Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
Le médecin rémunéré à honoraires fixes bénéficie d’une couverture d’assurance invalidité totale qui prévoit un retour progressif ou de la réadaptation lorsque c’est possible, et qui encadre le traitement de la rémunération provenant d’autres sources dans pareille situation. Ces règles ont donné lieu à des discussions entre la Fédération et le Ministère et à des modifications rétroactives. Êtes-vous touchés ?
Plusieurs médecins à honoraires fixes sont aussi payés à l’acte, selon le mode mixte ou à tarif horaire. Certains reçoivent plutôt des primes ou des suppléments pour leurs activités à honoraires fixes ou bénéficient des modalités de rémunération liées à leur pratique (encadré). D’autres sont rétribués à honoraires fixes pour une partie de leurs activités et à l’acte en cabinet ou selon le mode mixte ou à tarif horaire dans un autre secteur. Enfin, tous peuvent assurer une garde en disponibilité rémunérée à l’acte.
La diversité de cette réalité s’est imposée graduellement, et les parties négociantes se sont rendu compte seulement il y a quelques années des conséquences des règles existantes sur les médecins en invalidité. De longues négociations et analyses s’en sont suivies, et les parties ont fini par s’entendre sur des modifications pour régler ce qui était perçu comme des problèmes, tout en s’assurant de conserver un incitatif financier dans le but de favoriser le retour de ces médecins à leurs activités.
Pour bien comprendre ces modifications, il faut d’abord comprendre les règles antérieures et leur portée.
D’abord, il faut être conscient qu’il y a trois étapes à l’invalidité totale continue : les trois premières semaines, les 101 semaines suivantes et toutes les semaines subséquentes. Durant les deux premières étapes, le médecin est rémunéré pour son invalidité par la RAMQ. Par la suite, il reçoit des prestations de l’assureur du régime du groupe à honoraires fixes. S’il redevient invalide après une période d’invalidité, il s’agira d’un nouvel épisode s’il s’est écoulé au moins quinze jours d’activités professionnelles (trois semaines de calendrier) entre la fin de l’invalidité précédente et le début de la nouvelle, même si la RAMQ arrive parfois à une autre conclusion selon les informations au dossier médical. Si le délai est plus court, la situation sera généralement traitée comme une récidive.
Les règles qui visent les paiements provenant de la RAMQ se trouvent aux paragraphes 8.02 et 8.07 de l’Annexe VI à la Brochure no 1. Les règles qui s’appliquent lorsque l’assureur verse une rente d’invalidité sont listées aux paragraphes 8.05 b) et 8.07.
Les « anciennes » règles limitaient l’intérêt d’un médecin pour un retour progressif ou pour reprendre des activités autres que celles pour lesquelles il était rétribué à honoraires fixes. |
En ce qui a trait aux trois premières semaines d’invalidité, la règle d’origine prévoyait que le médecin en invalidité totale (la seule invalidité visée par le contrat d’assurance) ne pouvait retirer aucune rémunération de la RAMQ pour ses activités cliniques. C’est toujours le cas depuis les récentes modifications.
Pendant les 101 semaines suivantes, les prestations du médecin étaient auparavant réduites de toute autre rémunération dépassant 15 % des prestations. Pour les autres semaines, la rente versée par l’assureur était amputée de toute autre rémunération supérieure à 25 % des prestations. De plus, pendant la période durant laquelle un médecin recevait des prestations d’invalidité à honoraires fixes, la RAMQ le traitait comme s’il était en invalidité totale pour les mesures liées à l’inscription, même s’il avait des activités cliniques dans le secteur ayant donné lieu aux inscriptions.
Ces règles limitaient l’intérêt du médecin à faire un retour progressif ou à reprendre des activités autres que celles pour lesquelles il était rétribué à honoraires fixes. Imaginez le médecin qui voudrait reprendre des activités en cabinet durant son invalidité. Il devrait alors payer un loyer, mais il pourrait faire l’objet d’une récupération par la RAMQ pour la majeure partie de la rémunération brute reçue. Il devrait donc au bout du compte payer pour exercer, sans en retirer aucun avantage ! S’il avait de plus une assurance individuelle couvrant sa rémunération à l’acte, ce deuxième assureur pourrait prétendre que la perte de revenu du médecin durant une telle période de réadaptation ne résultait pas de son invalidité, mais bien d’un facteur extérieur, soit l’entente et les règles visant ses honoraires fixes.
La couverture d’invalidité pendant les 104 premières semaines d’invalidité ne relève pas d’un assureur commercial. C’est la RAMQ qui verse les prestations, et le coût est imputé au groupe. Si un assureur était responsable des paiements durant cette période, le contrat prévoirait sans doute un partage entre sa responsabilité et celle des régimes publics (comme la CNESST, la SAAQ ou Retraite Québec). C’est un moyen de diminuer le risque de l’assureur et ainsi le coût de l’assurance. Mais lorsque deux assureurs couvrent deux risques différents (la rémunération à honoraires fixes et celle selon d’autres modes, par exemple), ils conviennent de mécanismes de partage de responsabilité entre eux en fonction de la nature des revenus assurés par chacun. Or, la couverture offerte par la RAMQ est fonction de la rémunération à honoraires fixes seulement, et le coût de cette couverture est réparti sur l’enveloppe des honoraires fixes, et non sur la totalité des revenus des médecins sans égard à leur mode de rémunération.
Les médecins à honoraires fixes qui ont des revenus provenant d’autres modes de rémunération (forfaits et actes) devraient avoir une couverture d’assurance invalidité distincte pour ces activités. |
Les médecins qui ont des revenus provenant d’autres formes de rétribution que les honoraires fixes doivent se procurer une couverture distincte pour ceux-ci. Les prestations versées par la RAMQ ne devraient donc pas être réduites de la rémunération qu’un médecin peut obtenir selon d’autres modes durant un retour progressif, du moins tant que la prestation d’invalidité ne l’enrichit pas au-delà de ce qu’il gagnait avant son invalidité.
L’évolution de la mixité des formes de rémunération décrite en début d’article fait en sorte qu’il était devenu désavantageux de conserver les règles d’origine qui pouvaient nuire aux tentatives de réadaptation ou de retour progressif. La raison pour laquelle la situation a persisté si longtemps est simplement que la RAMQ semble avoir tardé à mettre en place des contrôles liés aux règles de l’Entente lors du retour progressif d’un médecin. Personne n’a donc dénoncé la situation. Mais quand la RAMQ s’est mise à appliquer les règles rétroactivement aux années précédentes (jusqu’en 2014), les parties négociantes ont pris connaissance de l’écart entre ce que prévoyaient les règles et ce qui leur semblait approprié. C’est ce qui a donné lieu à des discussions et a abouti aux modifications que nous venons d’évoquer. Leur description est le sujet du prochain article.
Le mois prochain, nous traiterons des changements apportés et des conséquences pour les médecins à honoraires fixes en congé d’invalidité qui ont des activités (réadaptation à honoraires fixes ou activités selon un autre mode dans un autre secteur) durant la période où ils reçoivent des prestations d’invalidité. D’ici là, bonne facturation !