat-décès-oiiq).
Il existait (et existe toujours) une rémunération pour le constat de décès à distance, qui est décrite au paragraphe 2.4.1 du Préambule général. On y trouve une section qui traite des constats de décès à distance et des constats de décès à distance entre autres dans un centre agréé par le ministère de la Santé. Le code applicable est le 15264. Dans la description de l’acte, on envisage deux situations : soit que le médecin dresse le constat de décès et autorise le transport du corps vers une entreprise de pompes funèbres ou au bureau du coroner, soit qu’il ne constate pas le décès et autorise le transport vers une urgence. La décision du médecin découle de ses discussions avec les techniciens ambulanciers et, le cas échéant, avec la famille du défunt.
Comme il s’agit d’un service à distance, il est prévu que si le médecin ne dresse pas le constat (parce qu’il dirige le patient vers une urgence), le médecin initial et le médecin sur place à l’urgence (en supposant qu’il remplira le constat de décès) peuvent tous deux réclamer la rémunération pour le constat de décès, de sorte que deux constats de décès peuvent être réclamés pour le même patient.
Comme la décision découle des discussions avec le personnel ambulancier, on comprend que les « centres agréés » sont des urgences où les médecins coordonnent à distance les soins avec des techniciens ambulanciers sur la route. Dans les faits, il y a actuellement un seul centre désigné, soit l’Hôtel-Dieu de Lévis, où les médecins de l’urgence assurent ce rôle depuis plusieurs années. Il pourrait s’en ajouter d’autres à Montréal et en Estrie. Le ministère prévoit revoir le rôle actuel des médecins d’Urgences-Santé dans la rédaction des constats de décès pour l’intégrer aux activités des médecins de l’urgence de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal. Le nombre de centres désignés (présentement un seul) risque donc de se limiter à deux ou possiblement trois.
Pour ces milieux, le fait que des infirmières peuvent effectuer des constats de décès ne changera pas grand-chose, si ce n’est possiblement de réduire le nombre de décès qui doivent être constatés avec la participation des ambulanciers. Les ambulanciers ne peuvent toujours pas effectuer un constat de décès ni remplir un bulletin de décès de façon autonome.
Dans la même section du paragraphe 2.4.1, on trouve les deux autres codes de constat de décès évoqués précédemment, soit en CHSLD et en soins à domicile (codes 15889 et 15890, respectivement). Ils sont conçus en fonction du monopole du médecin de dresser le constat de décès et le bulletin de décès, et non comme si le médecin était consultant auprès de l’infirmière. La décision du médecin découle de ses discussions avec le personnel infirmier du CHSLD et de la famille. Comme pour le constat en centre désigné, si le médecin ne dresse pas le constat de décès (du fait qu’il dirige le patient vers une urgence), le médecin initial et le médecin de l’urgence peuvent tous deux le réclamer.
Dorénavant, sans égard au type de milieu, une infirmière peut constater le décès et remplir le bulletin de décès. Elle doit aviser le coroner ou un médecin lorsqu’elle ne peut pas établir la cause probable ou que le décès semble survenu par suite de négligence ou dans des circonstances obscures ou violentes. En pareil cas, elle ne remplit pas le bulletin de décès. |
À partir du moment où l’infirmière peut faire le constat de décès et rédiger le bulletin de décès, la réalité change pour le médecin. Si l’infirmière qui effectue le constat juge qu’il n’est pas nécessaire d’aviser le coroner (ou un médecin ou une IPS) et dresse le bulletin de décès, le médecin ne sera pas dérangé par le personnel de l’établissement. Il pourrait simplement être informé du décès le lendemain matin, par exemple. Il arrive parfois que les familles des défunts veuillent obtenir des explications concernant les causes du décès. Lorsque l’infirmière effectue le constat de décès, on s’attendrait à ce qu’elle se charge de ces demandes. Le recours au médecin devrait donc être très exceptionnel.
