cartes échues et nouveau-nés
Pendant la pandémie, plusieurs assouplissements ont été apportés aux règles de facturation. Le « retour à la normale » provoque des réactions de la part de membres qui ont oublié les adaptations qui existaient avant la pandémie. Revoyons-les !
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
La RAMQ a récemment rappelé aux médecins que les patients détenteurs de cartes d’assurance maladie échues devaient payer pour les services requis. Subitement, la Fédération s’est mise à recevoir des appels des médecins exerçant à l’urgence ou offrant des services à des clientèles particulières. Revoyons le fonctionnement « normal » !
Selon le principe général, toute personne doit présenter une carte d’assurance maladie valide pour ne pas avoir à payer les services médicaux reçus. Toutefois, il y a des exceptions (encadré). La plus courante est celle du patient qui nécessite des soins d’urgence, suivie de près par les enfants de moins d’un an.
Dans tous les milieux, dans une situation d’urgence, la personne assurée qui n’est pas en mesure de présenter sa carte peut recevoir des soins gratuitement. Suffit pour le médecin d’indiquer l’élément de contexte pertinent lors de sa facturation (« La personne est dans un état requérant des soins urgents »), et la RAMQ paiera les services. Cet élément de contexte peut seulement être inscrit en l’absence du numéro d’assurance maladie.
Notez bien qu’on parle d’une personne assurée. Le système d’assurance maladie ne paie pas pour les soins de toutes les personnes qui se trouvent sur le sol québécois. Celles qui ne sont pas admissibles à l’assurance maladie doivent se tourner vers une assurance privée si elles en ont une. Dans certains cas, il peut être difficile de savoir si la personne est admissible (ex. : sans-abri). Dans d’autres, le médecin sait pertinemment que le patient n’est pas admissible (ex. : femme enceinte qui entre au Canada avec un visa de touriste afin que son enfant naisse au Canada pour obtenir la citoyenneté canadienne).
Dans le premier cas, le recours à l’exception d’urgence est parfois approprié. Si la personne n’est finalement pas admissible, la RAMQ lui demandera de rembourser le coût des services. Dans le deuxième cas, la personne n’est pas admissible. Elle doit donc payer ses soins (ex. : visites prénatales, échographie, accouchement, soins du post-partum). Certains médecins ont sans doute recours à l’exception d’urgence dans de tels cas, même si ce n’est pas indiqué. En pareille situation, la RAMQ cherchera à récupérer les frais auprès de la personne qui a reçu les soins.
Dans tous les milieux, dans une situation d’urgence, le médecin réclame sa rémunération auprès de la RAMQ, même si la personne assurée n’est pas en mesure de présenter sa carte, en indiquant l’élément de contexte pertinent lors de sa facturation (« La personne est dans un état requérant des soins urgents »). |
L’exception d’urgence s’applique lorsque la personne n’est pas en mesure de présenter sa carte et que sa situation exige des soins urgents. Elle ne concerne donc pas la personne dont la carte est échue. Si vous envisagez de réclamer vos services sur la base de l’exception d’urgence, vous ne devez pas inscrire le numéro d’assurance maladie du patient, même si vous l’avez dans votre dossier. Le cas échéant, la RAMQ sera tout à fait dans son droit de refuser votre facturation. Si vous avez facturé des services urgents en indiquant le numéro de la carte que vous aviez au dossier et que vous essuyez un refus, modifiez votre facture en enlevant le numéro d’assurance maladie et en ajoutant l’élément de contexte pertinent.
Si vous décidez de faire payer le patient, vous devrez préparer une facture en double pour la RAMQ, comme vous le feriez normalement sous réserve de deux différences. Vous remplirez en double le document « Facture liée à une demande de remboursement », puis en imprimerez une copie que vous remettrez à la personne. Vous transmettrez ensuite votre facture électronique à la RAMQ. L’autre différence avec la facturation courante est que le tarif ne s’affichera pas lorsque vous entrerez le code de facturation dans FacturActe (certains logiciels commerciaux le font). Vous devrez inscrire le montant que vous avez réclamé au patient. Ce montant pourrait être de 0 $ ou de 100 $, sans égard au tarif habituel du service. Lorsque la RAMQ régularisera la situation du patient, ce dernier deviendra probablement admissible rétroactivement à la date des services. La RAMQ le remboursera et ajustera le montant à vous remettre. Si vous avez réclamé 0 $ et que le tarif est de 50 $, la RAMQ vous versera la différence, soit 50 $. Si vous avez facturé 100 $, la RAMQ récupérera plutôt 50 $. Enfin, si le patient ne transmet pas de demande de remboursement à la RAMQ et ne régularise pas sa situation, la RAMQ ne fera rien avec votre facture « liée à une demande de remboursement ».
Notez que le fait de facturer plus que le montant prévu à l’entente dans cette situation n’est pas interdit, car vous donnez les moyens à la RAMQ d’ajuster le montant. Par conséquent, facturer un montant qui semble raisonnable (si c’est plus que ce que prévoit l’Entente) peut d’ailleurs être prudent. En effet, si le patient n’est finalement pas admissible, la RAMQ ne vous versera rien si vous avez réclamé moins que le tarif assuré et ne récupérera pas non plus le montant excédentaire.
