Gestion pratique

Ralentissement de la pratique en première ligne

comment aborder cette étape de carrière avec sérénité

Anne-Louise Boucher  |  2024-04-26

La Dre Anne-Louise Boucher, omnipraticienne, est directrice de la Direction de la planification et du développement organisationnel de la FMOQ.

À la Direction de la planification et du développement organisationnel de la FMOQ, nous recevons régulièrement des demandes d’information et de soutien de médecins qui souhaitent ralentir ou cesser leur pratique en première ligne, tout particulièrement en fin de carrière ou à cause de problèmes de santé qui nécessitent une diminution de leur temps de travail.

Premier constat : les médecins de famille sont très préoccupés du devenir de leurs patients lors de leur ralentissement de pratique et soucieux de faire tout ce qu’ils peuvent pour en atténuer les répercussions.

Les médecins de famille sont aussi inquiets du respect de leurs obligations déontologiques et du défi organisationnel liés aux obligations lors d’un ralentissement de pratique. Jusqu’à tout récemment, plusieurs optaient pour un arrêt complet devant la complexité des démarches.

C’est dans ce contexte que la FMOQ, le collège et le ministère de la Santé ont créé un guide d’accompagnement destiné aux médecins de famille souhaitant diminuer leurs activités en première ligne.

Voici donc les principales étapes de la démarche profes­sionnelle proposée aux médecins de famille dans le guide.

Déterminer d’où part le médecin

1. Évaluer ses capacités et ses limites

Dans cette première étape, le médecin doit principalement réfléchir à sa vie professionnelle actuelle, à la charge de travail à court et à moyen terme qu’il aimerait avoir et du délai pour y arriver.

Combien de jours par semaine travaille-t-il actuellement ? Combien de jours par semaine souhaite-t-il travailler dans un proche avenir ? Quelles sont ses limitations de travail déter­minées par son médecin : nombre d’heures de travail par jour ? Nombre de jours par semaine ?

Cette démarche est toute personnelle et servira à orienter le médecin sur les actions à poser et lui permettra d’évaluer le nombre de patients à atteindre pour arriver à ralentir sa pratique.

2. Brosser le portrait de sa clientèle

Le médecin de famille connaît bien sa patientèle, puisqu’il la suit depuis de nombreuses années, particulièrement celle qui nécessite un suivi régulier. Le médecin de famille doit brosser un portrait des différents aspects de sa patientèle pour être en mesure d’orienter adéquatement les actions à poser pour le ralentissement de sa pratique.

Combien de patients sont inscrits à son nom ? Combien sont actifs ? Combien sont vulnérables ? Lesquels ont un problème nécessitant un suivi ? Lesquels sont présentement dans un état instable nécessitant un suivi rapproché ? Lesquels n’ont pas été vus depuis plus de cinq ans ? Lesquels ont déménagé à plus de 70 km de son cabinet ?

Le médecin aura alors une meilleure idée du nombre de patients actifs qu’il devra désinscrire pour atteindre la prochaine étape, soit le ralentissement de sa pratique.

Déterminer quels patients désinscrire

Le médecin identifie en premier lieu les patients qui n’ont pas besoin de suivi autre que pour des besoins ponctuels.

Le guide d’accompagnement suggère au médecin de com­mencer par désinscrire ces patients, bien que cette action n’aura que peu d’effets sur son volume de travail au quotidien.

3. Établir la liste des patients qui n’ont pas consulté depuis plus de cinq ans

Le médecin identifie les patients inactifs qui n’ont pas be­soin de suivi. Le médecin peut mettre fin à leur inscription en communiquant avec la RAMQ. Il doit alors les aviser, par lettre ou par courriel, en leur indiquant la date de la fin de leur inscription et l’adresse du lieu où sera conservé leur dossier. Il doit aussi leur donner des instructions pour s’inscrire au guichet d’accès à un médecin de famille (GAMF) et pour avoir accès au guichet d’accès à la première ligne (GAP). Un modèle de lettre pour cette situation se trouve en annexe du guide d’accompagnement.

4. Établir la liste des patients déménagés à plus de 70 km de la clinique du médecin

Le médecin identifie ensuite, avec l’aide de son personnel administratif, les patients qui ont déménagé à plus de 70 km de la clinique. Il doit alors évaluer l’intensité du suivi de chacun. Ont-ils une maladie chronique nécessitant un suivi ? Si oui, est-ce que leur état est stable ou instable ? Les patients sans maladie chronique nécessitant un suivi pourront être désinscrits selon le même processus que ceux n’ayant pas consulté depuis plus de cinq ans. Le médecin leur enverra un avis écrit similaire, leur indiquant comment s’inscrire au GAMF. Les patients seront alors orientés vers le GAMF de leur lieu de résidence. Les patients nécessitant un suivi pourront faire partie de la liste des patients à désinscrire selon le processus indiqué plus loin.

5. Identifier les patients ne nécessitant pas de suivi pour une maladie chronique ou un problème particulier

Les patients sans maladie chronique nécessitant un suivi pourront être désinscrits selon le même processus que ceux n’ayant pas consulté depuis plus de cinq ans. Le médecin utilisera alors un avis écrit similaire leur indiquant notamment comment s’inscrire au GAMF (figure).

