Exercez-vous en CHSLD ? Deux changements ont été apportés à la rémunération dans ces milieux depuis le printemps. Êtes-vous au courant ?
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
Le secteur de la pratique en CHSLD n’est pas le plus populaire auprès des médecins malgré ses nombreux défis (maladies concomitantes, maladies chroniques, perte d’autonomie, grande fragilité, polypharmacie, soins de fin de vie) et la place importante qu’y occupe l’interdisciplinarité. Peut-être que le fait que le CHSLD est le dernier milieu de vie de la majorité de ces patients y est pour quelque chose.
Comme pour tout médecin, il faut en faire assez pour adapter les soins de chaque patient à sa réalité clinique sans verser dans la surévaluation ou le surtraitement qui risque de créer des attentes irréalistes chez les patients et leurs familles. Cette réalité est peut-être plus fréquente en CHSLD que dans d’autres milieux, et la marge entre les deux est probablement plus étroite que dans d’autres secteurs de pratique.
Un des moyens d’orienter les médecins vers ce secteur est celui des AMP. En l’absence de roulement important, cet incitatif semble suffisant. Toutefois, dans la région métropolitaine de Montréal, il y aurait eu beaucoup de départs à la retraite récemment, ce qui a créé un problème temporaire de couverture en CHSLD jusqu’à ce que le recrutement permette le renouvellement des effectifs.
Par ailleurs, d’autres secteurs en CHSLD sont moins attrayants en raison de la charge de travail par rapport à la rémunération existante, soit les unités de soins en phase post-aiguë (communément appelés « soins post-aigus » ou SPA), les unités transitoires de réadaptation (UTRF) et les unités de réadaptation fonctionnelle intensive (URFI). Pour les patients de ces unités, le CHSLD constitue une étape servant à favoriser leur retour à domicile, et non un dernier milieu de vie. Mais les exigences de cette pratique sont plus importantes. Les séjours sont plus courts, et les dossiers des patients sont souvent complexes. Le médecin de ces unités doit donc continuellement prendre connaissance des dossiers antérieurs de nouveaux patients afin d’évaluer leurs besoins. L’état de ces patients est aussi moins stable, ce qui demande beaucoup plus d’interventions et, surtout, entraîne plus de dérangements lors de la garde en disponibilité. Enfin, une fois le séjour terminé, le médecin doit faire un résumé pour permettre aux intervenants subséquents de bien comprendre les besoins du patient.
Deux modalités ont été mises en place depuis le printemps 2023 pour la pratique en CHSLD : une modalité temporaire associée à la lettre d’entente 327 visant la pratique courante en CHSLD et l’autre, de plus longue haleine, pour les unités de SPA, les UTRF et les URFI en CHSLD et dans certains autres milieux (lettre d’entente 388). |
L’alourdissement de cette pratique et surtout l’instabilité de la clientèle se sont accrus au cours des dernières années. Les lits d’hospitalisation de courte durée sont devenus une denrée rare à cause de la pénurie de personnel infirmier. Des patients dont l’état n’est « pas tout à fait stabilisé » se retrouvent donc plus souvent dans les unités de SPA, les UTRF et les URFI. Cette réalité (exigences de la pratique et moyens disponibles), jumelée à des modalités de rémunération adaptées à la pratique courante en CHSLD, plutôt qu’une réalité ressemblant un peu plus à celle d’un centre hospitalier de soins de courte durée a contribué à réduire l’attrait pour cette pratique.
C’est probablement la raison pour laquelle les médecins en CHSLD qui prennent en charge des patients nécessitant des soins de longue durée hésitent souvent à s’occuper de ces clientèles particulières. Il existe ainsi deux solitudes dans plusieurs CHSLD : les médecins qui prennent en charge les patients des unités de longue durée et ceux qui s’occupent des unités à vocation particulière.
Deux types de réponses à ces difficultés ont été convenues entre le Ministère et la Fédération : une modalité temporaire associée à la lettre d’entente 327 visant la pratique courante en CHSLD et une autre, de plus longue haleine, pour les unités de SPA, les UTRF et les URFI en CHSLD et certaines de ces unités dans d’autres milieux. Comme leur fonctionnement et leurs effets sont différents, traitons-en séparément.
