tentons de réduire la paperasse
Les membres expriment souvent leur frustration devant des demandes de toutes sortes émanant d’employeurs ou de commissions scolaires, qui s’ajoutent à celles qui leur sont dûment adressées pour divers papiers. L'interdiction de percevoir des frais pour de telles attestations lève un frein sur ces demandes (encadré 1). Que pouvez-vous faire ?
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la FMOQ. |
On croirait les médecins tout puissants. Suffit d’un papier signé de leur main pour que le personnel d’une garderie applique de la lotion solaire et s’assure de respecter un régime sans gluten, que celui d’une école permette à un étudiant de prendre l’ascenseur ou qu’un employeur excuse l’absence d’un employé.
La réalité est cependant tout autre. Dans les faits, un nombre important d’acteurs rejettent sur les médecins des responsabilités qui ne sont pas les leurs. Ces employeurs, écoles ou garderies choisissent de ne pas réfléchir à la question, de ne pas mettre en place des modalités de contrôle et de s’en remettre à un tiers : vous.
Quelles sont les obligations du médecin quand un de ses patients lui demande une attestation d’absence ou une recommandation sur un sujet donné pour un tiers ? L’article 97 du Code de déontologie des médecins prévoit qu’un médecin doit fournir au patient qui en fait la demande les renseignements qui lui permettraient de bénéficier d’un avantage auquel il est admissible. L’article 98 exige également du médecin qu’il remette, de façon diligente (dans un maximum de 30 jours), à toute personne que le patient lui indique, les informations pertinentes contenues dans le dossier médical qu’il détient. Toutefois, l’article 85 lui interdit de produire un certificat de complaisance. Enfin, il ne faut pas oublier que ces obligations supposent que la demande est de la compétence du médecin ou qu’il puisse objectivement attester l’information requise.
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On peut donc se demander s’il revient au médecin de donner des directives au personnel d’une garderie d’appliquer de la lotion solaire sur un enfant ou de lui administrer de l’acétaminophène en cas de douleur ou de fièvre. On peut aussi se demander de quoi peut attester un médecin lorsqu’un travailleur se présente à son cabinet pour obtenir une « attestation de maladie » afin de justifier auprès de son employeur une absence de deux jours pour une gastro-entérite. On comprendra qu’au moment de la consultation le patient n’est plus malade et que le médecin devra tirer des conclusions en fonction des symptômes que lui décrit son patient.
Comme un médecin doit s’en tenir à attester des éléments objectifs qu’il peut observer, dans un cas de gastro-entérite, il devra indiquer que le patient a consulté tel jour et qu’il lui a dit avoir souffert de tels symptômes évoquant une gastro-entérite, mais qu’aucune évaluation paraclinique n’a été nécessaire du fait que les symptômes avaient disparu.
Une telle attestation respecte les obligations du médecin (diligence, information objective), mais montre clairement son inutilité aux fins de contrôle par l’employeur. Mis à part le fait que le patient se soit présenté au cabinet et que le médecin n’a envisagé aucune évaluation, le médecin relate simplement les propos du patient. Un employeur serait aussi bien servi par une déclaration de l’employé.
Certains médecins nous ont raconté s’être fait demander d’indiquer avec lequel de ses deux parents un enfant habite. Encore une fois, un médecin peut spécifier quel parent accompagne le plus souvent l’enfant (s’il l’a noté au dossier), mais il ne sait pas objectivement avec lequel des deux parents un enfant demeure. Par conséquent, il ne devrait pas en attester.
Vous ne pouvez rien réclamer au patient qui vous demande une attestation ou un billet que vous produisez sur la papeterie de votre cabinet. |
Dans certains cas, l’organisme ou l’entité ne s’est tout bonnement pas donné la peine de trouver un moyen valable pour obtenir l’information voulue ou applique une politique créée dans un passé lointain sans se questionner sur sa pertinence.
Le simple fait de remettre le problème entre les mains de ces demandeurs devrait le régler. C’est à eux d'adopter une façon de faire plus fonctionnelle.
Certains employeurs peuvent ainsi tenter de contrôler les coûts de l’assurance invalidité qu’ils offrent à leur personnel. Si les employés utilisent cette assurance pour prendre des congés non autorisés, le coût de cette dernière augmente sans raison. En même temps, gérer des attestations médicales pour justifier des absences de quelques jours occasionne des dépenses aux assureurs. Par conséquent, certains majoreront tout de même les frais de gestion qu’ils perçoivent de leurs clients, ce qui vient réduire les économies recherchées.
La Fédération a eu des échanges avec l’Association canadienne des assureurs de personnes et le Conseil du patronat du Québec dans le but de les sensibiliser à la situation et aux répercussions des pratiques de certains employeurs sur les médecins de famille. D’autres solutions existent, telles que la création par le législateur québécois de l’obligation pour des employeurs d’accorder un certain nombre de jours de congé pour besoins personnels qui peuvent servir en cas de problèmes à la garderie, pour accompagner un parent à une consultation chez le médecin ou pour d’autres besoins qui ne sont pas des « maladies ». Certains parents seront d’avis que le nombre de jours actuels est trop faible, mais l’existence de ces jours devrait retirer de la pression sur les « jours de maladie ». L’Ontario a pris une voie plus interventionniste tout récemment (encadré 2).
Enfin, les absences ont des conséquences sur les employeurs. L’absence imprévue de certains employés peut nuire à la production ou les obliger à trouver des remplaçants de dernière minute. C’est un problème légitime. Toutefois, il ne revient pas aux médecins de le régler. Si des employés prennent des congés non autorisés (ex. : vacances de chasse ou de pêche refusées par l’employeur), l’employeur détient beaucoup plus d’information sur les demandes de ce travailleur et son historique d’absence. On peut donc se demander pourquoi il choisit le billet d’absence du médecin dans des situations où ce que ce dernier peut observer objectivement est limité.
Téléchargez la lettre type aux employeurs qui exigent des billets médicaux pour de courtes absences.
La Fédération intervient auprès du gouvernement pour le sensibiliser aux répercussions des multiples demandes de billets et d'attestations de toutes sortes que reçoivent les médecins et dont la pertinence est au mieux douteuse. Elle en fait autant auprès des associations d’assureurs et patronales. Vous pouvez participer à cette sensibilisation des employeurs de votre localité en transmettant une copie de la lettre à la page précédente aux employeurs qui exigent de tels billets.
La Fédération intervient auprès du gouvernement, des associations d’assureurs et de représentants patronaux pour les sensibiliser aux répercussions sur le système de santé des multiples demandes faites aux médecins pour des billets et attestations de toutes sortes dont la pertinence est au mieux douteuse. |
Espérons que nous pourrons, tous ensemble, réduire la charge de paperasse inutile de votre quotidien. À la prochaine ! //