Droit au but

Recruter du personnel dans une clinique médicale

salariés ou travailleurs autonomes ? Les critères à considérer

Marjolaine Lessard-Jean et Michel Cobti  |  2023-10-01

Me Marjolaine Lessard-Jean exerce le droit chez Langlois Avocats. Elle couvre toutes les facettes du droit du travail et de l’emploi ainsi que de la gestion des ressources humaines. Me Michel Cobti pratique chez Langlois Avocats, principalement en droit du travail et de l’emploi.

La Dre Perreault pratique dans une clinique médicale. Elle aimerait qu’une infirmière auxiliaire puisse l’assister dans les soins qu’elle offre à ses patients. Avant d’en recruter une, elle se questionne sur la nature de la relation à venir avec une telle infirmière. La clinique devrait-elle l’embaucher comme salariée ? À titre de travailleuse autonome ? Comment déterminer le type de contrat approprié dans les circonstances ? Quels sont les critères à considérer ?

Statut juridique de l’employé et du travailleur autonome

Les lois québécoises prévoient des différences entre le statut juridique d’un salarié (régi par un contrat d’emploi) et celui d’un travailleur autonome (régi par un contrat de service). Par conséquent, la qualification juridique du contrat entraîne d’importantes conséquences pour les parties. L’employeur doit appliquer la Loi sur les normes du travail au salarié et a des obligations pécuniaires et fiscales qui résultent du contrat d’emploi. Dans le cas du travailleur autonome, les obligations de l’entreprise à son endroit se voient allégées, mais l’entreprise a un degré de contrôle moindre sur le travail effectué.

Contrairement à la croyance populaire, cette qualification ne dépend pas uniquement du titre donné au contrat, mais plutôt de l’analyse du rôle et des responsabilités réelles de la personne concernée. Ainsi, le statut attribué au travailleur dans un contrat n’est pas le seul élément déterminant dans l’examen de la relation entre les parties, les tribunaux n’étant pas liés par cette qualification. Le statut de salarié ou de travailleur autonome s’évaluant en fonction des faits propres à chaque relation, il est primordial pour les gestionnaires de cliniques de bien établir une telle distinction.

Le contrat de service

Le contrat de service est un contrat par lequel une personne, à savoir un travailleur autonome, s’engage envers une autre personne, le client, à fournir un service moyennant un prix que le client s’oblige à lui payer sans qu’il existe de lien de subordination entre les deux parties. Il importe à cet égard de mentionner qu’en l’absence d’un tel lien, l’entreprise jouit d’un contrôle beaucoup plus limité sur le travail effectué par un travailleur autonome que par un salarié.

Le contrat de travail

Le contrat de travail pour sa part se caractérise par la présence de trois éléments essentiels, à savoir : une prestation de travail, une rémunération et un lien de subordination.

En ce qui concerne la prestation de travail, notons qu’elle doit être exécutée personnellement par le salarié. Le fait qu’un travail soit effectué à temps plein ou à temps partiel ou encore de manière intermittente ou « contractuelle » n’a pas d’importance sur la qualification du contrat.

La rémunération du salarié quant à elle peut prendre plusieurs formes. Le fait qu’elle soit forfaitaire, sur la base d’un rendement ou d’une commission ou encore que le salarié soit payé à un taux horaire ou sur une base mensuelle ou annuelle n’a pas d’effets sur la qualification juridique du contrat.

Enfin, le lien de subordination est l’élément le plus significatif permettant de distinguer un salarié d’un travailleur autonome. La subordination du salarié envers son employeur est toutefois une question qui dépend des faits propres à chaque relation. Ainsi, les tribunaux ont dégagé plusieurs critères pour qualifier un contrat de travail. Avant d’en brosser un portrait, il importe de préciser que chaque cas est un cas d’espèce et que les faits de chaque situation doivent être considérés dans leur ensemble.

Le lien de subordination : les indices à observer

D’abord, le travailleur autonome se caractérise par le fait qu’il a le libre choix des moyens d’exécution du travail, par opposition au salarié qui, dans l’exécution de son travail, est subordonné au contrôle et à la direction d’un employeur.

De nombreux indices permettent d’établir s’il existe ou non un lien de subordination dans la relation de travail. Bien qu’aucun d’entre eux ne soit déterminant en soi, les critères suivants, bien que non exhaustifs, ont généralement été reconnus par la jurisprudence comme des éléments à considérer afin d’établir le degré de contrôle prévalant entre les parties :

hla propriété des outils de travail. En principe, l’employeur fournit tout ce qui est nécessaire au salarié pour l’exé­cution du travail tandis que le travailleur autonome devra se procurer les biens requis pour fournir son service ;

hla possibilité de faire des profits et les risques de pertes. Un travailleur autonome, contrairement au salarié, aura l’occasion de prendre des moyens pour maximiser sa rentabilité et risquera, en contrepartie, d’essuyer des pertes ;

hle degré de contrôle de l’entreprise dans l’exécution du travail. Plus ce degré est élevé, plus le contrat s’apparente à un contrat de travail. On parlera par exemple de l’exigence d’utiliser telle ou telle méthode de travail, de fournir des rapports d’activité, etc. ;

hla détermination de l’horaire de travail et des vacances. Le travailleur autonome jouira normalement d’une plus grande, voire d’une totale liberté dans la détermination de son horaire ainsi que du moment et de la durée de ses vacances, à l’inverse du salarié ;

hla possibilité de faire exécuter le travail par une autre personne. Contrairement au salarié, le travailleur autonome n’a pas, en vertu du droit applicable, d’obligation d’exécuter personnellement le travail qui lui est donné ;

hl’intégration de la personne au sein de l’entreprise. Le travailleur autonome sera normalement moins intégré dans les activités de l’entreprise que le salarié. Par exemple, il ne sera pas obligé de participer aux réunions et aux formations imposées aux salariés.

Par ailleurs, il est important de souligner que le fait que la relation entre l’entreprise et le travailleur comporte certains éléments s’apparentant à une relation employeur-salarié n’aura pas automatiquement pour effet de faire naître un contrat de travail. En effet, pour établir la nature réelle de la relation, il faudra considérer l’ensemble des facteurs pertinents afin de déterminer s’il y a présence ou absence d’un lien de subordination.

Conclusion

Comme la qualification de la relation juridique est un exercice factuel qui dépendra des circonstances propres à chaque situation, il est primordial pour la Dre Perreault, avant de conclure un contrat avec une infirmière auxiliaire, de se questionner sur la manière dont la relation se matérialisera et sur le degré de contrôle qu’elle souhaite exercer.

Avant d’opter pour un contrat de service ou un contrat d’emploi, il pourrait donc être judicieux pour elle de consulter un conseiller juridique afin de choisir le type de contrat qui convient le mieux à la relation souhaitée de manière à rédiger un contrat approprié aux circonstances. //