Entrevues

Entrevue avec le président de l’association de l’Ouest du Québec

les prochaines étapes après l’inscription collective

Entrevue et photo : Élyanthe Nord  |  2023-05-01



Président de l’Association des médecins omnipraticiens de l’ouest du Québec, le Dr Guillaume Charbonneau fait le point sur le succès que constitue l’inscription collective et sur les prochaines étapes pour améliorer la première ligne.

M.Q. – Comment se passe l’inscription collective sur votre territoire ?

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G.C. – En Outaouais, l’inscription collective est un très grand succès. Nous avons inscrit beaucoup plus de patients que la cible que nous avions. L’inscription collective a par ailleurs très bien fonctionné partout dans la province. Ce qui est génial, c’est que non seulement on a inscrit plus de 500 000 Québécois, mais on a aussi donné accès à la première ligne à tous ceux qui n’ont pas de médecin de famille. Toutes les personnes inscrites au guichet d’accès à un médecin de famille ont accès aux plages en appelant au 811, option 3.

M.Q. — Sur quoi repose ce succès ?

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G.C. – Ce qui est une grande réussite dans ce projet, c’est que d’une part les médecins de famille ne sont pas les seuls à assumer toute la charge de la première ligne et que, d’autre part, leurs services sont utilisés de façon pertinente. Le guichet d’accès à la première ligne (GAP) donne un rendez-vous aux patients après avoir vérifié si un autre professionnel de la santé ne pourrait pas régler leur problème. C’est vraiment une innovation importante. On garde donc les ressources médicales pour les cas où leur expertise est nécessaire. Et en plus, pour les médecins, cette manière de procéder offre un gain d’efficacité.

M.Q. — Quel est ce gain ?

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G.C. – L’une des difficultés en première ligne est que les patients se présentent sans qu’il y ait eu un travail au préalable. On ne connaît ainsi pas la raison de la consultation et l’on ne dispose pas de toutes les informations pour prendre nos décisions. La consultation comporte donc toujours une surprise. Est-ce que le problème va exiger quinze minutes ou une heure ? Ça rend l’organisation de la journée plus difficile.
Par contre, lorsque les patients sont triés par le guichet d’accès, on connaît leur problème avant leur arrivée ainsi que leurs médicaments et leurs antécédents. Nous pouvons alors être beaucoup plus efficaces. Le processus ressemble à celui qui a été mis en place en deuxième ligne. Avant de recevoir les patients, les spécialistes nous demandent de leur fournir certaines informations et d’effectuer certains examens.

M.Q. — Est-ce que le tri et la cueillette de données devraient être étendus à tous les patients ?

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G.C. – C’est la prochaine étape à laquelle on réfléchit. On a demandé au GAP de partager son expérience avec nous, même s’il est encore un peu tôt. On voudrait organiser en Outaouais des formations pour permettre aux médecins de bénéficier de ce type de processus pour les patients inscrits. On se rend toutefois compte que cette nouvelle façon de procéder n’est pas aussi simple qu’elle en a l’air. Le guichet est en train d’acquérir une expertise dans ce domaine, mais il a encore besoin d’apprendre et d’expérimenter.

M.Q. — Y a-t-il d’autres moyens de rendre la première ligne plus efficace ?

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G.C. – Il y a également toute la prise des signes vitaux et la collecte d’informations de base qui peuvent être confiées aux infirmières. En octobre dernier, notre association a organisé pour les membres une formation donnée par des médecins qui ont décidé d’engager eux-mêmes une infirmière en première ligne. Leur expérience est extrêmement concluante non seulement sur le plan de l’efficacité et de la rentabilité, mais surtout du bien-être. Ces médecins ne se sentent plus seuls dans leur travail en première ligne et finissent leur journée moins fatigués.

M.Q. — Quelles sont les prochaines étapes concernant le GAP ?

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G.C. – Je pense que c’est d’améliorer son fonctionnement, surtout en ce qui concerne le temps d’attente au téléphone pour les patients. Comme c’est le cas pour toute grande innovation, il y a des défis à surmonter. Maintenant, il faut consolider le projet et augmenter l’accès aux services.
L’une des prochaines étapes sera également de mettre en place un nouveau mode de rémunération pour les omnipraticiens afin de favoriser une organisation moderne de la première ligne. Ce mode doit permettre le travail d’équipe et donner accès à la première ligne non seulement aux gens qui ont un médecin de famille, mais à tous les Québécois.

M.Q. — La médecine familiale est à un tournant selon vous ?

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G.C. – De toute évidence. De là toute l’importance du prochain mode de rémunération qui sera instauré. Même si le médecin ne voit pas lui-même le patient, il devrait pouvoir être rétribué pour mettre en place une organisation de soins où il est le responsable et où il délègue des tâches à d’autres professionnels qu’il peut engager lui-même ou avoir dans son GMF. Il faut qu'il puisse se concentrer sur les tâches où son expertise apporte une plus-value, comme les cas complexes. Il ne doit pas nécessairement recueillir lui-même toutes les données ni voir tous les patients pour tous les suivis. Le médecin pourrait être le responsable de l’organisation, des choix et de l’orientation des traitements.

M.Q. — Est-ce que ce nouveau mode de rétribution comprendra la capitation ?

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G.C. – Rien n’est encore décidé. On est à l’étape où l’on doit réfléchir au mode de rémunération qui conviendra le mieux à l’organisation des soins de première ligne que l’on souhaite. On parle beaucoup de la capitation, mais tous les modèles sont possibles.

M.Q. — Quelles sont les demandes des médecins de votre association concernant le renouvellement de l’Entente ?

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G.C. – On peut les diviser en trois thèmes. Le premier, c’est la réduction de l’écart de rémunération entre les médecins de famille et les médecins des autres spécialités afin de valoriser la médecine familiale et de favoriser l’accès aux soins. On pense en particulier à la médecine d’urgence. Actuellement, un médecin omnipraticien qui fait exactement le même travail à l’urgence, à la même heure et au même endroit que son collègue qui a une spécialité en médecine d’urgence reçoit une rétribution moindre. Pour nous, ce n’est pas acceptable. Nous sommes particulièrement sensibles à ce problème parce que certains de nos membres travaillent en Ontario où la rémunération est la même à l’urgence, peu importe la spécialité. Il y a ainsi un couple de médecins qui pratiquent dans des urgences des deux provinces. L’un est urgentologue et l’autre omnipraticien. Quand ils sont en Ontario, ils ont la même rémunération. Mais quand ils viennent au Québec, elle est différente.
Par ailleurs, pour nous, en Outaouais, l’écart de rémunération avec le reste du Canada, et surtout avec l’Ontario, est également important. Nous devons pouvoir recruter des médecins de notre côté de la frontière et les garder.

M.Q. — Quelles sont les autres demandes de vos membres ?

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G.C. – La deuxième catégorie de demandes concerne l’équité entre les différents secteurs de pratique. Il y a des domaines, dont notamment l’hospitalisation, les soins à domicile, les CHSLD, l’obstétrique, la toxicomanie et la réadaptation, qui ont besoin d’une rémunération concurrentielle. Ces services à la population sont aussi importants que ceux de la première ligne.
Le troisième type de demandes touche la mise en place d’un modèle de rémunération en première ligne pour mieux soutenir la pratique moderne de la médecine familiale et favoriser le travail d’équipe. Nous allons donc présenter toutes ces propositions à la FMOQ.