Les membres posent souvent des questions sur les attentes de la RAMQ. La façon dont ils les formulent laisse entendre qu’ils confondent les rôles de la RAMQ et des parties négociantes. Parfois, ils suggèrent de négocier avec la RAMQ pour modifier l’Entente. Le fait que la Fédération, le ministère et la RAMQ aient tous un rôle dans l’application de l’Entente contribue probablement à cette confusion. Traitons du sujet !
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
La RAMQ joue un rôle dans l’application des modalités convenues entre les parties négociantes (FMOQ et ministère de la Santé), car c’est elle qui reçoit la facturation des médecins et leur verse leurs honoraires. La loi n’en fait toutefois pas un simple organisme payeur. Elle prévoit aussi que la RAMQ doit s’assurer que la facturation est bien conforme à ce qui est énoncé dans l’Entente. C’est là que la confusion dans la perception des rôles est possible.
Ce sont les parties négociantes (FMOQ et ministère) qui fixent les modalités de l’Entente et les règles. Leurs objectifs spécifiques s’expriment parfois de façon imparfaite. Les parties ne précisent ainsi généralement pas leur but, mais décrivent plutôt un cadre qu’ils croient répondre à ces objectifs. Ou encore, elles définissent des services. Le médecin n’a pas à savoir ce que les parties négociantes avaient en tête, mais doit plutôt tenir compte de ce qu’elles ont indiqué.
Les négociations des libellés se font entre la FMOQ et le ministère, et non avec la RAMQ. |
Mis à part la lecture des textes et les échanges avec les collègues, les médecins ont trois formes de rétroaction de la RAMQ : les refus lors du traitement informatique, des récupérations à la suite de contrôles informatiques et les inspections. Les refus lors du traitement informatique peuvent découler d’une information manquante ou encore du non-respect des exigences administratives de la RAMQ ou des conditions énoncées. Les contrôles informatiques peuvent se faire en lot et toucher plusieurs médecins lorsque la RAMQ met en place un contrôle prévu depuis un certain temps ou lorsque l’analyse rétrospective de différentes situations montre qu’elle aurait dû envisager certains contrôles. Lors des inspections, c’est un médecin inspecteur de la RAMQ qui se prononcera sur la conformité de la facturation. C’est seulement dans le cadre d’une inspection que le médecin sera parfois appelé à fournir une copie de ses notes pour valider la conformité de sa facturation.
Les refus lors du traitement informatique sont monnaie courante. Toutefois, la programmation de la RAMQ est parfois erronée, par exemple en raison d’une modification à d’autres règles de validation qui provoque des conséquences imprévues sur une règle existante. Il ne faut donc pas toujours conclure qu’un nouveau refus découle d’un changement à l’Entente. Il ne s’agit, dans certains cas, que d’une erreur.
De telles erreurs sont généralement simples à faire corriger, mais encore faut-il que la Fédération en prenne connaissance et puisse les signaler à la RAMQ. D’autres fois, c’est la RAMQ qui s’en rend compte et qui apporte des correctifs sans nécessairement en aviser les médecins ni leurs agences de facturation. Normalement, lorsqu’il y a correction, la RAMQ révise les services antérieurs refusés par erreur.
Les erreurs de validation surviennent régulièrement, mais elles sont généralement simples à faire corriger : suffit d’en informer la Fédération ou la RAMQ. |
Lorsque la RAMQ met en place des contrôles informatiques, plusieurs médecins peuvent être touchés. Lorsque les enjeux sont importants, elle en parle souvent avec les parties négociantes, soit pour les informer, soit pour vérifier qu’elles sont d’accord avec la démarche proposée. Si cette dernière est conforme à ce que prévoit l’Entente et à ce que souhaitaient les parties, il faut alors surtout gérer l’effet de surprise pour les médecins. Si le constat soulève un enjeu d’interprétation de l’Entente ou que le résultat n’est pas celui que voulaient les parties négociantes au départ, ces dernières doivent en discuter. Si elles peuvent s’entendre, elles peuvent donner instruction à la RAMQ de corriger son interprétation, apporter une modification à l’Entente ou convenir d’autres correctifs.
