Nouvelles syndicales et professionnelles

Conseil de la FMOQ

Précisions sur l’amélioration du modèle d’organisation des soins

Élyanthe Nord  |  2024-10-15

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Le modèle d’organisation des soins de première ligne auquel la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) est en train de réfléchir suscite beaucoup de commentaires et de réactions parmi les médecins. Certains se demandent même pourquoi s’engager dans une telle avenue.

« Voulez-vous vraiment que le gouvernement organise seul les services de première ligne ? Si on laisse cette tâche à l’État, le modèle risque de ne pas être adapté à votre réalité, a souligné le Dr Marc‑André Amyot, président de la FMOQ, au conseil du 5 octobre dernier. Pour nous, il est essentiel que le modèle d’organisation tienne compte de ce que vous vivez. Il est donc important pour la Fédération de recueillir vos commentaires. »

Le président a par ailleurs tenu à préciser plusieurs points. Ainsi, le suivi longitudinal resterait un élément clé dans le modèle à venir. « Au fil des ans, les médecins nous ont dit que l’inscription individuelle était lourde et contraignante. Nous avons tenté de revoir cette façon de procéder. Il n’a cependant jamais été question de mettre fin au suivi longitudinal, à cette relation si importante qui existe entre le médecin et son patient. »

Le modèle à venir reposerait aussi sur la responsabilité populationnelle. Or, cette dernière ne doit pas uniquement incomber aux médecins de famille. « Elle doit être partagée avec les autres professionnels de la santé : les pharmaciens, les optométristes, etc. Avec les pouvoirs supplémentaires viennent des responsabilités supplémentaires », a indiqué le Dr Amyot. Les médecins de famille, eux, ne devraient être responsables que des soins qui relèvent de leur expertise.

Le modèle de soins est en pleine construction. Rien n’a encore été arrêté, rien n’est définitif, a souligné le président. Des discussions — et seulement des discussions — ont cependant été entamées avec le ministère de la Santé. « On s’est entendus sur les grands principes. »

Grands principes de l’éventuel modèle

Les travaux de M. Jean-Louis  Denis, professeur à l’Université de Toronto, ont servi à déterminer les grands principes d’un éventuel modèle d’organisation de la première ligne. Le chercheur a montré que les systèmes de santé les plus performants dans le monde présentent certaines caractéristiques :

1) le travail collaboratif ;

Le modèle des GMF repose déjà sur l’interdisciplinarité. C’est une bonne base, mais il faut aller plus loin, estime le Dr Amyot.

2)  l’intégration des soins ;

L’intégration des soins va au-delà de la transmission d’informations entre les différents professionnels de la santé. « Il faut s’assurer qu’il y ait une complémentarité, et non un dédoublement des services donnés aux patients », a mentionné le président. L’intégration des soins est, en outre, multidimensionnelle. « Elle inclut également l’accès aux plateaux techniques, diagnostiques et thérapeutiques ainsi qu’à la deuxième ligne. L’intégration des soins signifie aussi l’intégration des spécialistes. »

3)  la gouvernance ;

La gouvernance est un élément essentiel. « Qui va décider de l’intégration des soins avec les optométristes, les physiothérapeutes, les ergothérapeutes et les autres professionnels de la santé ? Il faut une gouvernance de proximité. Comment sera-t-elle définie ? On ne le sait pas encore. La FMOQ veut en discuter avec vous. »

L’objectif d’un modèle renouvelé d’organisation de la première ligne est avant toute chose d’améliorer l’accès aux soins pour la population, mais sans exiger davantage des omnipraticiens. « Je sais que vous en avez énormément sur les épaules. Comment peut-on travailler de façon optimale ? Comment peut-on mieux intégrer les soins, tout en valorisant la profession et le suivi longitudinal des patients, qui est extrêmement important pour avoir du plaisir à exercer et pour rendre la médecine familiale attrayante pour les étudiants ? »

La rétribution des médecins de famille dans ce nouveau modèle ? La question est encore loin. Il faut attendre que le projet soit plus avancé. La rémunération sera tributaire de l’éventuel modèle.

Rétablir les faits

Le 17 septembre dernier, la FMOQ a tenu une conférence de presse à Québec. Elle compte dorénavant en organiser une chaque année à la rentrée parlementaire pour faire le point avec les médias et le public sur la médecine familiale.

« Cette année, nous voulions rectifier certains faits. Plusieurs données inexactes concernant les médecins de famille ont été utilisées par différentes organisations et par le gouvernement », a expliqué le Dr Amyot au conseil.

Ces statistiques, qui proviennent de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), déforment le portrait de la médecine familiale au Québec. Notamment, elles surévaluent le nombre de médecins de famille au Québec ainsi que leur rémunération.

« Nous avons écrit à l’ICIS en novembre 2023 pour leur faire part d’inexactitudes importantes », a indiqué le président. Dans sa réponse écrite, l’Institut a proposé une rencontre « pour passer chaque problème en revue et discuter de solutions qui procureront une meilleure représentation du milieu médical québécois. »

De telles statistiques inexactes peuvent avoir des répercussions sur la planification des ressources, l’image des médecins de famille, mais aussi sur le renouvellement de l’accord-cadre. « Nous avons clairement indiqué à l’équipe gouvernementale que nous allions être intransigeants concernant l’exactitude des données, tant à la table de négociation que dans les déclarations publiques. Nous leur avons dit : Quand vous faites des affirmations, vous devez les prouver et les appuyer par des chiffres ».

Le président a par ailleurs présenté à la conférence de presse des données pour rectifier l’impression parfois véhiculée que les omnipraticiens ne travaillent pas suffisamment. Il n’y aurait en fait que 5,6 % des médecins de famille qui pratiqueraient moins de 175 jours par année, une fois qu’ont été éliminés des statistiques les omnipraticiens plus âgés, les médecins en congé de maternité ou de maladie, les résidents qui passent en pratique active en cours d’année, etc.

« On voulait vraiment corriger auprès du public cette fausse perception que le problème de l’accès aux soins au Québec viendrait du fait que certains médecins de famille ne travaillaient pas suffisamment », a affirmé au conseil le Dr Amyot.

Les journalistes et le public ignorent également souvent la multitude de milieux dans lesquels les omnipraticiens exercent. « Ils ne savent pas que 34 % des activités des médecins de famille ont lieu en deuxième ligne. Même vos patients l’ignorent. Quand vous revenez après avoir pratiqué une semaine à l’hôpital, certains vous demandent : Vous étiez en vacances la semaine dernière, docteur ? Ils ne savent donc pas que vous exercez dans d’autres milieux. Toutes les occasions sont bonnes pour le mentionner et le rappeler. »

La conférence de presse a constitué un exercice important pour la fédération. « Si on veut avoir le bon plan de traitement aux problèmes d’accès aux soins au Québec, il faut s’entendre sur le bon diagnostic. Et pour y arriver, il faut partir des bonnes données. »

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