En fin... la facturation

Cartes échues, délais de carence et personnes non assurées–I

Michel Desrosiers  |  2024-10-01

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Le retour à la normale après la pandémie a été dur. Tout était plus simple durant la pandémie, car la RAMQ payait les services rendus à des patients admissibles qui ne pouvaient pas renouveler leur carte d’assurance maladie, voire à des patients non admissibles souffrant de la COVID-19. Néanmoins, la Loi sur l’assurance maladie n’a pas changé. Par conséquent, la RAMQ applique de nouveau les exigences de la loi, ce qui occasionne parfois des refus ou des problèmes. Revoyons le résultat.

La règle générale est simple : pour obtenir des services médicalement requis dont le coût est assumé par la RAMQ, la personne doit présenter une carte valide lors de la prestation des services et doit être admissible au régime d’assurance maladie du Québec. Pour la vaste majorité des patients, ces exigences ne posent pas de problème. Mais il y a des exceptions, et c’est surtout des situations de non-paiement qui en découlent dont les médecins se souviennent.

Les médecins ont l’impression que la RAMQ a resserré les règles depuis la fin de la pandémie. Des nuances s’imposent par rapport aux informations véhiculées dans un article précédent (En fin la facturation, mai 2023) concernant ce qui est payé en situation d’urgence et ce qui l’est lorsqu’une personne présente une carte échue. Faisons donc le tour des situations possibles.

Personne manifestement non admissible (touriste, sans papiers, etc.)

Les personnes qui ne sont pas admissibles à la couverture de la RAMQ doivent payer les services qu’elles reçoivent, qu’il s’agisse d’une situation d’urgence ou de soins non urgents. Parmi ces personnes, on trouve des résidentes d’autres pays qui entrent au Canada comme touristes pour accoucher et ainsi s’assurer que leur enfant à naître obtienne la citoyenneté canadienne. Les soins à la future mère et les honoraires de l’accouchement sont à leurs frais, bien que l’accouchement soit une intervention urgente.

Pour les soins à l’enfant né au Québec, il y a une présomption d’admissibilité durant les 45 jours suivant la naissance. Par la suite, les parents devront inscrire l’enfant à la RAMQ et, subséquemment, démontrer qu’il a été présent au Québec plus de six mois dans l’année qui suit son inscription. Nous en avons parlé dans l’article évoqué précédemment.

Pour les personnes manifestement non admissibles, au moins la situation a le mérite d’être simple. On sait à quoi s’attendre. La RAMQ ne couvrira pas les soins d’urgence. Comme ces personnes n’ont pas de carte d’assurance maladie, il n’est pas question de carte échue.

Demandeurs d’asile

Les demandeurs d’asile ne sont ni des résidents temporaires ni des résidents permanents aux yeux du gouvernement fédéral. Ils sont toutefois couverts par le Programme fédéral de santé intérimaire, soit le programme de couverture temporaire du gouvernement fédéral administré par la Croix Bleue. Normalement, ces personnes ont une attestation des autorités d’immigration, et il est possible de vérifier en ligne, auprès de la Croix Bleue Medavie (https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/services/refugies/aide-partir-canada/soins-sante/professionnels.html), s’ils béné­ficient toujours de la couverture du programme. Une telle démarche est prudente, car la couverture peut être différente de la période de validité indiquée sur l’attestation.

La facturation à la Croix Bleue est plus compliquée que celle à la RAMQ (il faut s’inscrire comme fournisseur, les versements ne sont pas aussi rapides qu’avec la RAMQ, etc.), mais au moins les médecins qui fournissent des soins sont rémunérés. Lors de l’inscription auprès de la Croix Bleue, le médecin s’engage à facturer selon les tarifs de la RAMQ.

Les réfugiés ne sont pas dans la même situation, car ils béné­ficient de l’assurance maladie dès leur arrivée au Québec.

Personne qui vient d’immigrer au Québec

En plus des demandeurs d’asile, plusieurs personnes immigrent au Québec. Sauf de rares exceptions, elles sont sujettes à un « délai de carence » de trois mois, période durant laquelle elles ne sont pas admissibles à la couverture de la RAMQ. Il y a deux exceptions : certains groupes sont exemptés du délai de carence pour des raisons humanitaires (comme les ressortissants de l’Ukraine en 2022 ; le site de la RAMQ en faisait état à l’époque) et certains services sont quand même payés durant le délai de carence (encadré). Ces exceptions sont spécifiques. Les soins urgents non énumérés ne sont pas couverts.