Quant aux inspections, elles ne constituent pas un moyen de rétroaction efficace. Elles sont peu fréquentes, et certaines se règlent sans l’intervention d’un tiers (arbitre ou Fédération). Lorsque la RAMQ annonce son interprétation, la FMOQ peut en aviser ses membres afin qu’ils en tiennent compte. Néanmoins, il ne faut pas conclure que l’interprétation de la RAMQ est valable et y voir une règle incontournable. C’est autre chose lorsqu’une réclamation de la RAMQ fait l’objet d’une décision par un arbitre. Toutefois, de tels différends sont rares, et le délai entre les premiers échanges entre la RAMQ et un médecin et la décision définitive peuvent prendre quelques années, ce qui nuit à la diffusion de l’information.
La RAMQ peut aussi soumettre aux parties négociantes des éléments de l’Entente qui posent des problèmes d’application ou qui lui semblent ambigus. Parfois, des précisions doivent être apportées. Lorsque les parties négociantes sont en mesure de s’entendre, le texte est modifié en conséquence. D’autres fois, les parties peuvent avoir des perceptions différentes, et la question peut rester en suspens. Une telle situation peut survenir quand les parties négociantes ont une compréhension divergente du sens à donner au texte. Parfois, la compréhension était la même au départ, mais les attentes ont divergé dans le temps pour différentes raisons. Dans d’autres situations, lorsque des problèmes sont soulevés, les libellés sont tellement anciens qu’il n’est pas possible de déterminer ce que voulaient les parties au départ ni leurs attentes respectives.
Comment doit procéder la RAMQ qui est chargée d’appliquer l’Entente et de s’assurer que les services facturés y sont conformes ? Pour certains services, elle se fera une idée à la lecture des textes. Normalement, lorsqu’il s’agit d’un nouveau service, elle consulte les parties négociantes. Toutefois, certains services peuvent exister depuis plusieurs années. Au moment où ils ont été convenus, la technologie de traitement utilisée par la RAMQ pouvait à l’époque faire en sorte que cette dernière ne voyait pas d’enjeux dans l’application des modalités. Lorsque la technologie a changé (ex. : introduction de SYRA en 2003), de nouvelles modalités de contrôle sont devenues possibles. La RAMQ a alors dû définir les validations qu’elle appliquerait.
Un mécanisme est prévu à l’Entente pour trancher les interprétations divergentes : le différend. Un médecin qui fait l’objet d’une décision de la RAMQ ou d’une des parties fait alors appel à un arbitre qui tranchera la question après avoir entendu les représentations du médecin et de la RAMQ. Lorsque la Fédération intervient comme partie au différend, elle fera des représentations. Autrement, c’est comme témoin pour le médecin que la FMOQ peut être entendue, tout comme le ministère qui peut témoigner à la demande de la RAMQ. L’arbitre tranchera alors le fond de la question. Lorsque les parties négociantes ne sont pas d’accord avec la décision et qu’elles sont en mesure de s’entendre sur le résultat, elles peuvent toujours convenir de modifier le texte de l’Entente. À défaut, la décision de l’arbitre prévaut.
Lorsque les parties négociantes ne s’entendent pas sur le sens à donner à un texte conventionnel et que la Fédération ne partage pas la lecture de la RAMQ, il peut être nécessaire de placer un différend, c’est-à-dire de faire appel à un arbitre. |
Voyons donc quelques exemples de situations passées ou actuelles qui ont donné lieu à des problèmes d’application ou d’interprétation.
Lors de la rédaction de la lettre d’entente 368, les parties ont indiqué que les visites des patients en inscription collective ne devaient pas être comptabilisées pour l’atteinte du quota de six ou de douze patients donnant droit à la compensation des frais de cabinet. La RAMQ a donc exclu ces visites du décompte, autant celles des patients inscrits que non inscrits au service de consultation sans rendez-vous, où le quota est de dix ou vingt patients. La Fédération ne voyait aucune raison d’exclure cette clientèle du cumul des patients au service de consultation sans rendez-vous. Après s’être entendue avec le ministère, elle a demandé à la RAMQ de modifier ses règles de validation dans le contexte du service de consultation sans rendez-vous.
