les DRMG veulent garder leur indépendance
Les départements régionaux de médecine générale (DRMG) s’opposent à plusieurs mesures du projet de loi no 15 – destiné à devenir la Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace – qui les visent.
Quand le Dr Marcel Guilbault, chef du DRMG de l’Outaouais, a pris connaissance du projet de loi no 15, il a eu une impression de déjà-vu. Il a senti une nouvelle tentative de mainmise sur la pratique médicale. Les DRMG, transformés en DTMF (départements territoriaux de médecine familiale), auraient par exemple des chefs nommés plutôt que choisis par les médecins du terrain. Tous les omnipraticiens seraient obligés d’obtenir des privilèges en établissement pour rester dans le système public. Et les médecins, en général, perdraient leurs pouvoirs dans les différentes instances.
Le Dr Guilbault est tombé des nues à la vue de ces changements. « Depuis que je suis chef de DRMG, notre équipe essaie de collaborer avec le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et d’améliorer la première ligne. Et là, arrive un projet de loi qui supprime le principe de collaboration et met en place des obligations. Un peu comme la loi 20 le faisait. »
La future loi, notamment, priverait les DRMG d’un de leurs principaux atouts : leur structure élective. Actuellement, les médecins sur le terrain élisent trois des membres du comité de direction de l’organisme qui, après, choisissent les neuf autres membres représentant les différents lieux de pratique. Un chef est ensuite élu parmi eux. Le projet de loi abolit ce système. Le dirigeant du DTMF serait dorénavant désigné par le PDG de l’établissement régional de santé et surveillé par le futur directeur médical, qui correspond à l’actuel directeur des services professionnels.
« En transformant le chef [du DRMG] en employé de l’établissement, sous la gouverne du directeur médical et du PDG, la loyauté pourrait primer et inciter au musellement, comme le sont déjà malheureusement une vaste majorité des gestionnaires et des cadres du système, et ouvrira la porte à son contrôle par Santé Québec », souligne la Table provinciale des chefs de DRMG dans le mémoire qu’elle a soumis à la Commission de la santé et des services sociaux qui étudiait le projet de loi no 15.
Le Dr Guilbault accepte que les DRMG deviennent des DTMF. Mais pas qu’ils tombent sous l’autorité du futur directeur médical de l’établissement. « On veut garder notre capacité de dire : “Non, cela n’a pas de sens” ou “Oui, cela fonctionne, mais à telle condition”. On veut pouvoir s’opposer à des ordres qui viennent d’en haut et qui, par exemple, imposeraient les mêmes mesures dans tout le Québec. Il faut pouvoir dire : “Non, cela ne fonctionne pas chez nous pour telle raison”. Si on n’a pas un mot à dire, s’il faut juste obéir, acquiescer et imposer les mesures aux médecins, c’est sûr que le système ne marchera pas. »
Comme dans le reste de la province, les membres du comité de direction du DRMG de l’Outaouais viennent de tous les lieux de soins. « Chaque réseau local de service est représenté par les coordonnateurs médicaux de première ligne. J’ai inclus les chefs de département, les chefs de service, tout comme les chefs des urgences et les représentants des CLSC et des cliniques. Il y a en plus un représentant du milieu universitaire et un médecin résident observateur. Nous avons donc le pouls de chaque secteur. Cela nous permet de prendre des décisions plus éclairées », affirme le Dr Guilbault.
Le DRMG se veut proche de ses membres. « On connaît les médecins du territoire, les groupes, les GMF, leurs capacités, leurs difficultés. On est capable de faire une gestion professionnelle et neutre. Parfois, certains médecins ont des problèmes qu’on est seuls à connaître. Ils peuvent être malades, ne pas bien aller, avoir des difficultés personnelles. Il peut donc être acceptable qu’ils participent moins à certaines mesures. »
Le DRMG est par ailleurs neutre. Il n’a de contrat ni avec la FMOQ ni avec le ministère, souligne le Dr Guilbault. « On est une instance qui regarde les ententes, voit les médecins sur le terrain et considère les possibilités d’amélioration. On essaie de faire une gestion professionnelle des accords. On tente de trouver de nouvelles façons de faire. On explique les enjeux aux médecins et on les aide à participer aux mesures, mais sans jugement, sans qu’il y ait d’obligation. » Un GMF de l’Outaouais, par exemple, n’a pas voulu adhérer à l’inscription collective. « C’est correct. Il n’est pas nécessaire pour nous d’en connaître les raisons. Ce groupe apporte son aide d’une autre façon. »
Cette manière de procéder serait efficace. « Du fait que ce sont les médecins eux-mêmes qui forment le DRMG et qu’ils ne travaillent pas SOUS l’autorité des établissements, mais plutôt en cogestion avec ceux-ci, aucune autre structure administrative du réseau public ne peut mieux réussir à remplir le large mandat que la loi lui confie », indique la Table des DRMG dans son mémoire.
Les DRMG ont un rôle clé dans la gestion de la première ligne (encadré). Et ils obtiennent des résultats, font valoir les chefs de ces organismes. Les départements ont, par exemple, contribué à la mise en œuvre de projets clés comme les guichets d’accès à la première ligne, à la prise en charge collective de plus d’un demi-million de patients en moins d’un an et au déploiement provincial d’une ligne prioritaire pédiatrique. « On n’impose pas les mesures. On tente d’en discuter, de négocier. On essaie de prendre la meilleure décision pour obtenir la collaboration de tous les médecins », explique le Dr Guilbault.
Les dirigeants des DRMG proposent donc de conserver ce modèle, mais suggèrent une collaboration étroite avec la future agence Santé Québec. « Pour cette raison, les chefs de DRMG devraient être en lien de partenariat direct avec cette nouvelle entité, permettant de rehausser leur légitimité d’action auprès des partenaires du réseau, et ainsi leur capacité à faire avancer les différents projets d’accès dont ils sont maîtres d’œuvre ou partenaires de premier ordre », conclut leur mémoire. //
Selon la loi et les différentes ententes entre le MSSS et la FMOQ, les DRMG ont la responsabilité notamment :
• de proposer et de mettre à jour le plan régional d’organisation des soins de première ligne (PROS) ;
• de proposer et de gérer les plans régionaux d’effectifs médicaux (PREM) ;
• d'assurer les activités médicales particulières (AMP) afin de répondre aux besoins des secteurs de soins les plus vulnérables ;
• de s’assurer du respect et du bon fonctionnement du programme des groupes de médecine de famille (GMF, GMF-AR et GMF-U) ;
• de favoriser l’accès aux soins de première ligne en proposant, en mettant en œuvre et en améliorant des trajectoires de soins existantes ;
• de planifier la disponibilité des médecins de famille pour les réorientations des patients aux urgences ;
• de promouvoir et d'assurer le suivi et la surveillance des inscriptions collectives ;
• de gérer l’arrivée et le départ des médecins de la région, dont les médecins étrangers ;
• de coordonner le déploiement des GAP et des GAMF et d'assurer une cogestion médicale.
Tiré du mémoire de la Table provinciale des chefs de DRMF présenté à la commission de la santé et des services sociaux.