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Cancer de la prostate, oméga-3 et microbiote

Élyanthe Nord  |  2024-09-30

La consommation d’oméga-3 constituerait un atout contre le cancer de la prostate. Elle réduirait le risque d’apparition de la tumeur et, quand cette dernière est présente, sa progression. « On se rend compte que ces acides gras pourraient diminuer l’inflammation et l’angiogenèse, c’est-à-dire le développement de vaisseaux, un facteur d’agressivité ou protumoral », explique le Dr Vincent Fradet, chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec–Université Laval.

L’uro-oncologue, notamment directeur de l’étude multicentrique BioCaPPE regroupant plus de 2000 hommes ayant un risque élevé de cancer de la prostate, s’intéresse depuis longtemps au lien entre habitudes de vie et cancer de la prostate.

Alors qu’il faisait une surspécialité à l’Université de Californie à San Francisco vers 2007, le Dr Fradet a constaté, avec ses collaborateurs, qu’une augmentation de la consommation d’oméga-3 était fortement associée à une diminution de l’agressivité du cancer de la prostate. Son étude, comprenant 466 hommes atteints d’une tumeur agressive et 478 témoins, montrait en outre que les participants ayant un gène les prédisposant à un cancer agressif échappaient à ce risque s’ils avaient un apport substantiel en oméga-31.

Par la suite, de retour au Québec, le chercheur fut le premier à étudier les acides gras du tissu prostatique auprès d’hommes atteints d’un cancer de la prostate à faible risque sous surveillance active. Il a découvert, avec son équipe, que les patients dont le tissu prostatique comportait la plus grande concentration d’oméga-3 (grâce à leur alimentation) avaient un risque beaucoup moins important d’avoir une tumeur qui progressait que ceux dont le taux de cet acide gras était plus faible2,3.

Les chercheurs ont également approfondi certaines questions. Par exemple, quel est l’oméga-3 le plus protecteur ? Le DHA (acide docosahexaénoïque) ou l’EPA (acide eicosapentaénoïque) ? « Il semblerait que ce soit surtout l’EPA qui soit important dans le cancer de la prostate », affirme l’expert.

Un nouvel intermédiaire : le microbiote

Un nouvel acteur pourrait par ailleurs intervenir dans l’interaction entre les oméga-3 et le cancer de la prostate : le microbiote intestinal. Le Dr Fradet et son équipe, qui viennent tout juste de publier leurs données dans Nature Communications, ont notamment fait un essai clinique à répartition aléatoire dans lequel 41 hommes ont pris pendant sept semaines soit un placebo, soit des suppléments d’EPA, avant de subir une prostatectomie4.

Quels ont été les résultats au moment de l’ablation de la prostate ? « On s’est rendu compte que le microbiote intestinal des hommes qui avaient consommé des oméga-3 présentait des changements significatifs qui étaient associés à une réduction de l’agressivité tumorale », indique le spécialiste. La prise des suppléments paraissait liée à une diminution de la présence de Ruminococcaceæ et à une modification de la concentration de butyrate, un acide gras à courte chaîne produit par les bactéries intestinales qui a un effet immunomodulateur et possiblement antitumoral.

Ce type de constat pourrait potentiellement s’étendre à l’ensemble des habitudes de vie. On sait déjà que le mode de vie change la flore intestinale. « Le microbiote pourrait être un médiateur. On pense que l’on est en train de découvrir un nouveau mécanisme d’action qui lie les habitudes de vie à l’agressivité du cancer », précise avec enthousiasme le chercheur.

Et rien n’empêche, sur cette base, d’espérer de nouveaux traitements. « Certaines de nos données semblent indiquer que des interventions spécifiques avec des oméga-3 pourraient réduire l’agressivité du cancer. Les essais cliniques pourraient démarrer au cours des prochaines années. »

bibliographie

1. Fradet V Cheng I, Casey G et coll. Dietary omega-3 fatty acids, cyclooxygenase-2 genetic variation, and aggressive prostate cancer risk. Clin Cancer Res 2009 ; 15 (7) : 2559-66. DOI : 10.1158/1078-0432.CCR-08-2503.

2. Moreel X, Allaire J, Léger C et coll. Prostatic and dietary omega-3 fatty acids and prostate cancer progression during active surveillance. Cancer Prev Res 2014 ; 7 (7) : 766-76. DOI : 10.1158/1940-6207.CAPR-13-0349.

3. Moussa H, Nguile-Makao M, Robitaille K et coll. Omega-3 fatty acids survey in men under active surveillance for prostate cancer: from intake to prostate tissue level. Nutrients 2019 ; 11 (7) : 1616. DOI : 10.3390/nu11071616.

4. Lachance G, Robitaille K, Laaraj J et coll. The gut microbiome-prostate cancer crosstalk is modulated by dietary polyunsaturated long-chain fatty acids. Nat Commun 2024 ; 15 (1) : 3431-45. DOI : 10.1038/s41467-024-45332-w.