De longue date, l’Entente balise la rémunération des services entourant l’accouchement. Dans le préambule de l’onglet d’obstétrique, les services prénataux, ceux faisant partie de l’accouchement et ceux du post-partum sont définis, afin de spécifier quand le médecin doit réclamer des examens ou des visites et quand les services font partie de la rémunération forfaitaire de l’accouchement. C’est le début du travail qui définit les services compris dans la rémunération de l’accouchement. Or, le « travail » comporte différentes phases, plus particulièrement la phase de latence et celle du travail actif. La lecture de plusieurs médecins était que le début du travail correspondait au début du travail actif. S’ils devaient rendre des services durant la phase de latence, ils facturaient des visites ou des examens. En 2018, la RAMQ a pris position et a décrété que le début du travail est le début de la phase de latence, soit le moment où la patiente a des contractions régulières avec dilatation du col.
Le ministère était à l'aise avec une telle lecture, mais pas la Fédération, particulièrement parce que la phase de latence peut être longue et l’organisation du travail faire en sorte que plus d’un médecin peut assurer les suivis de la patiente en travail jusqu’à l’accouchement à proprement parler. Toutefois, depuis 2009, une forme de partage de la rémunération de l’accouchement qui permet à plus d’un médecin d’être rétribué lorsqu’il y a changement de responsabilité de la patiente durant le travail en raison de sa durée a vu le jour. Par conséquent, comme elle ne pouvait convenir d’une précision à la règle avec le ministère, la Fédération a préféré ne pas faire appel au différend et a encouragé les médecins à avoir recours au mécanisme de partage.
Il y a quelques années, la RAMQ a fait une vérification à grande échelle de la conformité de la facturation de l’examen d’urine avec microscopie. Elle a écrit à l’ensemble des médecins qui avaient facturé ce code pour leur demander s’ils avaient un microscope dans l’endroit ayant donné lieu à cette facturation. On peut supposer que la facturation de ce code est limitée. Force est de constater que le montant des honoraires est faible. Dans ce cas, la RAMQ semble s’en être tenue à un contrôle minimal qui ne cause pas de controverse. En effet, c’est difficile d’imaginer un examen microscopique sans microscope. Les parties négociantes n’ont pas été consultées et ne sont pas intervenues.
La notion d’accès adapté n’est pas définie dans l’Entente, mais la rémunération des services dans ce contexte est différente de celle d’un contexte de consultation sans rendez-vous, du moins quand il s’agit du médecin inscripteur du patient. La RAMQ a effectué une inspection auprès d’un médecin ayant un grand volume d’activité qui offre des services exclusivement à une clientèle inscrite. Toutefois, il ne donne pas de rendez-vous formels et s’arrange pour répondre à la demande lorsque les patients se présentent. La RAMQ a dû interpréter la notion d’accès adapté de manière à déterminer si ce médecin pouvait réclamer des visites de suivi ou devait réclamer des visites ponctuelles. La RAMQ a initialement interprété de façon restrictive les exigences de l’accès adapté. Une telle lecture risquant de nuire à l’accessibilité des soins pour les patients en ramenant les médecins à une pratique rigide sur la base de rendez-vous prévus plusieurs semaines d’avance, les parties négociantes ont fini par apporter une précision à l’Entente pour clarifier le fait qu’il faut avoir une lecture généreuse de ce que constitue l’accès adapté (on la trouve au Préambule général du Manuel de facturation, paragraphe 2.2.6 A b) ii)). Ces précisions guident autant les médecins que la RAMQ dans leur analyse des différentes situations possibles.
Plusieurs services sont payés selon leur durée. Les libellés varient concernant la définition de la durée. Certains prévoient que le médecin peut réclamer la dernière unité de temps même si elle est incomplète (anesthésie, traitement hyperbare), d’autres simplement une période de quinze minutes et certains autres spécifient que la durée est fonction de périodes complètes de quinze minutes. Ces trois libellés coexistent depuis plusieurs années. Il ne s’agit pas de libellés dont l’utilisation s’est succédé dans l’Entente.