La lettre d’entente 327 est en place depuis quelques années comme moyen de stabiliser l’offre de service en CHSLD. La modalité passe par la constitution d’un groupe de médecins qui s’engage à prendre en charge l’ensemble des lits d’un CHSLD. Au départ, l’engagement était pour un an. Depuis, la gestion se fait chaque trimestre. Les médecins du groupe ont droit à différents avantages, dont un forfait trimestriel. Le nombre de forfaits par milieu dépend du nombre de lits. Un médecin responsable répartit les forfaits entre les médecins selon leur charge de travail.
De façon accessoire, afin de favoriser la participation des médecins qui font de la prise en charge en CLSC ou en cabinet, chaque patient compte pour six aux fins du financement du GMF. La même pondération existe pour l’accès à la tarification bonifiée en première ligne. Pour l’instant, la RAMQ ne peut pas la comptabiliser. Les médecins doivent donc s’adresser au comité paritaire pour y avoir droit sur la base de ce critère. Le processus sera éventuellement automatisé, et la RAMQ l’inclura chaque trimestre dans son évaluation du nombre de patients inscrits aux fins de l’accès à la tarification bonifiée. Elle vous en informera lorsque ce sera le cas.
Toutefois, ces patients ne sont pas pris en compte pour d’autres mesures, comme les suppléments pour le volume de patients inscrits. Bien que les médecins indiquent le nom des patients qu’ils suivent en CHSLD sur le site de la RAMQ, ces patients ne sont pas inscrits aux fins de l’Entente particulière sur la prise en charge et le suivi. Le montant du forfait de la lettre d’entente 327 a été établi en tenant compte de cette réalité.
Le nombre de forfaits de la lettre d’entente 327 sera donc révisé à la baisse rétroactivement au 1er juillet 2023 dans les CHSLD ayant des unités spécifiques. |
Un des problèmes de la lettre d’entente 327 par rapport aux milieux ayant des unités SPA, UTRF et URFI est que les médecins qui assurent les soins des patients « traditionnels » n’exercent souvent pas dans ces unités à vocation spécifique. Des médecins différents prodiguent les soins dans ces unités et ne s’occupent généralement pas des autres patients du CHSLD. Dans certains CHSLD, les médecins n’adhèrent donc pas à la lettre d’entente 327, les médecins du secteur des soins de longue durée ne voulant pas s’engager dans les unités de SPA, les UTRF ou les URFI et vice-versa. D’autres ont été plus pragmatiques et se sont engagés pour la totalité des lits de soins de longue durée et ne réclament pas les forfaits liés aux unités à vocation spécifique qu’ils ne couvrent pas. Il y a sûrement d’autres approches selon les milieux.
Toujours est-il que le nombre de forfaits a été accordé en fonction de l’ensemble des lits de chaque CHSLD adhérant à la lettre d’entente. Ce nombre devra être révisé pour tenir compte d’une modalité différente adaptée à la réalité spécifique des unités particulières de manière à éviter le dédoublement des bonifications envisagées pour ces unités. Le nombre de forfaits de la lettre d’entente 327 sera donc révisé à la baisse. La mesure sera rétroactive au 1er juillet 2023 dans les CHSLD comptant des unités spécifiques. Les milieux où les médecins ne réclamaient pas les forfaits pour les lits des unités de SPA, les UTRF et les URFI ne verront aucun changement. Si ceux qui facturaient l’ensemble des forfaits couvraient les unités spécifiques, les nouvelles modalités dont nous parlerons sous peu viendront plus que compenser la perte subie.
En ce qui a trait à la modalité temporaire récemment convenue pour les lits de soins de longue durée en CHSLD, il s’agit simplement de rehausser la valeur de chaque forfait à compter du 1er juillet 2023. La valeur habituelle est de 34,35 $. Pour le trimestre de juillet à septembre 2023, elle sera de quatre fois le montant habituel (137,40 $) ; pour celui d’octobre à décembre 2023, de trois fois (103,05 $) et pour le trimestre de janvier à mars 2024, de deux fois (68,75 $). Par la suite, à moins de nouvelles modifications découlant des négociations sur le renouvellement de l’Entente, la valeur reviendra au niveau habituel. La facturation se fait une fois par trimestre avec le code usuel (code 42138). La RAMQ ajuste le montant selon les périodes.
Reste à traiter de l’autre modalité pour certaines unités spécifiques en CHSLD et dans certains autres milieux. Ce sera le sujet de la chronique du mois prochain. D’ici là, bonne facturation ! //