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Enfants

effets de la diminution des heures de sommeil

Élyanthe Nord  |  2023-06-01

Après seulement une semaine, un léger manque de sommeil peut déjà avoir des effets nuisibles chez les enfants, vient de montrer une étude réalisée en Nouvelle-Zélande.

Les enfants, on le sait, ont besoin de dormir suffisamment. Qu’arrive-t-il quand ils manquent de sommeil ? Une étude néo-zélandaise, publiée dans le JAMA Network Open, révèle qu’une réduction de 39 minutes de sommeil par nuit pendant seulement une semaine a des répercussions : diminution du bien-être physique, baisse de la capacité à faire face à l’environnement scolaire et réduction de la qualité de vie globale liée à la santé.

À Dunedin, en Nouvelle-Zélande, Mme Rachel Taylor et son équipe, de l’Université d’Otago, ont évalué les effets d’une légère privation de sommeil sur 100 enfants1. Les jeunes, âgés de 8 à 12 ans, étaient en bonne santé et dormaient en moyenne 9 heures par nuit. Ils ont été répartis au hasard en deux groupes.

Les chercheurs ont demandé aux parents des enfants du premier groupe de coucher ces derniers une heure plus tôt que d’habitude pendant une semaine, de revenir à la normale pendant sept jours, puis de les coucher une heure plus tard pendant une autre semaine. Les parents des participants du deuxième groupe devaient procéder dans l’ordre inverse. Tous les jeunes sujets, pour qui c’était la période scolaire, devaient se lever à la même heure que d’ordinaire. La durée du sommeil était à la fois notée par les parents et calculée par un accéléromètre que les enfants portaient continuellement sur eux pour mesurer leur activité motrice.

Sommeil restreint et sommeil prolongé

Pendant la semaine de sommeil restreint, les enfants ont dormi en moyenne 39 minutes de moins que durant la semaine de sommeil prolongé. Durant cette semaine de sommeil réduit, ils sont ainsi allés au lit 64 minutes plus tard et se sont réveillés 18 minutes plus tard (ce à quoi les chercheurs s’attendaient) que pendant les sept jours où ils dormaient plus. Chez les enfants pour qui le protocole a été parfaitement suivi, la différence de temps de sommeil atteignait 71 minutes par nuit.

Les questionnaires remplis par les parents et les jeunes participants révèlent qu’au cours de la semaine de restriction de sommeil, les enfants étaient plus affectés pendant la journée par des perturbations comme la somnolence et la difficulté à fonctionner. Dans le questionnaire KIDSCREEN-27, qui portait sur la qualité de vie liée à la santé, les scores des jeunes étaient par ailleurs un peu plus bas dans les sous-échelles du bien-être physique (état de santé général, se sentir en forme et bien, être actif physiquement, bien courir et sentir que l’on a de l’énergie) et de l’environnement scolaire (être heureux à l’école, bien s’entendre avec ses camarades de classe, être capable de se concentrer, bien s’entendre avec ses professeurs). Le score total au questionnaire KIDSCREEN-27 était lui aussi globalement plus bas.

Les enfants qui ont atteint une baisse d’au moins 30 mi­nutes de sommeil par nuit ont, en plus, mentionné une diminution significative de leur bien-être lié au soutien social et aux pairs (passer du temps avec ses amis, s’amuser avec eux, compter sur eux et s’aider les uns les autres).

Les différences de scores entre les semaines de sommeil raccourci et prolongé étaient petites. Mais elles apparaissaient après seulement sept jours, soulignent les auteurs qui estiment leurs données cliniquement et statistiquement significatives.

« On disposait de beaucoup de données sur les enfants qui présentaient des troubles du sommeil, comme l’apnée obstructive du sommeil. On savait que leurs problèmes avaient des répercussions sur leur qualité de vie et leur fonctionnement à l’école. Cette étude vient montrer que même chez les enfants sans anomalies du sommeil le fait de ne pas dormir suffisamment peut rapidement avoir des conséquences sur le fonctionnement durant la journée », constate le Dr Kevin Vézina, directeur médical de la clinique et du laboratoire du sommeil du CHU Sainte-Justine.

