Nouvelles syndicales et professionnelles

Hormonothérapie et ménopause

Nouveaux outils créés par l’INESSS

Élyanthe Nord  |  2024-09-23

Les hormones bio-identiques présentent-elles moins de risques que les hormones classiques pour les femmes ménopausées ? Peuvent-elles être prises après 60 ans ? Quelles sont les meilleures pratiques pour l’amorce et le suivi de l’hormonothérapie générale ?

L’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) aborde notamment ces questions dans son nouveau rapport intitulé : Prise en charge des manifestations cliniques liées à la ménopause par l’hormonothérapie. Ses experts ont également conçu deux outils pour les cliniciens : une aide à la prise en charge et un tableau sur les avantages et les risques des différentes formes d’hormonothérapie. Un travail énorme, qui a demandé deux ans de travail, et qui repose sur une imposante revue de littérature et de nombreuses consultations d’experts, dont des médecins de famille.

Outil sur les avantages et les risques

GCyr

L’un des outils de l’INESSS est fascinant : un tableau présentant les avantages et les risques de l’hormonothérapie. Sur la colonne de gauche se trouvent ceux des hormones bio-identiques et sur celle de droite ceux des hormones classiques. On peut ainsi comparer les effets associés aux deux types d’hormones : bouffées de chaleur, cancer du sein, symptômes dépressifs, diabète, etc. Après chaque donnée, le niveau de preuves est indiqué.

Un constat finit par émerger : l’hormonothérapie bio-identique par voie transdermique pourrait être la formule la plus sûre. « Dans notre revue systématique de la littérature, on n’a généralement pas vu de risque ressortir pour ce type de traitement. Il n’y a globalement que des effets positifs ou une absence de risque, mais les niveaux de preuves sont faibles ou très faibles. On reste donc prudent », affirme Mme Geneviève Duplain Cyr, l’un des auteurs principaux du guide et pro­fessionnelle scientifique à la Direction de l’évaluation et de la pertinence des modes d’intervention en santé de l’INESSS.

Parmi les hormones bio-identiques, celles qui sont absorbées par voie transdermique offrent un intérêt indéniable : la réduction du risque thrombo-embolique et cardiovasculaire. « Contrairement aux hormones par voie orale, les hormones par voie transdermique se rendent directement aux organes. Elles ne sont donc pas transformées dans le foie et n’entraînent pas une augmentation de la synthèse des facteurs de coagulation », explique Mme Duplain Cyr, également pharmacienne.

Les hormones transdermiques présentent par ailleurs un autre avantage : elles ne sont associées à aucune hausse des maladies de la vésicule biliaire. À l’opposé, les hormones bio-identiques prises par voie orale sont liées à un accroissement de 14 cas de cholécystectomie sur 1000 femmes traitées et les hormones classiques à une augmentation de 10 nouveaux cas. « Le niveau de preuves est relativement élevé », précise l’experte de l’INESSS.

Un effet protecteur contre le cancer ?

GCyr

Qu’en est-il du cancer ? Les hormones bio-identiques mar­quent peut-être dans ce domaine aussi quelques points. Mais un autre facteur entre en jeu : l’âge. Les hormones bio-identiques (par voie transdermique ou orale) pourraient protéger les femmes plus jeunes du cancer du sein et de l’ovaire. Ainsi, on voit chez celles qui commencent les hormones combinées bio-identiques avant l’âge de 60 ans, 7 cas de moins du cancer du sein sur 1000 femmes traitées par rapport à l’absence d’hormonothérapie. Le niveau de preuves est toutefois très faible.

Les hormones classiques pourraient-elles, elles aussi, être protectrices avant la soixantaine ? « On le verrait probablement également, mais on n’a pas les résultats pour les tranches d’âge telles qu’on les a définies dans nos travaux », indique Mme Duplain Cyr. Pour ces analyses précises, elle et son équipe n’ont pas utilisé les études qui, comme l’essai WHI, acceptaient dans chaque groupe d’âge les participantes qui avaient recouru aux hormones auparavant.

Et quels sont les risques après 60 ans ? Il y aurait 8 cas de plus de cancer du sein pour 1000 femmes ayant amorcé les hormones bio-identiques combinées dans la soixantaine par rapport à l’absence d’hormonothérapie. Le nombre monte à 19 à partir de 70 ans. Mais le niveau de preuves est très faible. Par ailleurs, pour l’hormonothérapie combinée classique, il y aurait, tous âges confondus, 9 cas additionnels pour 1000 utilisatrices. Le niveau de preuves est, dans ce cas-ci, modéré.

