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Meilleures habitudes de vie

meilleures capacités cognitives en fin de vie

Élyanthe Nord  |  2024-05-22

Des chercheurs de Chicago qui ont effectué une autopsie du cerveau chez plus de 500 personnes avancent que des habitudes de vie saines favoriseraient le maintien de bonnes capacités cognitives, peu importe la présence de lésions cérébrales liées à la démence.

PDesmarais

Conserver un esprit vif jusqu’à la fin de ses jours. Ce pourrait être l’une des récompenses des bonnes habitudes de vie. Un mode de vie sain pourrait permettre de disposer d’une réserve cognitive qui préserve les capacités intellectuelles, indépendamment des lésions cérébrales liées à la démence.

À Chicago, le Dr Klodian Dhana et son équipe ont étudié le cerveau de 586 personnes décédées qui, de leur vivant, remplissaient chaque année un questionnaire sur leur mode de vie et passaient 19 tests cognitifs. Les sujets, dont certains se prêtaient à l’exercice depuis 24 ans, sont morts en moyenne à l’âge de 91 ans1.

Grâce à ces volontaires, les chercheurs ont découvert que de meilleures habitudes de vie étaient liées à de plus grandes capacités cognitives à la toute fin de la vie. L’association ne changeait pas substantiellement selon la quantité dans le cerveau de plaques bêta-amyloïdes, de macro-infarctus ou d’autres lésions liées à la démence.


« Le Dr Dhana et ses collaborateurs ont montré que de saines habitudes de vie permettaient d’avoir de bonnes capacités cognitives, peu importe la présence d’un processus pathologique sous-jacent », résume le Dr Philippe Desmarais, gériatre au Centre hospitalier de l’Université de Montréal et professeur adjoint de clinique à l’Université de Montréal.

On sait que la présence de biomarqueurs associés à la démence ne se traduit pas forcément par des symptômes cliniques. Mais le lien nécessite encore des recherches. « Il faut déterminer quels facteurs associés à la réserve cognitive parviennent à prévenir les manifestations pathologiques cliniques. Cette étude nous montre que d’avoir de bonnes habitudes de vie semble favoriser cette résilience », explique le Dr Desmarais, également chercheur au Centre de recherche du CHUM.

Un score de santé

L’étude, publiée dans le JAMA Neurology, a été effectuée dans le cadre du projet Rush Memory and Aging. Depuis 1997, des adultes âgés ayant accepté de faire don de leur cerveau à leur mort passaient annuellement une série de tests. Qui étaient ces participants ? Des personnes, pour la plupart des femmes (71 %), ayant en moyenne 15 ans de scolarité, qui vivaient dans la région de Chicago dans une résidence pour personnes âgées, une résidence individuelle ou une communauté.

Cinq éléments ont été périodiquement évalués chez les participants :

1) L’alimentation

Un questionnaire permettait d’établir la fréquence de consommation de 144 aliments au cours des 12 derniers mois. La qualité de l’alimentation était déterminée en fonction du score diététique MIND (Mediterranean-DASH Diet Intervention for Neurodegenerative Delay).

2) Les activités cognitives à la fin de la vie

La participation à sept activités intellectuellement stimulantes était mesurée : la lecture, les visites aux musées, les jeux de cartes, les dames, les mots croisés et les casse-tête.

3) L’activité physique pour personnes âgées

Les participants devaient indiquer le temps qu’ils passaient à effectuer des activités physiques d’intensité modérée ou vigoureuse, dont la marche, le jardinage, l’exercice général, la bicyclette ou la natation. Pour être considérés comme faisant suffisamment d’exercice, ils devaient en pratiquer au moins 150 minutes par semaine.

4) Le tabagisme

5) La consommation d’alcool

À partir de ces cinq éléments, les chercheurs ont créé un score du mode de vie allant de 0 à 5. Chaque facteur, quand il correspondait à un mode de vie sain, donnait droit à un point. Les participants avaient un score moyen de 2,7.

Les sujets passaient également annuellement de nombreux tests pour évaluer leurs fonctions cognitives. L’équipe du Dr Dhana a utilisé le dernier, qui remontait en moyenne à 0,8 an avant la mort, pour leur analyse.

Au décès, les chercheurs ont effectué une autopsie et évalué notamment la présence dans le cerveau de plaques bêta-amyloïdes, d’enchevêtrement de la protéine tau phosphorylée, d’artériolosclérose, d’athérosclérose cérébrale, de micro-infarctus, de macro-infarctus, de corps de Lewy et de sclérose hippocampique.

Résultats et mécanismes

À la lumière de leurs données, le Dr Dhana et ses collaborateurs ont mis en lumière une association entre le score du mode de vie et les capacités cognitives à moins d’un an de la mort. La relation n’était pas modifiée de manière importante par la présence de lésions cérébrales liées à la démence. « Ces résultats semblent indiquer que les facteurs liés au mode de vie peuvent procurer une réserve cognitive permettant aux adultes âgés de maintenir leurs capacités cognitives », précisent les chercheurs dans leur article.

Quels mécanismes lieraient habitudes de vie et facultés intellectuelles ? Le mode de vie aurait un important effet direct, mais aussi un léger effet indirect sur les capacités cognitives. « Les chercheurs ont montré que les bonnes habitudes de vie réduisaient un peu la présence de plaques amyloïdes potentiellement associées à un déclin cognitif. Cependant, le lien entre habitudes de vie, présence de plaques bêta-amyloïdes et score cognitif ne représentait que 11,6 % de l’association. Ainsi, les habitudes de vie préserveraient les facultés cognitives principalement par d’autres mécanismes sous-jacents », explique le Dr Desmarais.

Le lien pourrait-il résider dans une réduction des maladies vasculaires ? Les chercheurs croient à cette hypothèse. « Par exemple, un mode de vie plus sain pourrait mener à une diminution du diabète et de l’hypertension, ce qui en retour pourrait baisser le risque de démence », écrivent-ils. Cependant, les autopsies qu’ils ont pratiquées montrent que les habitudes de vie étaient associées aux capacités cognitives indépendamment des atteintes vasculaires. Toutefois, à l’âge des participants, la plupart des gens ont une maladie vasculaire cérébrale, ce qui réduit l’hétérogénéité de l’échantillon et, par conséquent, la puissance statistique de l’analyse.

Les autres mécanismes possibles ? Peut-être les effets anti­oxydants et anti-inflammatoires entre autres de l’alimentation et de l’activité physique ainsi que la constitution d’une réserve cognitive, par exemple grâce aux activités intellectuelles, estiment le Dr Dhana et ses collaborateurs.

La recherche

Un mode de vie sain constitue une voie à explorer encore davantage. « Cette étude m’a conforté dans l’idée qu’il faut vraiment continuer à mener des recherches et à explorer les saines habitudes de vie, affirme le Dr Desmarais. Il faut savoir quelles interventions précises sont les plus bénéfiques. Quelles sont les meilleures mesures à mettre en œuvre et à quel âge ? Est-ce à un âge moyen ? Est-ce avant ? Est-ce encore efficace à un âge avancé ? Il faut pouvoir faire les meilleures prescriptions à nos patients pour leur permettre de conserver leurs capacités cognitives. »

bibliographie

1. Dhana K, Agarwal P, James B et coll. Healthy lifestyle and cognition in older adults with common neuropathologies of dementia. JAMA Neurol 2024 ; 81 (3) : 233-9. DOI : 10.1001/jamaneurol.2023.5491.