Nouvelles syndicales et professionnelles

Future loi visant à rendre le système de santé plus efficace

la FMOQ se prononce en commission parlementaire

Élyanthe Nord  |  2023-06-01

Le Dr Marc-André Amyot, président de la FMOQ, a présenté le 9 mai dernier, à la Commission de la santé et des services sociaux, la position des médecins de famille sur les aspects du projet de loi no 15 les touchant.

Dr Amyot

Le réseau de la santé a besoin d’être plus efficace, a déclaré d’entrée de jeu le Dr Marc-André Amyot, président de la FMOQ, à la commission parlementaire sur le projet de loi no 15, la future loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace.

Les médecins de famille ne s’opposent pas au changement et, au contraire, désirent en être des acteurs, a expliqué le président. « Cependant, ils sont à la fois déçus et choqués du contenu du projet de loi no 15 les concernant et de l’approche du gouvernement. Ils ont l’impression que ce projet de loi a été écrit par des fonctionnaires qui souhaitaient obtenir davantage de contrôle et de pouvoir sur la profession médicale. »

Les omnipraticiens veulent coopérer malgré la situation difficile. « Ils donnent le meilleur d’eux-mêmes pour offrir aux Québécois une gamme complète de services médicaux dans plusieurs secteurs d’activités. On doit cependant rappeler que le manque de planification dans l’appareil étatique, associé à un important manque d’attractivité de la médecine familiale, nous a menés à une pénurie de plus de 1100 médecins de famille. » Malgré tout, les médecins de famille ont été là pour accroître l’accès aux soins durant et après la pandémie et lors de la crise des urgences à l’automne dernier, a rappelé le président.

Dans ce contexte, les aspects répressifs de la future loi vont être particulièrement nuisibles. « Une approche autoritaire, centralisatrice, coercitive et dans laquelle toute véritable consultation et négociation est évacuée lance un bien mauvais message aux médecins de famille. Une telle façon d’agir nuit à l’efficacité des services, mais cause aussi un tort sérieux à l’attrait qu’exerce notre spécialité auprès des étudiants en médecine. » Depuis 2013, 536 postes de résidence en médecine familiale n’ont pas été pourvus, a rappelé le Dr Amyot. Cette année seulement, 67 places sont restées vacantes.

DRMG et CMDP

Le président de la FMOQ a dénoncé des points précis touchant directement les omnipraticiens dans le projet de loi no 15. Ainsi, si ce dernier est adopté tel quel, tous les médecins de famille devront être membres des nouveaux « départements territoriaux de médecine familiale » (DTMF), qui remplaceront les départements régionaux de médecine familiale (DRMG). Et tous ces cliniciens devront être titulaires d’un statut et de privilèges leur permettant d’exercer au sein de l’établissement auquel se rattache le DTMF. Y compris les médecins qui pratiquent dans une clinique. « Le non-respect de cette obligation sera frappé d’une peine sévère et sans appel : l’interdiction de facturer ses services au régime public d’assurance maladie, a indiqué le Dr Amyot. Les personnes qui conseillent le ministre savent-elles que 3000 médecins de famille ont une pratique exclusive dans les cliniques médicales de première ligne hors établissement ? Savent-elles seulement que ces médecins traitent des milliers de Québécois tous les jours ? Nous aurions pu les en informer, mais nous n’avons tout simplement pas été consultés. »

Cet aspect de la future loi pourrait par ailleurs avoir des répercussions sur les omnipraticiens plus âgés. Au Québec, un quart des médecins de famille ont plus de 60 ans et ils pratiquent majoritairement en cabinet. « Que pensez-vous qu’il se produira ? », a demandé le Dr Amyot.

Le président a par ailleurs défendu l’institution que sont les DRMG. Ils n’ont eu que des effets bénéfiques sur l’accès aux services médicaux, a-t-il soutenu. « L’approche professionnelle est leur marque de commerce. Ils ont démontré leur grande capacité d’engagement, de ralliement et d’organisation. On a vu les DRMG au front tout au long de la pandémie et être des acteurs clés dans l’actualisation de l’entente sur l’accessibilité. »

Tout risque cependant de basculer. « Alors que les DRMG comptent parmi les organes les plus fonctionnels et performants du réseau, le gouvernement, par la voie du projet de loi no 15, voudrait maintenant les affaiblir pour mieux les contrôler », indique le mémoire de la Fédération. La future loi prévoit ainsi que les chefs des nouveaux DTMF seront désignés par les PDG des établissements. « En nommant de simples exécutants, certains semblent croire qu’ils rendront le réseau plus efficace. Mettre à mal cette structure régionale, élective, crédible, neutre et légitime qui a la confiance des médecins sur le terrain et la remplacer par des directions territoriales désignées est l’opposé d’une dépolitisation et d’une volonté de collaboration », a souligné le président de la FMOQ.

Les conseils des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) des établissements de soins subiront eux aussi d’importants changements. « En lieu et place du CMDP où siègent nos collègues, le projet de loi confiera au PDG et au directeur médical – un fonctionnaire – la responsabilité de s’occuper de la procédure de nomination. Le CMDP n’est donc plus concerné par la nomination ni par le renouvellement des privilèges et des obligations qui doivent se rattacher à ces derniers. Cela va à l’encontre de son rôle de vigie de la qualité de la pratique en établissement. »

Effectuer des changements dans la collaboration

Les médecins de famille contestent donc plusieurs des aspects du projet de loi no 15 les concernant. « Cette volonté bureaucratique injustifiée de contrôler les cliniques médicales, de concentrer les pouvoirs et d’exclure les médecins des organes décisionnels afin d’accroître l’efficacité va dans la mauvaise direction. Ce projet de loi mammouth de 1180 articles, conçu sans aucune consultation préalable des fédérations médicales et des partenaires médicaux, nous laisse tout simplement pantois », n’a pas caché le Dr Amyot.

À la période de questions, le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Christian Dubé, a voulu savoir si le Dr Amyot avait des solutions à proposer qui n’étaient pas présentes dans le projet de loi. Le président a alors suggéré d’étendre aux patients inscrits individuellement le recours aux autres professionnels de la santé, comme c’est le cas pour les patients inscrits collectivement. « On s’est attardé, dans l’entente sur l’accessibilité, au patient qui n’a pas médecin de famille, qui est inscrit au guichet d’accès à un médecin de famille. Maintenant, comment peut-on optimiser la consultation chez tous les patients qui ont un médecin de famille ? La solution ne repose pas uniquement sur les épaules des médecins de famille. Elle repose aussi sur d’autres professionnels. On l’a démontré et on veut élargir cette façon de faire à nos patients inscrits individuellement. »

D’autres solutions ? « Nous avons des médecins qui veulent travailler plus actuellement, a mentionné le président. Normalement, au Québec, quand les gens travaillent plus de 40 heures, ils ont au moins la même rémunération, parfois ils ont une rétribution à temps et demi, parfois à temps double. Il y a des médecins qui veulent travailler plus, mais après une certaine prestation de services, que fait-on ? On coupe leur rémunération de 75 %. » Il faudrait donc corriger la situation.

Le Dr Amyot a par ailleurs assuré la commission de sa collaboration. « Les médecins de famille font partie de la solution et ne sont pas réfractaires au changement, bien au contraire. Mais ils croient au changement dans la collaboration. » //