De 9 à 12 heures de sommeil

Comment les jeunes participants occupaient-ils leur heure de veille supplémentaire durant la semaine de sommeil réduite ? Les enfants l’ont utilisée « surtout pour des activités sédentaires et, dans une moindre mesure, pour une activité légère. Étant donné que ces patrons d’activités ont été mesurés avec un accéléromètre, nous ne savons pas quels comportements précis ont changé bien que, de manière anecdotique, les parents aient signalé plus de temps d'écran pendant la semaine de restriction du sommeil », expliquent les chercheurs.

L’heure plus tardive du coucher semblait par ailleurs offrir un certain avantage : améliorer légèrement le sommeil. Les enfants se réveillaient un peu moins souvent, et leur sommeil était un peu plus efficace. « C’est comme si le cerveau s’adaptait au manque de sommeil, explique le Dr Vézina, pneumologue pédiatre. Dans ces situations, quand on va se coucher, on accumule du sommeil très rapidement pour essayer de compenser le temps restreint de sommeil. »

De manière globale, l’étude de Mme Taylor et de ses collaborateurs constitue une analyse secondaire de l’étude DREAM (Daily Rest, Eating and Activity Monitoring) qui s’intéressait non seulement au sommeil, mais aussi notamment à l’alimentation. Les chercheurs ont confirmé des liens entre les deux. « Nous avons constaté que lorsque les enfants dormaient moins, ils mangeaient beaucoup plus de calories, surtout le soir. Ces dernières provenaient toutes d'aliments non essentiels (dont la qualité nutritionnelle est généralement médiocre) plutôt que d'aliments importants, comme les fruits et les légumes, qui sont associés à une meilleure qualité de vie liée à la santé2 », mentionnent les auteurs.

Un nombre suffisant d’heures de sommeil est donc essentiel pour les enfants. « L’American Academy of Medicine a publié en 2016 des recommandations concernant le nombre d’heures de sommeil pour chaque groupe d’âge. Les enfants de 6 à 12 ans ont besoin de 9 à 12 heures par nuit. Les adolescents doivent dormir de 8 à 10 heures par 24 heures. C’est plus que les 7 à 8 heures recommandées chez les adultes. Le cerveau de ces jeunes est en développement et leur corps, en croissance, ce qui demande plus de temps de sommeil », explique le Dr Vézina. //

Encadré

Pour faciliter le sommeil des enfants

• Idéalement, les enfants devraient avoir une routine avant d’aller au lit et se lever et se coucher aux mêmes heures. « À la clinique du sommeil, on suggère qu’il n’y ait pas plus d’une heure de différence entre la semaine et la fin de semaine afin de favoriser l’endormissement et un sommeil de bonne qualité. Le cerveau de l’enfant connaît ainsi l’heure du coucher et du lever, ce qui favorise la sécrétion optimale de mélatonine », mentionne le Dr Kevin Vézina, directeur médical de la clinique et du laboratoire du sommeil du CHU Sainte-Justine.

• Les enfants devraient par ailleurs éviter les écrans avant d’aller dormir. « Ces derniers stimulent les jeunes, en plus d’émettre la fameuse lumière bleue que le cerveau interprète comme étant celle du jour, ce qui perturbe sa sécrétion de mélatonine. »

bibliographie

1. Taylor R, Haszard J, Jackson R et coll. Effect of sleep changes on health-related quality of life in healthy children: a secondary analysis of the DREAM crossover trial. JAMA Netw Open 2023 ; 6 (3) : e233005. DOI : 10.1001/jamanetworkopen.2023.3005.

2. Morrison S. The effect of mild sleep loss on dietary intake and movement behaviour in children: A randomised controlled trial. Thèse de doctorat. Université d’Otago ; 2022. http://hdl.handle.net/