Droit au but

Les outils de transcription numérique

ce qu’il faut savoir !

Eric Poulin  |  2024-11-01

Me Eric Poulin, avocat, est directeur adjoint du Service juridique de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Comme vous le savez tous, les médecins de famille du Québec consacrent entre dix et quinze heures par semaine, et parfois plus, au travail administratif (prise de notes, formulaires ou rédaction des demandes d’analyse ou des ordonnances).

Des logiciels d’intelligence artificielle ont récemment été créés afin de réduire le temps que les médecins passent à prendre des notes, de leur permettre de voir plus de patients et d’améliorer le contact avec ces derniers.

Selon certains de nos membres qui ont déjà recours à de telles applications, cet outil peut vraiment changer votre pratique.

Comment ça fonctionne ?

L’enregistrement de la consultation peut se faire à l’aide d’un téléphone intelligent, d’une tablette ou d’un ordinateur portable (avec un micro Bluetooth). Une connexion Internet est nécessaire, car les applications sont « en ligne » et non téléchargées.

Au début de la consultation, vous devez demander au patient son consentement à utiliser un logiciel en ligne pour enregistrer la conversation et la convertir instantanément en note numérique.

À la fin de la consultation, le médecin relit la note, effectue les corrections requises, puis la transfère dans le DME du patient. Et le tour est joué ! Le transfert se fait manuellement (copier-coller), mais certaines applications sont déjà en mesure de le faire automatiquement. Certaines peuvent même remplir les formulaires automatiquement.

La synchronisation entre le DME et le logiciel d’intelligence artificielle constitue un problème potentiel, car le logiciel pour­rait avoir accès à plusieurs renseignements sensibles conte­nus dans le DME.

Les applications les plus populaires

Il existe une multitude d’applications sur le marché. La FMOQ n’en propose aucune en particulier. Cependant, nous vous suggérons de choisir de préférence une application en français dont les données sont conservées sur des serveurs du Québec ou du Canada.

Il serait également avisé d’utiliser des applications qui ont fait l’objet d’une étude de conformité avec la Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux, car les applications ne sont pas toutes conformes.

Quels sont les risques ?

Mauvaise transcription

Comme pour toute technologie, l’utilisation comporte des risques. Le premier est relatif à l’efficacité de la transformation numérique. Est-ce que la note produite automatiquement est adéquate sur le plan médical ? Il est important que le médecin la vérifie et y apporte les corrections requises avant de la transférer dans le DME. Il en va du respect de ses obligations déontologiques et de sa responsabilité professionnelle.

La beauté de l’intelligence artificielle est sa capacité à ap­pren­dre et à ne pas reproduire les erreurs du passé. En évaluant la qualité des notes ou encore en modifiant les gabarits du logiciel, le médecin obtiendra des résultats qui seront de plus en plus satisfaisants.

Renseignements personnels sensibles

Avant de parler de confidentialité, vous devez comprendre quels types de renseignements l’application est susceptible de collecter. Selon nos recherches, les applications recommandent d’identifier le patient au début de l’enregistrement. Donc, si vous nommez le patient, le fichier audio contiendra quatre types de renseignements :

  • sa voix (un renseignement biométrique) ;
  • son nom et son âge (des renseignements personnels) ;
  • des informations sur son état de santé (des renseigne­ments médicaux) ;
  • des informations diverses sur sa famille, son travail, ses loisirs, etc. (normalement des renseignements non personnels).

Si un fichier audio était communiqué à un tiers, ce dernier serait techniquement capable d’identifier le patient grâce à un de ces renseignements ou à une combinaison d’entre eux. Vous devez, par conséquent, vous assurer que le fournisseur du logiciel d’intelligence artificielle prend les bons moyens pour protéger l’information collectée et pour la détruire dès que possible ou encore pour l’anonymiser.

La note écrite produite par le logiciel contient également des renseignements personnels. Elle devrait donc être détruite ou anonymisée dès son transfert dans le DME du patient.

Enfin, si votre logiciel importe automatiquement les informations personnelles du patient à partir du DME (nom, numéro d’assurance maladie, âge, etc.) pour créer la note médicale, vous comprenez que ces informations personnelles doivent être protégées.

Que doit faire un médecin légalement avant d’utiliser une telle application ?

En vertu de la nouvelle Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux (LRSSS), un médecin peut communiquer des renseignements de santé d’un patient à un tiers pour exécuter un contrat de service, selon certaines conditions.

Donc, un médecin ou une clinique peut transmettre à un tiers, soit l’entreprise du logiciel d’intelligence artificielle, des renseignements de santé pour l’exécution du contrat de transcription. Cependant, il doit respecter les conditions de la LRSSS, soit :

  • obtenir le consentement éclairé du patient ;
    Revoyez votre formulaire de consentement pour ajouter l’utilisation d’une application d’intelligence artificielle ainsi que la politique de gouvernance publiée sur votre site Web. Vous pouvez également obtenir un consentement verbal après le début de l’enregistrement. Expliquez au patient que vous vous servez d’une application qui vous permettra de passer plus de temps à l’examiner et moins de temps à prendre des notes. Assurez-vous que la note écrite confirme le consentement donné.
  • négocier une entente écrite avec le fournisseur, qui contient notamment (art. 77 de la LRSSS) :
    • les mesures qu’il doit prendre pour protéger les renseignements,
    • une mention que les renseignements ne peuvent être utilisés à d’autres fins,
    • un engagement de confidentialité,
    • d’autres modalités précisées à l’article 77 de la LRSSS.

    Vous devez donc signer un contrat écrit avec le fournisseur dans lequel il s’engage à respecter la Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux. Vous devez également vérifier sa politique de destruction des renseignements pour éviter que l’entreprise conserve les fichiers audio ou encore les notes numériques sur ses serveurs.

    Conclusion

    Les applications de transcription par intelligence artificielle ont le potentiel de vous aider à améliorer votre pratique au quotidien et à valoriser les contacts avec vos patients. Cependant, vous devez comprendre les enjeux relatifs à la protection et à la confidentialité des renseignements personnels.

    Pour toute question déontologique sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans votre pratique, veuillez consulter le site Internet du Collège des médecins au https://bit.ly/cmq-intelligence-artificielle. L’ACPM a publié un article intéressant sur le sujet (https://bit.ly/transcription-numerique-IA).