Avant l’introduction de SYRA, les médecins facturaient des unités de temps, et la RAMQ les rétribuait sur cette base. Elle ne semble jamais avoir fait d’inspections pour vérifier que les durées réclamées étaient conformes. Avec l’apparition de SYRA, la RAMQ a voulu calculer la durée à partir des informations figurant sur la demande de paiement, soit l’heure de début et de fin du service. Elle a dû prendre position sur la façon de calculer la durée en fonction de ces informations, du moins quand le libellé ne précisait pas si la dernière période était payable même si elle était incomplète ou qu’il s’agissait d’une période complète de quinze minutes. La RAMQ a décidé que lorsqu’il n’était pas prévu que la période incomplète était payable, il fallait conclure que la période devait être complète. Essentiellement, la RAMQ a pris la position de toujours arrondir vers le bas, même s’il ne manquait qu’une ou deux minutes à la période d’un quart d’heure.
Une solution a été négociée pour un service, soit l’intervention clinique. Les parties négociantes se sont entendues sur un compromis et ont modifié le libellé en conséquence. Mais il reste plusieurs services rémunérés sur base de temps pour lesquels la question n’est pas réglée, car vous aurez compris que le ministère appuie la lecture de la RAMQ. Il y a plus de trois ans, la Fédération a proposé au ministère des approches pour régler la situation, mais les discussions n’ont pas évolué, la pandémie ayant été une grande distraction. En attendant la solution, la RAMQ applique son interprétation du texte.
Certains critères de vulnérabilité ont été modifiés en 2017 après des discussions entre les parties négociantes. Depuis, lors d’inspections, la RAMQ a pris position concernant ce qui doit être au dossier pour appuyer la codification de patients considérés comme vulnérables et la visite périodique du patient vulnérable, en particulier en cas de problèmes de santé mentale. Elle n’a pas eu de discussions avec la Fédération, bien qu’elle ait pu en parler avec les représentants du ministère. Différentes inspections où figurent ces questions évoluent présentement. Au moins une de ces questions fait l’objet d’un différend. Reste à voir comment l’arbitre tranchera.
Ce qui est particulièrement malheureux dans ces dossiers d’inspection, c’est que la RAMQ se limite fréquemment à prétendre que ce qui est au dossier ne répond pas à l’exigence du libellé, souvent sans exprimer clairement sa lecture de ces exigences. En plus de trancher le fond de la question, le différend constitue également une occasion de forcer la RAMQ à expliciter ses attentes, tant en ce qui a trait à la codification qu’à la visite périodique du patient vulnérable.
Bref, la Fédération négocie avec le ministère, et non la RAMQ. L’interprétation de l’Entente relève de la Fédération et du ministère. Toutefois, dans l’application de l’Entente au quotidien, la RAMQ peut devoir en faire l’interprétation aussi. En pareille situation, la Fédération peut parfois tenter de la convaincre que son interprétation est erronée. Néanmoins, en cas de divergence d’opinions avec la RAMQ, la voie la plus efficace pour résoudre la question est de convenir avec le ministère d’une compréhension commune. Les parties négociantes pourront alors indiquer à la RAMQ de modifier son application. Au besoin, les règles pourraient être changées. Lorsque les parties ne s’entendent pas, c’est le différend qui peut être utilisé pour trancher la question.
Et lorsqu’il s’agit d’erreurs de validation de la RAMQ, attirer l’attention de cette dernière suffit généralement pour corriger le problème et provoquer la révision des services refusés par erreur depuis la mise en place de la validation fautive.
En attendant que les parties négociantes s’entendent sur le sens à donner à un texte conventionnel, la RAMQ pourra devoir en faire l’interprétation afin d’être en mesure de valider la facturation des médecins. |
Espérons que ces explications vous aideront à mieux comprendre les rôles des parties négociantes et de la RAMQ dans l’application de l’Entente. À la prochaine ! //