le processus d’adoption en un clin d’œil
Le 29 mars 2023, le ministre de la Santé Christian Dubé, présentait, devant les membres de l’Assemblée nationale du Québec, le projet de loi 15 visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace. Ce projet de loi aura fait couler beaucoup d’encre. Mais comment un simple « projet de loi » devient-il une loi ? Voyons-y de plus près.
Me Pierre Belzile, avocat, est directeur du Service juridique de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
Au Québec, c’est l’Assemblée nationale qui adopte les lois. Les projets de loi qui y sont présentés appartiennent à l’une des deux catégories suivantes :
1. les projets de loi publics ;
2. les projets de loi privés.
Un projet de loi est dit public lorsqu’il a une portée d’intérêt général, collective. Un tel texte législatif peut avoir une influence sur tous les Québécois ou, à tout le moins, sur une grande partie de ces derniers. Pensons à la Loi sur l’assurance maladie, à la Loi sur la santé publique, à la Loi sur l’assurance médicaments, par exemple.
Lorsqu’un projet de loi public provient du gouvernement, il sera obligatoirement présenté par un ministre. C’est le cas du projet de loi no 15 du ministre de la Santé. Si un projet de loi public n’est pas présenté par le gouvernement, mais qu’il est plutôt issu de l’initiative d’un député, on parlera alors d’un projet de loi public de député.
Les projets de loi privés concernent des intérêts particuliers. En effet, l’adoption d’une loi particulière de faible portée peut parfois s’avérer nécessaire pour régler une question juridique liée à un lieu, à une région, à une ville, à une entreprise, etc. Par exemple, avec un projet de loi privé, une municipalité pourrait vouloir modifier le décret constitutif de la ville afin de changer la façon de gérer les séances du conseil municipal.
Les projets de loi privés sont présentés à l’Assemblée nationale par l’entremise d’un député.
Différentes étapes marquent le cheminement d’un projet de loi. Voici la route du projet de loi no 15 :
1. Présentation. Le ministre de la Santé, initiateur du projet de loi no 15, l’a déposé devant l’Assemblée nationale le 29 mars 2023.
2. Consultations en commission. Cette étape est optionnelle. Elle permet à la commission parlementaire chargée d’étudier le projet de loi d’inviter des groupes afin de connaître leur opinion sur le contenu. Le projet de loi est donc envoyé en commission parlementaire qui procédera à des consultations.
Dans le cas du projet de loi no 15, les députés membres de la commission de la santé et des services sociaux ont notamment entendu la FMOQ le 9 mai 2023.
3. Adoption du principe. À cette étape, les députés débattent à l’Assemblée de l’esprit et du principe du projet de loi.
4. Étude détaillée en commission parlementaire. Les députés membres de la commission saisie du projet de loi analysent chaque article du projet de loi et en discutent.
5. Prise en considération du rapport de la commission parlementaire. L’Assemblée nationale doit considérer les travaux de la commission parlementaire, puis adopter le rapport pour que le projet de loi passe à l’étape suivante.
6. Adoption du projet de loi. Cette étape est l’avant-dernière. C’est à cette étape que l’Assemblée nationale soumet le projet de loi au vote des députés, puis l’adopte si le vote est favorable.
7. Le bâillon. Il arrive parfois que le gouvernement veuille accélérer l’adoption d’un projet de loi par l’Assemblée nationale. Il a alors recours à une mesure exceptionnelle, communément appelée « bâillon », qui permet de limiter le temps consacré au débat, plus précisément le temps de parole des députés.
8. Sanction du projet de loi. La sanction royale de la loi par le lieutenant-gouverneur du Québec, qui se fait habituellement très rapidement, suit l’adoption finale. C’est la dernière étape. La sanction rend la loi officielle. La date d’entrée en vigueur peut cependant varier. La nouvelle loi peut entrer en vigueur le jour même de la sanction ou à un autre moment. Ces décisions appartiennent au gouvernement.
À l’occasion des étapes 4, 5 ou 6, le projet de loi peut être amendé, c’est-à-dire que certains des articles qui le composent peuvent être modifiés ou que de nouvelles dispositions peuvent y être introduites.
Au moment d’écrire ces lignes, le projet de loi no 15 sur l’efficacité du système de santé québécois n’avait pas encore franchi toutes les étapes.
Bien qu’elle ait été entendue en commission parlementaire lors des consultations publiques tenues en avril 2023, la FMOQ aurait souhaité être consultée en amont, bien avant la présentation du projet de loi. Les grands enjeux en cause au sujet des médecins de famille auraient mérité, selon elle, la tenue d’importantes discussions préalables. La FMOQ croit que les parties auraient tiré profit d’un tel exercice.
Espérons que le ministre de la Santé aura le souci d’écouter la FMOQ et de faire appel à son expertise pour la suite des choses. //