patients orphelins vulnérables
Lors d’une récente conférence de presse, le ministre de la Santé a évoqué un sujet de grande importance — l’accès aux soins des patients orphelins vulnérables — pour justifier l’adoption d’un règlement coercitif découlant de la loi 11. Bien évidemment, nous sommes d’accord avec lui sur l’importance de soigner les personnes qui en ont besoin et d’accorder une attention particulière à ce groupe. Toutefois, la méthode imposée nous apparaît contre-productive et irrespectueuse de l’esprit de collaboration que nous avons su établir au cours des derniers mois.
Les médecins de famille font partie de la solution et donnent le meilleur d’eux-mêmes au quotidien. Depuis le printemps 2022, ils ont inscrit collectivement près d’un million de patients dits orphelins, dont de nombreux « patients vulnérables », et ce, malgré une pénurie d’au moins 1200 équivalents temps plein, des contrats de GMF souvent non respectés par les établissements et un vieillissement marqué de la population. Dans ces circonstances, cette sortie apparaît surréelle et injustifiée.
Avant cet exercice de relation publique, le gouvernement n’a convoqué ni la FMOQ et ses représentants ni les médecins coordonnateurs pour discuter de ces « 13 000 patients vulnérables [qui attendent] en moyenne entre deux et trois ans avant de trouver un médecin de famille ». Qui sont-ils ? Où se trouvent-ils ? Ces données sont-elles représentatives de la réalité du terrain ? Cette affirmation est entourée de mystère. En fait, nous serions déjà en mode solution si nous avions été mis dans le coup.
Selon des consultations effectuées auprès des coordonnateurs du guichet, nous comprenons que la majorité des patients identifiés « A » ne restent en moyenne pas plus de trente jours sur les GAMF. Il serait extrêmement fâchant de se rendre compte que ce prétexte, qui ne semble pas correspondre à la réalité, a été utilisé pour dévier l’attention des nombreux enjeux du réseau ainsi que pour doter le gouvernement d’outils de contrôle et d’un rapport de force en vue des négociations.
Afin de poursuivre sur la lancée des réussites de l’entente sur l’accès aux soins, nous privilégions la collaboration à la diversion et à la division. Cependant, dans le présent contexte, nous n’avons d’autre choix que de nous opposer à la publication de ce nouveau règlement qui s’attaque de plein fouet à notre droit reconnu à la négociation, à notre autonomie professionnelle et, par ricochet, à l’accès à la première ligne.
Si le gouvernement empêche les médecins d’inscrire de nouveaux patients hors GAMF et oblige les cliniques qui ne sont pas des GMF à se brancher à l’orchestrateur et à leur faire porter le fardeau de la transmission des données, nous avons de sérieuses raisons de craindre une certaine démobilisation sur le terrain, des départs prématurés à la retraite et un déficit d’attractivité. Ironiquement, ce projet réglementaire fédère le corps médical d’une manière inattendue. Ainsi, la Table provinciale des chefs de DRMG et un regroupement de plus de 600 médecins ont déjà manifesté leur profond désaccord au gouvernement.
Bien entendu, la FMOQ est en faveur de l’accroissement de l’accès aux soins pour les patients vulnérables et de l’utilisation de données dépersonnalisées pour l’amélioration de la gestion du réseau. Toutefois, nous privilégions une approche clinico-administrative, où les partenaires médicaux et les autres professionnels sont pleinement considérés, et une approche franche, respectueuse et constructive.
De plus, les travaux de la Fédération soutenus par des experts-conseils portant sur une organisation optimale des soins et ceux de la Table nationale de concertation sur la valorisation de la médecine de famille, en collaboration avec le ministère, doivent se poursuivre et aboutir à des résultats concrets.
Nous continuons de faire le choix de l’action, de la collaboration et de la valorisation pour le mieux-être de la population, des soignants et des médecins de famille.
Le 22 février 2024
Président de la FMOQ, |