Nouvelles syndicales et professionnelles

Récurrence des calculs rénaux

l’hydrochlorothiazide est-il efficace ?

Élyanthe Nord  |  2023-05-01

Une nouvelle étude vient de conclure que les doses de 50 mg et moins d’hydrochlorothiazide ne préviennent pas la réapparition de la néphrolithiase. Mais habituellement, le médicament est prescrit à de plus fortes doses.

Faut-il cesser de prescrire en prophylaxie l’hydrochlorothiazide aux patients présentant un fort risque de néphrolithiase ? L’étude NOSTONE, publiée dans le New England Journal of Medicine (NEJM), vient de montrer que les doses de 50 mg et moins ne sont pas plus efficaces que le placebo1.

Au CHU de Québec, le Dr Fabrice Mac-Way, néphrologue, a reçu plusieurs appels de médecins prêts à mettre fin au traitement de leurs patients. « Il faut faire attention. On ne peut pas conclure que l’hydrochlorothiazide n’est pas efficace pour prévenir les lithiases. Elle ne l’est pas à la dose que les chercheurs ont utilisée. »

Le spécialiste de l’Hôtel-Dieu de Québec, lui, recourt à des doses élevées chez des patients ciblés. « Plusieurs études à répartition aléatoire ont montré que les doses de 50 mg, de 75 mg et de 100 mg permettaient de prévenir les calculs chez les patients qui avaient des lithiases récidivantes à base de calcium », précise-t-il.

L’étude NOSTONE, menée en Suisse, portait sur 416 sujets répartis au hasard en quatre groupes prenant respectivement 12,5 mg, 25 mg, 50 mg par jour d’hydrochlorothiazide ou un placebo. Les participants devaient avoir eu au moins deux crises de néphrolithiase au cours des dix dernières années. Le critère d’évaluation principal déterminé par les chercheurs, le Dr Nasser Dhayat et ses collaborateurs, consistait en la réapparition de calculs rénaux détectée soit par les symptômes, soit par tomodensitométrie. Au bout de trois ans, il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre les groupes (tableau).

Les participants de l’essai clinique ne correspondent cependant pas tout à fait aux patients à qui le Dr Mac-Way prescrit de l’hydrochlorothiazide. Les sujets de l’étude NOSTONE devaient simplement avoir eu au moins un calcul contenant au moins 50 % d’oxalate de calcium ou de phosphate de calcium. « Certains ont peut-être fait des pierres qui n’étaient pas principalement à base de calcium. L’essai comprend donc probablement un mélange de plusieurs types de patients », affirme le professeur associé à l’Université Laval.

Le Dr Mac-Way cible davantage ses patients. « Comme l’hydrochlorothiazide fonctionne en diminuant le calcium urinaire, je ne le donne qu’aux personnes qui font des pierres de calcium ou en majorité composées de calcium, s’il y a d’autres types de pierres. »

Le médicament est par ailleurs prescrit aux patients qui non seulement ont des néphrolithiases à répétition, mais présentent aussi une hypercalciurie importante. « Dans l’étude, le critère concernant le taux de calcium urinaire demandait une valeur au-dessus de 200 mg sur 24 heures. Les participants n’étaient donc pas les patients les plus hypercalciuriques. Ce n’est pas la clientèle à qui l’on donne habituellement ce médicament. »

Et la dose de 50 mg ?

Le Dr Dhayat et son équipe ont délibérément évité les fortes doses : elles augmentent le risque d’effets indésirables, comme l’hypokaliémie, l’hyponatrémie, l’hypercalcémie, l’hyperuricémie, la dysglycémie et la dyslipidémie.

« La question de l’essai clinique était donc : “Est-ce que l’hydrochlorothiazide à une dose plus faible fonctionne pour prévenir les lithiases dans une population comme celle de l’étude ?” Cet aspect est important. J’ai des patients qui ne tolèrent pas les doses de 100 mg, de 75 mg ou même de 50 mg. Je me demandais jusqu’à présent si le médicament pouvait être efficace à 25 mg. J’ai maintenant la réponse pour les patients correspondant à ceux de l’étude », affirme le clinicien-chercheur.

Mais qu’en est-il de la dose de 50 mg ? Est-elle vraiment inefficace ? C’est ce que montre l’essai NOSTONE. Les chercheurs ont fait diverses analyses pour s’en assurer, et leur conclusion est restée la même.

Le Dr Mac-Way ne peut toutefois s’empêcher de noter que le taux de récurrence détectée par tomodensitométrie était significativement plus bas parmi les participants qui prenaient 50 mg d’hydrochlorothiazide que dans le groupe témoin : 34 % contre 49 % (intervalle de confiance à 95 % : 0,29–0,98) (tableau). Mais, cette mesure analysée isolément ne constitue qu’un critère d’évaluation secondaire.

« S’il y avait eu plus de sujets et que l’étude avait été plus longue, on peut se demander si on n’aurait pas vu des effets bénéfiques à la dose de 50 mg », mentionne le néphrologue. L’éditorialiste du NEJM estime lui aussi que l’essai, à cause de sa taille et de sa durée, ne pouvait peut-être pas déceler une différence significative2.

L’eau et le sel

Dans la prévention de la néphrolithiase, l’alimentation joue un rôle primordial et inclut deux éléments : l’hydratation et la réduction de la consommation de sel. « Boire beaucoup d’eau est la base du traitement des lithiases. Si un patient ne prend que 500 ml par jour, il y a de bonnes chances pour que l’hydrochlorothiazide soit beaucoup moins efficace. Il est essentiel de diluer l’urine. Les études ont montré que c’est vraiment à partir d’un volume urinaire de 2,2–2,3 litres et plus que l’incidence des calculs rénaux baisse. » Or, au cours de l’essai NOSTONE, les patients avaient en moyenne un volume urinaire de 2,1 litres.

Les valeurs de sodium urinaire, un reflet de l’alimentation, n’étaient pas non plus optimales. « Elles étaient meilleures que celles de la population nord-américaine, mais on se serait attendu à des taux beaucoup plus bas dans le cadre d’une étude. Ces données me font croire que l’alimentation n’était peut-être pas parfaite. Or, lorsque c’est le cas, l’action de l’hydrochlorothiazide ne l’est pas non plus. »

Le Dr Mac-Way oriente d’ailleurs souvent ses patients vers un nutritionniste spécialisé dans les néphrolithiases. Si les patients présentant une hypercalciurie ont de nouveau des calculs répétés à base de calcium, le néphrologue leur prescrit alors de l’hydrochlorothiazide à fortes doses. Pour certains, il ajoute également du citrate de potassium pour augmenter la citraturie et diminuer ainsi les risques de récidive.

Que faut-il finalement conclure de l’essai NOSTONE ? « Cette étude montre qu'il ne vaut pas la peine de donner des doses de moins de 50 mg à des patients qui ont des pierres qui ne sont pas surtout composées de calcium. » //

bibliographie

1. Dhayat N, Bonny O, Roth B et coll. Hydrochlorothiazide and prevention of kidney-stone recurrence. N Engl J Med 2023 ; 388 (9) : 781-91. DOI : 10.1056/NEJMoa2209275.

2. Alexander T. Do thiazides reduce the risk of kidney-stone recurrence? N Engl J Med 2023 ; 388 (9) : 841-2. DOI : 10.1056/NEJMe2300120.