En établissement, comme le médecin n’a pas de contrôle hiérarchique sur le personnel, la RAMQ accepte de payer même si la carte d’assurance maladie d’un patient est échue. C’est donc dire qu’à l’urgence, à la salle d’accouchement, en clinique de consultation externe et à l’hospitalisation, le médecin n’a pas à se soucier de la date d’échéance d’une carte. C’est au personnel administratif de l’établissement de s’assurer que les patients présentent une carte d’assurance maladie valide et qu’ils sont admissibles. Une carte échue ne met pas fin à la prestation des services. Autrement, on pourrait imaginer le dysfonctionnement en chirurgie d’un jour si les patients dont la carte est échue devaient payer leur intervention.
La modalité de soins d’urgence ne s’applique pas à la personne qui présente une carte échue. En pareille situation, le médecin doit réclamer les soins au patient et produire deux factures : une pour le patient, l’autre pour la RAMQ. |
En cabinet, la RAMQ applique plus rigoureusement la loi, car elle soutient que le médecin a le contrôle sur son personnel. Le patient qui présente une carte échue doit donc payer les services reçus. Le médecin devra alors produire deux factures : une pour la RAMQ (facture aux fins de remboursement) et l’autre pour le patient, qui devra l’utiliser pour corriger sa situation auprès de la RAMQ et demander le remboursement des services (voir plus haut).
Notez que si le médecin réclame des frais au patient, mais ne transmet pas de facture liée à une demande de remboursement à la RAMQ et que le patient régularise sa situation par la suite, la RAMQ récupérera auprès du médecin la totalité du montant payé par le patient. Le médecin ne pourra même pas conserver le tarif prévu à l’entente. Toutefois, avant de procéder, la RAMQ envoie une demande de renseignements au médecin et lui donne ensuite quarante-cinq jours pour lui faire parvenir une facture. C’est donc important de transmettre cette deuxième facture.
L’autre situation qui semble mal comprise est celle des enfants nés au Québec, mais dont les parents ne sont pas admissibles à l’assurance maladie. Ces enfants sont présumés admissibles dès leur naissance, mais ils doivent résider au Québec au moins six mois par année pour conserver leur admissibilité.
À la naissance, il est donc possible de facturer les soins au nouveau-né à la RAMQ en fournissant les informations habituelles (nom, prénom, date de naissance, sexe, adresse si connue et ordre des naissances s’il s’agit de naissances multiples). Il faut aussi indiquer le nom, le prénom, le sexe et la date de naissance de la personne répondante (ou le numéro d’assurance maladie du père ou de la mère, le cas échéant). Cette mesure s’applique même aux nouveau-nés des « touristes médicales » qui viennent accoucher au Québec pour que leur enfant ait la citoyenneté canadienne.
Après la réception de l’enregistrement de l’acte de naissance émis par le Directeur de l’état civil (envoyé par les parents), la RAMQ produit une attestation d’inscription valide 45 jours. Cette dernière vous permet de réclamer à la RAMQ la rémunération des services effectués. Toutefois, elle n’est plus valide après 45 jours. Les parents devront alors payer le coût des services, à moins que l’enfant soit admissible (vérification à l’aide de votre DMÉ ou du service en ligne de vérification de l’admissibilité).
Notez qu’il peut y avoir un délai de quatre à six semaines après la naissance avant que la RAMQ produise l’attestation d’inscription. Durant cette période, en l’absence d’attestation, vous pouvez présumer que l’enfant est admissible, en indiquant les informations décrites précédemment.
L’enfant adopté à l’étranger par des parents admissibles à la RAMQ devient admissible dès son arrivée au Québec. Toutefois, il n’y a pas de présomption d’admissibilité. Les parents doivent l’inscrire auprès de la RAMQ qui émettra une carte d’assurance maladie. Tant que l’enfant n’a pas de carte, les parents doivent payer les services et se faire rembourser par la suite. Vous devez donc procéder comme pour les personnes dont la carte est échue, tant en établissement qu’en cabinet : produire une facture aux fins de remboursement et la transmettre à la RAMQ, puis remettre une facture aux parents de l’enfant en question.
Pendant la première année de vie des enfants nés au Québec de parents admissibles, il suffit de facturer les services fournis à la RAMQ en donnant les informations décrites précédemment pour l’enfant né au Québec de parents non admissibles. Il est même possible d’inscrire un tel enfant aux fins de l’entente particulière sur la prise en charge et le suivi sans disposer de son numéro d’assurance maladie. Lors de l’inscription, ne notez pas le numéro d’assurance maladie du nouveau-né, mais plutôt celui du père ou de la mère.
Les nouveau-nés qui naissent au Québec de parents non admissibles sont présumés admissibles pendant une période de quelques mois. Toutefois, les enfants adoptés à l’international, bien qu’admissibles dès leur arrivée en sol québécois, ne bénéficient pas de cette présomption. Il faut facturer les soins comme si la personne n’était pas en mesure de présenter sa carte. |
Espérons que ces renseignements permettront un retour à la normale en douceur. Bonne facturation ! //