protection cardiovasculaire pour les patients à risque élevé
Chez les patients présentant un risque élevé de complications cardiovasculaires, le vaccin contre la grippe diminuerait le taux de décès d’origine cardiovasculaire et d’infarctus du myocarde non mortels. Les données sont très solides, soutiennent deux spécialistes québécois, dans le Relevé des maladies transmissibles au Canada1. « Cet avantage n’est pas mentionné dans le Guide canadien d’immunisation et n’est pas connu de la majorité des vaccinateurs », soulignent le Dr Philippe De Wals, professeur retraité de l’Université de Laval, et le Dr Michaël Desjardins, microbiologiste-infectiologue au Centre hospitalier de l’Université de Montréal, dans leur article.
Par contre, en ce qui concerne l’effet protecteur du vaccin antigrippal contre l’insuffisance cardiaque, l’arythmie et les accidents vasculaires cérébraux, les données sont moins robustes. Et elles ne sont pas non plus très probantes pour toutes les complications cardiovasculaires chez les patients à faible risque.
Les deux spécialistes ont examiné 28 revues systématiques avec ou sans méta-analyses sur les effets du vaccin antigrippal sur les maladies cardiovasculaires. Dans l’une de ces méta-analyses, notamment, quatre essais cliniques à répartition aléatoire ont révélé une diminution de 45 % du risque d’événements cardiovasculaires graves chez les patients vaccinés ayant eu un syndrome coronarien aigu récent.
« Il est probable que le vaccin puisse prévenir un trouble cardiovasculaire aussi chez les personnes qui ont des lésions coronariennes non détectées et non traitées. Beaucoup de personnes — surtout les fumeurs, les ex-fumeurs et les hypertendus — en présentent », mentionne le Dr De Wals, médecin spécialiste en santé publique.
La grippe pourrait entraîner des complications cardiovasculaires, entre autres par des réactions d’inflammation au sein de la plaque athéromateuse. « C’est l’hypothèse la plus vraisemblable. Des îlots de cellules inflammatoires s’activeraient et produiraient un gonflement de la plaque qui boucherait l’artère », indique le Dr De Wals. Mais d’autres mécanismes sont aussi possibles. La grippe pourrait augmenter la coagulation et, entre autres, l’activation des plaquettes. Les besoins métaboliques des tissus et des organes périphériques pourraient en outre s’accroître et réduire l’irrigation artérielle. « On sait également que le virus de la grippe peut atteindre le péricarde et le myocarde », mentionne le spécialiste.
Le taux de vaccination antigrippale de la population pourrait être amélioré. Au Canada, la couverture au cours de la saison 2022–2023 était de 43 %, selon les données de l’Agence de la santé publique du Canada. Parmi les groupes à risque élevé, l’objectif de 80 % n’était pas atteint. Ainsi, le taux de vaccination des aînés de 65 ans et plus était de 74 % et celui des adultes de 18 à 64 ans ayant un problème de santé chronique, de 43 %.
Les professionnels de la santé pourraient par ailleurs jouer un rôle crucial. « Soixante et onze pour cent de la population ont convenu que l'opinion de leur médecin de famille, de leur généraliste ou de leur infirmier praticien était un élément important de leur décision d'obtenir le vaccin contre la grippe », indique l’Agence dans son rapport de l’an dernier.
Le Dr De Wals et le Dr Desjardins, pour leur part, estiment que les informations fournies aux patients sur le vaccin antigrippal devraient mentionner, parmi ses bienfaits, la réduction du risque de problèmes cardiovasculaires liés à la grippe.
« Il faut dire au patient que le vaccin contre la grippe peut, durant l’hiver, diminuer de presque la moitié le risque d’accident vasculaire cérébral ou d’infarctus lié à la grippe. Cette donnée peut changer sa vision. On parle souvent de protection contre la pneumonie, mais les patients ne la craignent pas beaucoup. Par contre, ils savent qu’un infarctus ou un accident vasculaire cérébral peuvent les laisser gravement handicapés. »
Le Dr De Wals fait partie à la fois du Comité sur l’immunisation du Québec et du Comité consultatif national sur l’immunisation. « Je fais pression pour que l’on ajoute l’effet protecteur des vaccins antigrippaux contre les troubles cardiovasculaires dans les nouvelles recommandations. » ❚
1. De Wals P et Desjardins M. Les vaccins antigrippaux peuvent protéger contre les maladies cardiovasculaires : les preuves s’accumulent et devraient être connues de la communauté canadienne de la santé publique. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2023 ; 49 (10) : 476-82. https://doi.org/10.14745/ccdr.v49i10a04f.