Toutefois, l’infirmière en devoir pourrait ne pas avoir reçu la formation requise pour assurer ce service, car l’établissement pourrait prioriser d’autres formations pour son personnel, situation qui s’est présentée avec les modalités transitoires décrites précédemment. Il se pourrait donc que, même si l’infirmière a l’autorisation d’effectuer le constat de décès, elle ne le fasse pas et fasse plutôt appel au médecin. On se trouve alors avec les deux codes convenus durant la période de transition (du moins en CHSLD et en soins à domicile en CLSC) : l’infirmière fournit l’information au médecin qui effectue le constat de décès et remplit le bulletin de décès. Le médecin pourrait décider de se rendre sur les lieux si un avis au coroner est requis.
Il ne faut pas confondre cette situation avec une autre possible, soit que l’infirmière propose d’effectuer le constat de décès, mais fasse appel au médecin pour obtenir certaines précisions sur le diagnostic, par exemple, ou son avis sur la nécessité d’aviser le coroner. Dans la mesure où l’infirmière effectue le constat et remplit le bulletin, rien n’est prévu à l’Entente pour rémunérer le médecin. En semaine de 8 h à 18 h en CHSLD, un médecin pourrait utiliser le code pour les appels urgents (15622), bien qu’il ne s’agisse plus vraiment d’urgence puisque le patient est décédé. Le médecin en mode mixte en soins à domicile en CLSC pourrait aussi se prévaloir de la rémunération prévue pour les échanges avec le personnel.
Par manque de formation ou pour d’autres raisons, même si elle a l’autorisation d’effectuer le constat de décès, l’infirmière pourrait préférer faire appel au médecin. |
L’autre situation qui pourrait se présenter est que l’infirmière constate le décès et rédige le constat, mais ne remplisse pas le bulletin de décès, par exemple par manque d’information. Le médecin peut alors se prévaloir de la rémunération pour la rédaction du bulletin de décès lorsqu’il le remplira, par exemple le lendemain ou à distance si la consultation du dossier lui permet de le faire. Toutefois, il ne pourra pas facturer le constat de décès (déjà effectué) ni le tarif d’une visite ou d’un examen, car l’Entente l’interdit. Il y a une exception, soit lorsque l’examen du cadavre est fait à la demande du coroner. Le médecin peut alors réclamer le tarif prévu selon la nature des services effectués (codes 09054 et 09055 pour les examens et 20026 et 20027 pour les ponctions). Mais lorsque le coroner fait une telle demande, c’est qu’il y a enquête, et c’est donc lui qui remplit le bulletin de décès à la fin.
Bien que les infirmières en centre hospitalier ou dans une maison de soins palliatifs puissent dorénavant effectuer le constat de décès et remplir le bulletin, aucun code n’est prévu pour le constat à distance par le médecin dans ces milieux. Dans la mesure où les infirmières font le constat et dressent le bulletin, le médecin n’en entendra pas parler. Toutefois, si le personnel fait appel à lui lors d’un décès, les interventions téléphoniques ne seront pas rémunérées pour l’instant, à moins que le médecin effectue le constat à distance et remplisse le bulletin de décès. En effet, bien qu’il n’y ait pas de code spécifique pour effectuer le constat et dresser le bulletin à distance, comme les services existants peuvent être effectués à distance si la présence du médecin n’est pas exigée, ce dernier pourra réclamer le constat de décès sans déplacement (code 00013) et la rédaction du bulletin (code 15265).
L’infirmière pourrait effectuer le constat de décès, mais faire appel au médecin pour obtenir certaines précisions sur le diagnostic, par exemple, ou son avis sur la nécessité d’aviser le coroner. Aucune rémunération spécifique n’est alors prévue pour le médecin. |
Il pourrait donc être opportun de convenir d’un code pour rémunérer la participation du médecin à la gestion d’un décès et les démarches auprès de la famille, soit à distance, soit sur place. D’ici à ce que ce soit chose faite, espérons que vous vous y retrouvez mieux. Bonne facturation ! //