Nouvelles syndicales et professionnelles

Projet de loi 67

les nouveaux pouvoirs d’autres professionnels

Élyanthe Nord  |  2024-11-01

Le projet de loi 67 (PL 67) compte accorder de nouveaux pouvoirs à plusieurs catégories de professionnels de la santé. Ainsi, les pharmaciens pourront évaluer la condition physique et mentale d’une personne, en plus de pouvoir amorcer, ajuster ou cesser son traitement pharmacologique. Ils pourraient même aussi prescrire des médicaments de façon autonome. 

D’autres professionnels, pour leur part, pourront dorénavant poser des diagnostics. Ainsi, avec la formation requise, les infirmières et les conseillers d’orientation qui, jusqu’à présent, pouvaient « évaluer » des troubles mentaux pourront maintenant les « diagnostiquer ». De la même manière, avec une formation accréditée, les psychologues pourront désormais « diagnostiquer » des troubles neuropsychologiques, les sexologues, des troubles sexuels et les orthophonistes, des troubles du langage et d’apprentissage.

« Nous comprenons la volonté du législateur d’améliorer l’accès aux soins de la population. Malheureusement, deux éléments très importants manquent à ce projet de loi : l’intégration des soins et la gouvernance », affirme le Dr Marc-André Amyot, président de la FMOQ.

L’intégration des soins va au-delà de la communication entre professionnels de la santé. « Elle signifie une complémentarité des soins ainsi que des trajectoires de soins bien définies pour les patients », précise le président. Par exemple, un conseiller d’orientation pourrait-il diagnostiquer un trouble mental qui exigerait un test particulier ou un traitement médicamenteux ? Le patient devrait-il alors consulter un médecin ?

Un plan intégré de trajectoires de soins entre les différents professionnels est nécessaire, estime la Fédération dans son mémoire. « Selon un type de diagnostic, le plan intégré dictera qui assume le traitement, le suivi du traitement et la charge administrative reliée au diagnostic », indique-t-elle.

Les trajectoires de soins seraient déterminées par les divers acteurs du réseau de la santé : Santé Québec, les départements régionaux de médecine générale, les ordres professionnels, etc. Par la suite, elles devraient être communiquées et mises en œuvre sur le terrain. « Il faut une trajectoire de soins claire pour le patient », préconise le Dr Amyot.

La gouvernance est également importante. « Qui s’occupera de la gouvernance territoriale liée aux psychologues, aux pharmaciens et aux autres professionnels de la santé ? », demande le président.

Nouvelles obligations

Beaucoup de travail reste à faire. Par exemple, les règlements de la future loi, qui viendront plus tard, devront notamment préciser les diagnostics que pourront poser les membres de chaque ordre professionnel visé concernant les troubles mentaux, sexuels ou du langage. Mais surtout, les modalités de prise en charge devront être définies.

« Cette prise en charge doit comporter (i) le diagnostic, (ii) le traitement, (iii) le suivi du traitement ou encore (iv) l’orientation vers le bon professionnel. Si un professionnel pose un diagnostic, mais n’assume pas la responsabilité du traitement et du suivi, le patient va revenir consulter son médecin de famille pour recommencer le processus », écrit la Fédération dans son mémoire.

Et avec des pouvoirs additionnels viennent des responsabilités additionnelles. « Les nouveaux intervenants devront offrir des plages au guichet d’accès à la première ligne (comme les IPSPL et les médecins) et le triage devra se faire selon le plan intégré des trajectoires de soins », mentionne le mémoire.

L’apport des pharmaciens

Dans quelle mesure le projet de loi permettra-t-il de désengorger la première ligne ? Plusieurs des professionnels concernés sont débordés. Certaines pharmacies réduisent déjà leurs heures d’ouverture. « Cela veut-il dire que, pendant les heures défavorables, les médecins seront responsables de l’accessibilité aux soins ? Dans ce cas, je ne vois pas la valeur ajoutée du projet de loi 67 », affirme le Dr Amyot.

En outre, concernant les pharmaciens, le patient ne risque-t-il pas d’être embrouillé au sujet des services qu’ils proposent ? « Ces professionnels n’utilisent pas tous l’ensemble des pouvoirs que leur donne la loi 41. Ainsi, un patient peut rencontrer le matin un pharmacien qui peut lui offrir certains services, et le soir un autre qui ne peut pas », souligne le président. Par ailleurs, un pharmacien peut-il éthiquement à la fois prescrire et vendre des médicaments ?

Un ajout serait d’autre part utile au projet de loi : la question de la propriété des cliniques médicales au Québec, indique le mémoire de la FMOQ. « Il faut éviter qu’elles deviennent la propriété d’intérêts étrangers visant la recherche du profit ou encore la vente des renseignements de santé contenus dans les dossiers médicaux des millions de citoyens du Québec. »