faut-il s’inquiéter ?
Après la phase aiguë de la COVID-19, le risque d’apparition de dyslipidémies serait accru, viennent de montrer des chercheurs américains dans le Lancet1. Mais dans quelle mesure ce constat est-il cliniquement important ? On l’ignore.
Des chercheurs de l’Université de Washington, à Saint-Louis, le Dr Evan Xu et ses collaborateurs, ont effectué une étude à partir de la banque de données du US Department of Veterans Affairs. Ils ont comparé les valeurs d’une cohorte de presque 52 000 patients qui ont eu un résultat positif à la COVID-19 en 2020 à ceux d’un groupe témoin de plus de 2,5 millions de personnes qui n’ont pas été infectées pendant cette période.
Initialement, aucun des sujets n’avait de dyslipidémie. Cependant, ceux qui ont contracté la COVID-19 présentaient, après la phase aiguë de la maladie, un risque accru de hausse du taux de cholestérol total, de cholestérol LDL, de triglycérides et de baisse du taux de cholestérol HDL par rapport au groupe témoin (tableau). La différence d’incidence entre les deux groupes était de 39 pour 1000 personnes en un an.
Par ailleurs, un certain pourcentage des participants infectés par le SRAS-CoV-2 a commencé à prendre des hypolipémiants, surtout des statines, ont constaté les chercheurs. Mais était-ce vraiment à cause des anomalies lipidiques ? « Ce n’est pas clair dans l’étude, estime le Dr Alain Piché, directeur médical de la clinique spécialisée dans les infections post-COVID du CIUSSS de l’Estrie–CHUS. Aux États-Unis, certains médecins peuvent donner des statines non pour leurs effets hypolipémiants, mais pour leur activité anti-inflammatoire dans la COVID longue. »
L’augmentation du taux de dyslipidémie s’accentuait graduellement avec la gravité de l’infection virale. Ainsi, cette hausse, qui était significative chez les patients non hospitalisés, s’accroissait davantage chez ceux qui avaient été hospitalisés et encore plus chez ceux qui avaient été aux soins intensifs. « Les patients non hospitalisés ne présentaient toutefois pas un risque très élevé, précise le Dr Piché, microbiologiste-infectiologue au CHU de Sherbrooke. Les personnes hospitalisées et non hospitalisées constituent deux populations très différentes en ce qui a trait au risque de complications cardiopulmonaires. »
Les données du Dr Xu et de son équipe ont-elles une incidence clinique ? C’est ce qu’estiment les chercheurs. « L’ensemble des preuves semble indiquer que la dyslipidémie devrait être considérée comme une composante de la COVID longue, maladie à multiples facettes. Les stratégies de soins post-aigus des personnes qui ont contracté la COVID-19 devraient comprendre le dépistage et le traitement de la dyslipidémie », concluent-ils.
Le Dr Piché ne partage pas leur vision. Trop d’inconnues demeurent. « La hausse des dyslipidémies modifie-t-elle la catégorie de risque cardiovasculaire des patients ? Leur probabilité de complications à long terme est-elle accrue, et ces patients doivent-ils vraiment être traités ? » Par ailleurs, on ignore si les anomalies lipidiques sont permanentes. « On présume qu’elles seraient causées par un phénomène inflammatoire, mais on ne sait pas combien de temps il dure dans la COVID longue. »
L’étude du Lancet reste néanmoins importante. « À ma connaissance, c’est la première fois que l’on montre une augmentation des dyslipidémies dans une étude aussi convaincante, affirme le Dr Piché. Je ne suis toutefois pas sûr que l’on devrait surveiller les lipides chez les patients qui ont eu la COVID-19, entre autres parce qu’on ne sait pas encore très bien quoi faire quand les résultats sont anormaux. Il y a encore trop d’incertitudes, à mon avis, pour inclure les recommandations des chercheurs dans les soins post-COVID habituels. » //
1. Xu E, Xie Y et Al-Aly Z. Risks and burdens of incident dyslipidaemia in long COVID: a cohort study. Lancet Diabetes Endocrinol 2023 ; 11 (2) : 120-8. DOI : 10.1016/S2213-8587(22)00355-2.