Nouvelles syndicales et professionnelles

La réalité derrière les véritables statistiques

une situation préoccupante

Élyanthe Nord  |  2024-10-24

En 2021, le Québec comptait 9952 médecins de famille. La FMOQ, la Régie de l’assurance maladie du Québec et l’Assemblée nationale ont toutes des chiffres semblables, tout comme elles s’accordent sur le revenu des omnipraticiens. Seul l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) présente des données discordantes : il estime le nombre d’omnipraticiens à 11 334 et surévalue leur revenu brut avec l’une de ses méthodes de calcul.

Les chiffres de l’ICIS, dont se sert le gouvernement provincial, dressent ainsi un portrait bancal de la situation : le nombre de médecins de famille au Québec y est surestimé de 1300 et leurs revenus seraient de 17 % supérieurs à celui de leurs collègues ontariens, selon l’une des méthodes d’évaluation de l’Institut. Or, ces données sont erronées. L’ICIS lui-même le reconnaît et va collaborer notamment avec la Fédération pour parvenir à des statistiques plus exactes.

Réalité préoccupante

Les véritables chiffres, eux, cachent une réalité inquiétante : la diminution du nombre de médecins de famille au Québec. Depuis deux ans, chaque année, les effectifs baissent. Il y a ainsi actuellement 65 omnipraticiens de moins qu’en 2020-2021.

DDaoust

Pourquoi ? « Plus de médecins âgés partent à la retraite. Depuis la pandémie, une accélération s’est produite. Elle risque de continuer, parce que 22 % de nos médecins ont au moins 60 ans et d’autres, plus jeunes, quittent prématurément la pratique. L’arrivée des jeunes dans le système public ne compense pas ces départs », explique la Dre Danielle Daoust, directrice des Affaires économiques à la FMOQ.

Le départ des médecins expérimentés pénalise particulièrement la première ligne. Environ 70 % de la pratique des cliniciens de 60 ans et plus est consacrée à ce secteur. Même à 70 ans, de nombreux omnipraticiens exercent encore et ont une large clientèle. Ceux de 70 à 74 ans, par exemple, dédient 75 % de leur travail au suivi de patients. En comparaison, cette activité ne représente que 25 % de la pratique des jeunes de moins de 30 ans.

« C’est vrai qu’il faut trois jeunes omnipraticiens pour remplacer un clinicien âgé… mais en première ligne, précise la Dre Daoust. Ce fait s’explique par la pratique polyvalente des nouveaux médecins. Ils doivent faire des activités médicales particulières (AMP) et travaillent donc au moins douze heures par semaine en deuxième ligne. Par ailleurs, quand leur secteur est en difficulté, ils augmentent leur nombre d’heures à l’hôpital pour éviter une découverture. »

Cette situation a des conséquences. « Elle explique la diminution du pourcentage de patients inscrits individuellement. Le fait que les jeunes exercent moins en première ligne rend plus difficile la prise en charge d’une population qui croît et est de plus en plus âgée et malade. »

Peu de médecins à temps partiel

Combien de jours les médecins de famille travaillent-ils ? La question a récemment été soulevée dans l’actualité. La médiane du nombre de journées facturées par les omnipraticiens est de 225 à 249, mentionne la Dre Daoust. Un certain nombre, toutefois, exercent moins de 175 jours. Qui sont-ils ?

Ces omnipraticiens représentent 31 % des effectifs. Mais une fois que l’on soustrait les médecins en congé de maternité, ceux qui commencent ou qui cessent d’exercer au cours de l’année, qui sont malades ou qui ont une pratique imposant des contraintes ne leur permettant pas d’atteindre 175 jours de travail (comme l’urgence ou le dépannage), il n’en reste plus que 10 %. Quand les cliniciens de 60 ans et plus sont également retirés, la proportion descend à 5,6 %. « Selon Statistique Canada, 12 % de la population adulte travaille à temps partiel », indique à titre comparatif la directrice.

Par ailleurs, le calcul des jours facturés à la Régie de l’assurance maladie du Québec ne montre pas tout un pan du travail des médecins de famille : les tâches médico-administratives, l’enseignement à l’université, le travail pour le ministère de la Santé, etc. Finalement, peu d’omnipraticiens sont réellement à temps partiel.