Établir la liste des patients qui pourront être désinscrits

Les patients nécessitant un suivi pourront faire partie des patients à désinscrire. Cependant, ceux qui sont en cours d’évaluation pour un problème de santé ou ceux dont l’état est instable et qui ont besoin d’un suivi serré ne doivent pas faire partie des patients à désinscrire.

Le médecin peut choisir des patients ayant différents degrés de vulnérabilité et d’intensité de suivi pour un premier bloc de patients à désinscrire ou à transférer.

6. Possibilité de transfert individuel à un médecin de la clinique ou d’une clinique à proximité

La lettre d’entente 304 permet au médecin de transférer des patients directement à un collègue. Ce dernier peut faire partie de la même clinique, du même GMF sur un lieu différent ou encore d’une clinique à proximité. Les patients seront transférés directement au nouveau médecin, sans passer par le GAMF et sans que le patient n’ait d’action à poser.

Le médecin doit identifier au moins cinquante patients à transférer à son collègue. Le médecin pourra lui transférer d’autres patients par la suite, peu importe le nombre. Mais le transfert initial doit comporter au moins 50 patients.

Lors de la sélection des patients, il est préférable de ne pas transférer de patients résidant à plus de 70 km de la clinique pour permettre à ces derniers de se trouver un médecin à proximité de leur résidence.

Le formulaire à remplir (https://bit.ly/formulaire-4381) et les directives pour préparer la liste de patients se trouvent dans le guide pratique (https://guide-pratique.fmoq.org). C’est l’information la plus à jour, même si la RAMQ devait modifier ses processus pour appliquer la lettre d’entente 304.

Le médecin qui doit réduire sa patientèle pour des raisons de santé et qui veut bénéficier de la lettre d’entente 304 doit adresser sa demande au comité paritaire (comiteparitaire-gmf@fmoq.org).

7. Possibilité de transfert en inscription collective à la clinique

La lettre d’entente 368 permet au médecin de transférer une partie de ses patients en inscription collective au sein de son groupe de pratique, de sa clinique médicale ou de son GMF, si le groupe accepte.

Le médecin doit alors identifier les patients qu’il va transférer et en informer la RAMQ en remplissant le formulaire de transfert (https://bit.ly/formulaire-4517).

Le médecin doit aviser ses patients par écrit (lettre ou courriel), qu’il met fin à leur inscription, mais qu’ils seront inscrits au groupe de médecins de la même clinique (ou du même GMF). L’avis doit contenir les directives pour contacter le GAP pour les demandes liées à un problème de santé.

Un modèle de lettre se trouve en annexe du guide d’accom­pagnement pour notamment informer le patient de la date de la fin de son inscription individuelle et du nom de la clinique où sera conservé son dossier.

8. Transfert au GAMF des patients désinscrits

Lorsque le médecin a accompli les étapes précédentes, il évalue s’il doit diminuer encore son nombre de patients pour atteindre le niveau de ralentissement souhaité.

Le cas échéant, il doit établir une liste de patients à transférer directement au GAMF sans que les patients n’aient d’action à poser pour s’y inscrire.

Le médecin identifie ces patients directement sur son portail RAMQ, en indiquant le degré de priorisation d’attribution à un médecin de famille pour le GAMF. D’ici à ce que l’outil soit accessible sur le portail, le médecin doit utiliser un formulaire de la RAMQ et y joindre la liste des patients à désinscrire. Pour aider le médecin et son personnel administratif dans cette tâche, des exemples de situations cliniques de chacun des degrés de priorité sont inclus dans le guide d’accompagnement. La RAMQ réorientera les patients directement vers le bon GAMF, en fonction de leur code postal.

Le médecin doit aviser chacun de ces patients par écrit (lettre ou courriel) de la date de la fin de leur inscription, des directives d’appel au GAP pour leurs besoins de santé, de la date à partir de laquelle ils devront contacter le GAP pour le suivi de leur problème chronique et du nom de la clinique où leur dossier sera conservé. Un modèle de lettre pour cette situation se trouve aussi en annexe du guide d’accompagnement.

Le médecin qui est toujours en pratique a la responsabilité d’assurer le suivi des examens paracliniques qu’il a prescrits à ces patients, même s’il met fin à leur inscription. Il pourra alors revoir les patients lui-même pour répondre au besoin indiqué dans le rapport ou les diriger vers le GAP. C’est son choix.

 

Le CMQ, la FMOQ et le MSSS se sont entendus sur le contenu du guide intitulé Diminution des activités en prévision de la retraite ou pour des raisons de santé. Cependant, l’inscription au GAMF n’est pas encore possible à l’aide d’un outil de la RAMQ. Nous sommes en discussion pour finaliser le processus.

Conclusion

Le guide d’accompagnement permet au médecin de ralentir sa pratique en fin de carrière ou pour des raisons de santé.

Le médecin peut ainsi demeurer actif en médecine familiale au sein de sa communauté, tout en respectant ses capacités et son droit, bien mérité, à un ralentissement en fin de carrière.