Les codes réclamés ou le diagnostic ne permettent pas à la RAMQ de déduire qu’il s’agit d’une situation visée. Lors de la création de la facture, il faut donc indiquer qu’elle est liée à une personne soumise à un délai de carence et préciser la situation qui entraîne la couverture de la personne. Nous verrons sous peu comment le faire.

C’est donc dire qu’en situation d’urgence le médecin pourrait se voir refuser le paiement de ses honoraires par la RAMQ si la personne n’est pas admissible ou qu’elle est dans la période du délai de carence.

Mais comment savoir si une personne est admissible ?

D’abord, il est possible de vérifier l’admissibilité d’un titulaire d’une carte d’assurance maladie sur le site de la RAMQ. Ce service est accessible 24 heures sur 24, sept jours sur sept, mais il faut disposer du numéro d’assurance maladie de la personne. Les professionnels y ont accès ainsi que le personnel administratif ou des établissements. En effet, le directeur général, le directeur des services professionnels ou un médecin (en établissement ou en cabinet) peut demander l’accès au service en ligne Vérification de l’admissibilité pour son personnel administratif. La consultation se fait en temps réel. La réponse est donc immédiate. La personne qui fait l’objet d’un délai de carence est indiquée comme non admissible. Nous verrons sous peu qu’elle doit disposer d’un document de la RAMQ qui lui attribue un numéro d’assurance maladie et qui confirme qu’elle est en période de délai de carence.

En situation d’urgence, le médecin pourrait se voir refuser le paiement de ses honoraires par la RAMQ du fait que la personne n’est pas admissible ou qu’elle est dans la période du délai de carence.

Pour les personnes qui n’ont pas encore de carte d’assurance maladie, le service en ligne n’est pas utile, car elles n’ont pas de numéro. La RAMQ émet plutôt une lettre de décision confirmant l’admissibilité au régime d’une personne soumise au délai de carence. Cette lettre contient le numéro d’assu­rance maladie, la date de début de l’admissibilité et la période du délai de carence. À la fin du délai, la personne recevra une carte d’assurance maladie. Si elle n’a toujours pas reçu sa carte à la fin du délai de carence, elle peut demander à la RAMQ, durant les heures ouvrables, de lui télécopier une confir­mation d’inscription (formulaire TT-19) à l’urgence ou au cabinet où elle cherche à obtenir des soins.

Dans les situations d’exception décrites à l’encadré, les médecins peuvent facturer les soins à la RAMQ et être payés. Ils doivent indiquer sur leur facture que la personne est soumise à un délai de carence et décrire l’exception qui s’applique. Pour ce faire, lors de la création de la facture, sous la section réservée au numéro d’assurance maladie, il y a une section nommée « Situation de délai de carence ». Dans le menu déroulant, le médecin peut choisir une des situations d’exception visées. À défaut de le faire ou d’être dans une des situations décrites, sa facturation sera refusée avec la mention que la personne est soumise à un délai de carence (message explicatif 1013).

Si la personne présente la lettre de décision de la RAMQ, la période du délai de carence est indiquée. Si une personne présente une carte qui n’est pas échue, le médecin peut généralement s’y fier et compter être payé. La personne n’est alors pas dans la période du délai de carence. Si jamais vous subissiez des refus dans une telle situation, communiquez avec la Direction des affaires professionnelles.

Si une personne présente une carte qui n’est pas échue, le médecin peut généralement s’y fier et compter être payé. La personne ne sera alors pas dans la période du délai de carence.

Pour l’instant, ce qui est important est de retenir que, durant le délai de carence, la RAMQ ne paiera que les soins d’exception. Les soins urgents non visés par une exception ne le seront pas. La personne doit donc payer tous les autres services ou détenir une assurance couvrant les services durant cette période.

Ça devrait suffire pour le délai de carence. Nous reviendrons à certaines situations particulières le mois prochain. D’ici là, bonne facturation !