« Des mesures concrètes sont nécessaires »
Au Québec, 93 des quelque 500 postes de résidence en médecine familiale sont restés vacants après le premier tour du Service canadien de jumelage des résidents (CaRMS). L’an dernier, en comparaison, 90 places n’avaient pas été pourvues au premier tour, puis 65 au deuxième.
« Ces chiffres m’inquiètent, reconnaît la Dre Anne-Louise Boucher, directrice de la Planification et de la Régionalisation à la FMOQ. Cette année, au deuxième tour, il y aura probablement une soixantaine de postes vacants. Ils représentent des médecins de famille qui, pendant 30 ans, ne donneront pas de services à la population. Il s’agit encore d’une occasion ratée, parce que l’on ne peut pas récupérer l’année suivante les médecins que l’on n’a pas formés. Ces résultats montrent le manque d’attractivité de la médecine familiale. »
Néanmoins, depuis un an, des efforts ont été faits. Tant la FMOQ que le ministère de la Santé ont créé leur comité de valorisation de la médecine familiale. « Les recommandations des deux groupes de travail sont similaires. Mais est-ce que les actions que le gouvernement doit effectuer, surtout en ce qui concerne les éléments irritants de la pratique, vont se concrétiser ? »
Le dépôt du projet de loi no 15 a semé des doutes. « Certains éléments de la future loi sont préoccupants et pourraient nuire à l’attractivité de la médecine familiale, affirme la directrice. Au cours des derniers mois, la collaboration avec le ministère pour l’inscription collective a été bonne, mais il est possible que ce ne soit pas aussi simple d’obtenir l’application des recommandations des deux comités sur la valorisation. »
La médecine spécialisée, pour sa part, a obtenu de bons résultats : seulement douze places n’ont pas été pourvues. Onze en médecine interne et une en anesthésiologie. « Il y a cependant moins de postes en médecine spécialisée : 45 % des postes sont offerts en médecine spécialisée et 55 % en médecine familiale », précise la Dre Boucher.
Dans le Canada anglais, la médecine familiale n’a pas non plus séduit en grand nombre les étudiants en médecine : 177 places de résidence n’ont pas été pourvues. Quand on ajoute les 93 postes vacants au Québec, le total des postes non pourvus en résidence en omnipratique représente 77 % de l’ensemble des places libres en résidence dans toutes les spécialités au pays.
« Le problème de valorisation de la médecine familiale n’existe pas qu’au Québec. Il est pancanadien, indique la Dre Boucher. Déjà, en 2022, les autres provinces commençaient à avoir un peu de difficulté à remplir leurs postes. Cette année, toutefois, la tendance est plus marquée. Le reste du Canada vit le phénomène que l’on connaît ici depuis deux ou trois ans. »
Une réflexion nationale va s’imposer. « Il faut mieux définir le rôle du médecin de famille, parce que l'on est dans une phase de transformation. Beaucoup d’éléments changent. Maintenant, quel rôle a le médecin de famille parmi l’ensemble des professionnels de la santé ? Il faut valoriser sa place en la connaissant mieux et en la précisant davantage. Nous devrons regarder ce qui va se faire dans le reste du Canada. »
Mais dans notre province, peut-on inverser la tendance à court terme ? La directrice de la Planification et de la Régionalisation le croit. « Il va falloir que l’on ait la collaboration du ministère pour diminuer de manière importante les éléments irritants de la pratique et les facteurs qui réduisent l’intérêt pour la médecine familiale. Pour que l’année prochaine nous soyons plus attractifs, des mesures concrètes sont nécessaires. Nous voulons travailler avec le ministère à leur application afin de vraiment pouvoir nous réapproprier notre profession. » //