Projet de loi no 15
À la suite de la participation de la FMOQ à la commission parlementaire au sujet du projet de loi no 15 visant à rendre le système de santé plus efficace, le ministre a réagi en soulignant qu’il avait l’impression de vivre le « jour de la marmotte ». Nous avions la même perception, mais pour des raisons diamétralement opposées. À l’instar du projet de loi no 11 présenté l’an dernier, le gouvernement s’attaque de nouveau à notre autonomie, à notre droit à la négociation et à notre engagement, tout en se disant ouvert à la discussion. Pour la suite, nous proposons de faire évoluer les échanges dans une perspective de collaboration et de cogestion.
Les médecins de famille font partie de la solution. Malgré une pénurie grave d’effectifs, les lacunes dans la planification au sein du réseau, un non-respect chronique des contrats de GMF par les établissements et un manque de valorisation de la médecine familiale, nous avons collectivement inscrit au-delà de 640 000 personnes au cours de la dernière année.
Les médecins de famille sont au cœur des soins de santé et ont une appréciation fine des réalités locales ainsi que des besoins de la population. Il importe de préserver ces acquis et d’éviter l’écueil de tout confier à une seule agence. La décision entourant la réouverture prochaine, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, de l’urgence de l’hôpital communautaire de Lachine en est un exemple patent. Alors que le CIUSSS considérait plutôt de la fermer, des médecins du territoire en position d’influence – dont la présidente du CMDP local et la cheffe du DRMG de Montréal – ont écouté les doléances de la communauté et œuvré de pair avec elle. Si ces instances médicales avaient été dénuées de tout pouvoir, est-ce que des titulaires désignés auraient eu la même latitude pour agir ? Poser la question, c’est y répondre !
C’est pourtant ce que prévoit le projet de loi no 15 : mettre à mal ces deux structures électives et indépendantes, qui assurent une balance des pouvoirs et un sain équilibre dans la cogestion clinico-administrative auprès des établissements. Le CMDP, qui voit à la qualité de l’acte, et le DRMG, à une organisation optimale des soins, s’inscrivent justement dans une volonté d’efficacité et de décentralisation. Qui plus est, retirer le volet « clinique » de la gestion du réseau pour ne mettre l’accent que sur le côté « administratif » est à notre avis une erreur majeure, qui montre une certaine incompréhension des enjeux du terrain.
Nous proposons plutôt que le gouvernement intègre ces deux entités (CMDP et DRMG) dans la réforme actuelle dans une optique de cogestion. D’une part, en travaillant en étroite collaboration avec les directeurs médicaux et territoriaux nommés. D’autre part, en prévoyant des rôles bien définis dans la loi, des balises claires ainsi que des mécanismes d’arbitrage fonctionnels.
Concernant l’intention du législateur d’obliger les médecins qui œuvrent exclusivement en clinique à demander des privilèges en établissement, nous revenons à l’idée d’une essentielle cogestion. Au lieu des mesures coercitives du projet de loi actuel, nous proposons encore plus de collaboration interprofessionnelle, un plein respect de nos ententes de part et d’autre, une volonté commune de continuer à innover afin d’accroître l’accessibilité au réseau ainsi que la priorisation des mesures incitatives.
Enfin, dans le cadre de ces débats législatifs, c’est à la trame de fond de la valorisation et de l’attractivité de la médecine familiale qu’il faut réfléchir à l’avenir. Nous croyons fermement que les futurs médecins de famille seront beaucoup plus attirés par l’autonomie, la collaboration et la cogestion que par les contraintes, les menaces et la coercition. Nous devons, tous ensemble, avancer dans cette direction. //
Le 18 mai 2023
Le président, |