Il est clair que les économies canadienne et québécoise ont ralenti au cours des derniers mois. Est-ce que cela veut dire que nous sommes en récession ? Croissance tiède, marasme économique ou repli marqué de l’activité : mais qu’est-ce qu’une récession ? Quels signes doit-on observer avant d’utiliser le redouté mot en « R » ?
Toutes les récessions ne se valent pas. Certaines ont pour origine des chocs économiques, d’autres des crises financières ou des fluctuations du marché déstabilisantes. Par exemple, la récession de 1981-1982 est généralement attribuée à la fulgurante montée des prix de l’or noir, gracieuseté de la crise pétrolière de 1979. D’autres tirent leur source de politiques économiques inadéquates. La récession de 1990-1992 aurait pour origine une politique monétaire canadienne trop restrictive en regard de la politique américaine : à titre indicatif, le taux directeur affichait une moyenne de 13 % au Canada en 1990, alors que son pendant américain n’était que de 8 %. L’équivalent économique d’un freinage brusque, alors que notre voiture se déplace à bonne vitesse.
Les récessions peuvent également être le fruit d'événements qui ne sont pas liés d’emblée à l’économie, comme une crise sanitaire. La dernière récession canadienne « officielle » a eu lieu de mars à avril 2020, en plein confinement pandémique, ce qui en fait la récession canadienne la plus courte et la plus profonde depuis la Grande dépression.
Depuis la crise de 1929, le Canada aurait connu une douzaine de récessions au caractère et à l’amplitude variés. Ces récessions auraient duré en moyenne un peu moins de 10 mois. Au cours des quatre dernières décennies, les récessions auraient eu tendance à être moins fréquentes. Cette période, surnommée de « grande modération », connaît une inflation et des taux d’intérêt demeurant faibles, alors que la volatilité du cycle des affaires s’affaisse.
Quelle que soit sa provenance, une récession est souvent définie comme une période de repli de l’activité économique, enregistrée sur deux trimestres consécutifs. Il s’agit là de la définition « technique » d’une récession basée sur l’interprétation limitative des statistiques du produit intérieur brut (PIB). Cependant, cette définition ne permet pas d'évaluer la performance économique globale d'un pays. Ainsi, le Canada a vécu une récession « technique » en 2015, et les États-Unis en 2022, mais les autorités n'ont pas été convaincues par leur gravité au point d'utiliser le mot en « R » (figure).
La définition d’une récession doit donc être nécessairement plus large. Elle englobe généralement trois dimensions : profondeur, ampleur et durée. Pour mériter l’appellation en « R », le déclin doit être éminemment prononcé, généralisé à plusieurs secteurs et suffisamment persistant. Les récessions auront des impacts significatifs sur les entreprises, les travailleurs, les marchés financiers et la société en général, entraînant une augmentation du chômage, une diminution du revenu disponible et une baisse de la confiance des consommateurs et des entrepreneurs.
Attention, il ne faut pas y voir ici de règles mais des lignes directrices pour prendre les décisions en matière de récession. Ces critères fournissent un cadre utile pour identifier et dater le cycle économique, mais ne fournissent pas une règle mécanique. Avec un œil attentif, on remarque que la récession pandémique n’aura duré que deux mois, ce qui est loin des deux trimestres consécutifs généralement requis.
Cependant, la profondeur du déclin et sa contagion à une majorité de secteurs auront servi à convaincre les autorités de son sérieux. Au Canada, le Conseil des cycles économiques de l’Institut C.D. Howe est l’arbitre du cycle économique canadien. Il se réunit une fois par an, ou lorsque les conditions économiques le requièrent, pour établir les moments d’entrée et de sortie de récession. Aux États-Unis, c’est le National Bureau of Economic Research (NBER) qui a reçu ce mandat.
En résumé, la principale différence entre une récession et une récession technique réside dans la profondeur, l’ampleur et la durée. Alors qu’une récession est une contraction économique substantielle répondant généralement à des critères spécifiques plus larges, une récession technique décrit des ralentissements économiques moins importants et de plus courtes durées. Le choix d'utiliser l'un ou l'autre de ces termes dépend souvent de la gravité et de la perception du ralentissement économique.
En période de récession, la performance du marché de l’emploi et le revenu disponible des ménages se dégradent. C’est ici que le fonds d’urgence devient important pour un ménage. Il est conseillé de limiter la hausse de ses dépenses non essentielles et l’utilisation du crédit. Dans le cycle actuel, la Banque du Canada pourrait maintenir le taux d’intérêt élevé encore pour un certain temps dans sa lutte contre l’inflation qui tarde à rejoindre la cible de 2 %. Le marché du crédit devient donc prohibitif et la prudence en matière de liquidités s’impose.
Du côté des portefeuilles, nous savons d’emblée que les marchés boursiers ont tendance à anticiper l’évolution de l’économie. Ils réagiront négativement devant le spectre de la récession. Les gestionnaires de portefeuille et les épargnants savent que les profits des entreprises souffriront du ralentissement éventuel de la demande et se positionneront en conséquence. Il est important de savoir qu’étant donné son rôle « d’indicateur avancé », il est fort probable que les marchés reprennent de la vigueur avant même que l’économie n’offre des signes tangibles de reprise.
En cette période d’incertitude boursière, voici quelques conseils : d’abord, ne pas paniquer et rester investi. Puisqu’il est difficile de prévoir le moment du rebond boursier, mieux vaut s’assurer d’en profiter en gardant ses positions. Le marché baissier qui accompagne souvent la récession peut également constituer une belle occasion pour l’épargnant de baisser son coût moyen d’acquisition. Les gestionnaires de fonds communs de placement surveillent également les occasions et rééquilibrent vos portefeuilles en conséquence.
Comme défense contre la volatilité, il est recommandé de miser sur un portefeuille diversifié, car les effets d'une récession sur les secteurs de l'économie ne sont pas les mêmes. Le secteur des biens de consommation de base, peu cyclique, ne subit pas les affres de la crise de la même manière que les secteurs de la consommation discrétionnaire, de l’énergie ou des technologies. Moduler ses achats d’actifs en fonction du cycle économique devient alors une stratégie intéressante, sans perdre de vue la diversification de l’ensemble de votre portefeuille. En route vers la récession ou dans les balbutiements d’un marché haussier, les titres de compagnies financières pourraient, par exemple, être à privilégier puisqu’ils ont théoriquement atteint leur creux cyclique.
Quoiqu’il arrive, respectez votre plan. Lorsque l’économie se prépare au ralentissement et que les marchés financiers l’anticipent, il n’est pas rare de voir des portefeuilles perdre entre 10 % et 15 % de leur valeur, voire plus. De telles variations sont en fait prévisibles, particulièrement sur les portefeuilles qui misent sur l’adéquation entre le risque et le rendement. Il s’agit peut-être ici d’une conséquence possible de votre stratégie initiale. Si malgré tout, vous êtes inquiet, parlez-en avec votre conseiller, il vous conseillera sur la meilleure stratégie adaptée à votre situation. ❚
Note de la rédaction. Ce texte a été écrit, révisé et mis en pages par Conseil et Investissement Fonds FMOQ inc. et ses mandataires. Il n’engage que ses auteurs.