Éditorial

Construire sur des bases plus solides

Marc-André Amyot  |  2024-09-18


Les défis liés à l’accès aux soins et à la valorisation de la médecine de famille sont nombreux et grands, nous en convenons tous. Toutefois, lors des travaux avec les partenaires du réseau, les discussions semblent parfois teintées de fausses perceptions. Dans le but de solidifier les bases de ces interactions, nous avons présenté le 17 septembre à l’Assemblée nationale du Québec un « bilan de la médecine de famille ». Cet exercice, que l’on souhaite tenir une fois par année, se voulait le plus éclairant, collaboratif et constructif possible.

En effet, au cours des derniers mois, nous avons constaté que des représentants du ministère de la Santé utilisaient notamment des données erronées provenant d’une source parapublique canadienne de référence. Par exemple, cet organisme surévalue d’environ 1300 le nombre de médecins de famille présentement en activité au Québec. On peut facilement entrevoir les biais que ce chiffre inexact introduit dans les échanges avec le ministère, particulièrement dans un contexte de grave pénurie.

Mythes et réalités

L’un des mythes que nous attaquons de front est celui selon lequel les médecins de famille ne travaillent pas suffisamment, voire qu’il y aurait trop de « temps partiel ». Si l’on considère l’ensemble des facturants de la dernière année, 22 % d’entre eux ont travaillé moins de 150 jours, ce qui apparaît élevé. La réalité est toutefois tout autre. En effet, cette donnée chute à moins de 3 % lorsque l’on soustrait les médecins qui sont entrés en pratique ou se sont retirés en cours d’année, les médecins d’urgence, les médecins dépanneurs, les médecins en congé de maternité ou en absence prolongée et ceux de 60 ans et plus.

Et c’est sans compter que le travail médico-administratif, représentant environ le quart du temps de pratique, n’est ni comptabilisé ni reconnu !

Par ailleurs, lors d’un passage récent en commission parlementaire, j’ai fait remarquer aux députés que le calendrier de l’Assemblée nationale ne comptait que 115 jours officiels d’activités, sans soustraire les absences et les départs anticipés. Malgré tout, connaissant l’engagement dont ils font preuve envers leurs concitoyens, jamais nous n’affirmerions qu’ils travaillent trop peu ou à temps partiel sans demander d’explication supplémentaire. Ce serait prendre un raccourci malhonnête.

Un autre mythe qui ressurgit régulièrement est celui selon lequel les médecins de famille ne feraient que du suivi de patients en cabinet et, donc, par extension, seraient en nombre suffisant pour combler tous les besoins de la première ligne. Bien évidemment, le suivi longitudinal est au cœur de la pratique et doit toujours demeurer prioritaire. Toutefois, l’une des caractéristiques et des forces du système québécois est qu’une forte proportion des médecins de famille ont une pratique polyvalente et sont également essentiels à la deuxième ligne.

Dans les faits, près de 60 % des effectifs pratiquent en établissement (malade hospitalisé, urgence, soins intensifs, gériatrie, psychiatrie, soins de fin de vie), soit exclusivement, soit partiellement.

Qui plus est, la moitié des médecins de famille font de l’enseignement, 15 % prodiguent des soins de longue durée, d’autres pratiquent en périnatalité, en santé publique, en toxicomanie, en réadaptation, etc. Cette polyvalence est d’autant plus vitale dans les régions où le territoire est vaste et où les médecins spécialistes sont moins présents.

Accord-cadre et valorisation

Le début des discussions sur le renouvellement de l’accord-cadre entre le gouvernement du Québec et les médecins de famille auront des répercussions majeures. Nous devons donc aller au-delà des perceptions et des mythes sur tous les plans.

À l’instar de l’inscription collective, de la pertinence des consultations et du travail interprofessionnel systématique, qui ont permis d’accroître significativement l’accessibilité, nous souhaitons continuer à innover et à proposer des solutions durables aux côtés des partenaires du réseau.

Ensemble, construisons l’avenir sur des bases plus solides afin d’améliorer les conditions de pratique des médecins de famille, la valorisation de la profession et l’accès de la population aux soins.

 

Le 18 septembre 2024

Marc-André Amyot

Président de la FMOQ,
Dr Marc-André Amyot