Éditorial

Se donner la chance de réussir

investissements en première ligne

Marc-André Amyot  |  2024-04-19

Au début d’avril, le gouvernement du Québec nous informait de manière unilatérale que l’Entente sur l’accès aux soins paraphée il y a deux ans ne serait pas renouvelée dans sa forme actuelle, sans préciser la suite. Par ce geste, le gouvernement laisse entrevoir un désinvestissement en première ligne, ébranle le climat de confiance établi, compromet la mise en place d’un nouveau modèle d’organisation tant attendu et, par ricochet, nuit à l’accès aux soins. Pour la FMOQ, il s’agit sans contredit d’une occasion ratée de poursuivre sur notre lancée et de construire sur du solide.

Malgré une pénurie d’effectifs évaluée à au moins 1500 médecins de famille, un non-respect chronique des contrats de GMF par les établissements et un manque de valorisation de la pratique, nous avons collectivement inscrit près d’un million de personnes au cours des deux dernières années, dépassant de presque du double l’objectif initial fixé par l’Entente. Nous tenons d’ailleurs à saluer les médecins et leurs équipes de soins pour leurs efforts colossaux en cette période post-pandémique et les encourageons à demeurer mobilisés pour le bien de la population.

Une mini-révolution mise à mal

L’entente sur l’accès était au cœur de ce que j’avais qualifié de « mini-révolution tranquille » de l’organisation des soins en août dernier, de pair avec le travail en collaboration interprofessionnelle, la cogestion médico-administrative et toute l’importance d’investir en première ligne. Des éléments clés intimement liés qui ont un effet positif et durable sur l’accès aux soins. Au moment d’écrire ces lignes, alors que des pas de géants ont été franchis au cours des deux dernières années, notamment avec la mise en œuvre de l’inscription collective et des GAP, la Fédération s’explique mal les tergiversations et décisions du gouvernement.

De plus, quand on rend les consultations plus pertinentes dans notre quotidien, on rend la pratique de la médecine de famille plus spécialisée et plus complexe que jamais. Des investissements adéquats pour soutenir les médecins de famille et leurs équipes de soins sont nécessaires pour poursuivre dans cette voie porteuse d’espoir.

Avec l’annonce d’un déficit record de 11 milliards de dollars lors de la présentation du budget provincial, nous comprenons que la situation économique du Québec est difficile. Toutefois, nous refusons que ce soit encore une fois la première ligne et les soins de proximité qui en fassent les frais. Nous ne le répéterons jamais assez, les États qui ont choisi d’investir en première ligne ont de meilleurs indicateurs de performance et ont un effet positif sur les déterminants de la santé de leur population.

Poursuivre notre engagement

Avec ce récent épisode, le gouvernement de la CAQ s’attaque de nouveau à notre droit reconnu à la négociation, sans même prendre la peine d’entamer le dialogue avant d’imposer sa vision des choses. Un modus operandi qui devient caractéristique de sa gouvernance, même si la Fédération s’est toujours montrée ouverte à la discussion et prompte à rechercher des solutions.

Qui plus est, ce manque de considération récurrent envers les médecins de famille contribue malheureusement à accentuer quatre formes d’exode actuellement établies : vers le privé, vers les autres provinces, vers les autres spécialités et vers une retraite prématurée. Comme le quart des médecins de famille ont plus de 60 ans, ce dernier exode est à prendre avec le plus grand des sérieux.

Malgré tout, nous continuons à privilégier la voie de la communication, de la collaboration et de la recherche de solutions pérennes pour le bien de la population, des médecins de famille et du personnel du réseau de la santé. Nous poursuivrons sans hésitation notre engagement en ce sens.

Investir en première ligne et se donner la chance de réussir, est-ce vraiment trop demander au gouvernement ?

 

Le 18 avril 2024

Marc-André Amyot

Dr Marc-André Amyot
Président de la FMOQ