Faut-il donc éviter de prescrire l’hormonothérapie aux patientes de plus de 60 ans ? « Nous voulions voir sur quelles bases scientifiques s’appuyaient ces recommandations et nous n’avons pas trouvé grand-chose lorsque nous avons regardé les données sur les hormones dites bio-identiques ou classiques séparément. C’est surtout pour le cancer de l’ovaire et du sein qu’il y a peut-être une augmentation du risque, mais les niveaux de preuves restent faibles ou très faibles », résume Mme Duplain Cyr.

Le tableau de l’INESSS se penche en tout sur plus d’une vingtaine d’effets liés aux différentes hormones. Un outil qui se veut pratique. « On souhaitait que les médecins disposent de données pour faire face aux attentes des patientes. Si une femme arrive dans mon cabinet et me dit : Je suis stressée et irritable. Je veux des hormones”, je peux me référer à ce tableau pour discuter avec elle du peu de données scientifiques concernant le soulagement de ces symptômes », explique la Dre Isabelle Samson, médecin de famille et directrice médicale de l’évaluation et du soutien à l’amélioration des pratiques pour la première ligne et les services de proximité à l’INESSS.

GCyr

Outil d’aide à la prise en charge

Le second outil de l’INESSS est un document sur la prise en charge des symptômes de la ménopause par l’hormonothérapie. D’entrée de jeu, il indique que cette phase de la vie ne nécessite pas systématiquement un traitement. « C’est un outil que l’on utilise à partir du moment où c’est vers l’hormonothérapie que l’on se dirige. Les manifestations cliniques liées à la ménopause peuvent être traitées de plusieurs autres façons que nous n’abordons pas dans ce document », prévient Mme Duplain Cyr.

L’outil fournit d’abord des informations sur l’évaluation clinique. « Il permet non seulement de bien évaluer l’état ménopausique, mais aussi tous les symptômes, pas seulement les bouffées de chaleur et les sueurs nocturnes. Il peut être rassurant pour la patiente de savoir que ses troubles du sommeil ou ses douleurs articulaires peuvent être attribuables aux changements hormonaux », estime la Dre Catherine Bouchard, omnipraticienne et membre du comité d’experts sur l’hormonothérapie de l’INESSS. L’outil réserve par ailleurs un rôle important à la patiente. Ses valeurs et ses préférences seront essentielles dans la prise de décision.

Un élément central de l’outil est l’algorithme d’amorce de la prise d’hormones. Il indique notamment les antécédents et les maladies concomitantes à vérifier, les cas où il faut envisager une formule transdermique et ceux où il serait utile de consulter. « En présence de certains antécédents, le guide conseille de poursuivre la discussion avec un spécialiste ou un collègue expérimenté pour bien évaluer le risque thrombo-embolique ou oncologique. Cet outil permet d’être vraiment bien guidé », dit la médecin de famille qui pratique à la Clinique médicale de Sillery, à Québec.

Un tableau permet également de comparer les doses, les posologies et les particularités des différentes préparations d’hormonothérapie. « On se rend compte qu’une pression de 17-estradiol en gel transdermique de 0,06 % se situe à cheval entre les doses faible et standard, et deux pressions entre les doses standard et élevée. Cela permet de bien se situer lorsque l’on fait une substitution pour un timbre ou un comprimé. »

En ce qui concerne les progestatifs, leur dose peut être accrue si l’on recourt à une dose élevée d’œstrogènes. L’outil indique par exemple, à partir de l’expérience des experts du groupe de travail, que la dose de progestérone micronisée peut être augmentée à 200 mg par jour en continu ou à 300 mg pendant 14 jours.

Le guide présente également des données utiles concer­nant le suivi et l’arrêt de l’hormonothérapie. « Fait intéressant, il n’y a pas de durée maximale de traitement. Si la patiente a plus de 65 ans ou prend des hormones depuis plus de dix ans, on peut tenter un arrêt, mais aussi diminuer la dose ou tout simplement poursuivre l’hormo­nothérapie si les symptômes persistent et réduisent sa qualité de vie », dit la Dre Bouchard.

L’outil comporte, en outre, des annexes sur des sujets comme le syndrome génito-urinaire, le dosage des hormones sériques et des algorithmes sur les effets indésirables de l’hormonothérapie générale ou les saignements utérins intermittents imprévus. « Cet outil est un excellent document de référence qui offre des informations pour guider le clinicien », résume l’omnipraticienne.

Feuillet d’information pour les patientes

L’INESSS a conçu un feuillet d’information pour les patientes. Il explique ce qu’est la ménopause, les symptômes pour lesquels l’hormonothérapie peut être efficace ainsi que les risques et les bienfaits des hormones bio-identiques et classiques (https://bit.ly/3z9Ed3y)