Droit au but

Les IPSPL et les médecins de famille

la collaboration

Pierre Belzile et Anne-Louise Boucher  |  2024-07-01

La Dre Anne-Louise Boucher est directrice de la Planification et du développement organisationnel à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Me Pierre Belzile, avocat, est directeur du Service juridique de la FMOQ.

Il a beaucoup été question des infirmières praticiennes spécialisées en soins de première ligne ces derniers mois. On se rappellera notamment que le ministre de la Santé et des Services sociaux, au mois d’avril dernier, a autorisé celles qui travaillent dans des cliniques d’IPS à inscrire à leur nom des personnes enregistrées au guichet d’accès à un médecin de famille, le GAMF.

Cet accès direct au GAMF pour les IPS signifie-t-il qu’elles peuvent prendre en charge n’importe quel patient et en assurer le suivi médical sans la participation de qui que ce soit d’autre ? Voyons de plus près la réalité législative.

La Loi sur les infirmières et les infirmiers

En 2021, le gouvernement modifiait la Loi sur les infirmières et les infirmiers de manière à accorder de nouveaux pouvoirs aux IPS. Selon des modalités prévues par règlement, elles peuvent dorénavant, en plus de leurs autres champs de compétences, diagnostiquer des maladies et déterminer des traitements médicaux.

L’article 36.1 de la Loi sur les infirmières et les infirmiers leur permet donc depuis :

  • « de diagnostiquer des maladies ;
  • de prescrire des examens diagnostiques ;
  • d’utiliser des techniques diagnostiques invasives ou présentant des risques de préjudice ;
  • de déterminer des traitements médicaux ;
  • de prescrire des médicaments et d’autres substances ;
  • de prescrire des traitements médicaux ;
  • d’utiliser des techniques ou d’appliquer des traitements médicaux, invasifs ou présentant des risques de préjudice ;
  • d’effectuer des suivis de grossesse ;
  • d’administrer le médicament ou la substance permettant à une personne d’obtenir l’aide médicale à mourir dans le cadre de l’application de la Loi concernant les soins de fin de vie. »

Mais, rappelons-le, selon des modalités déterminées par règlement.

Le règlement

Comme nous venons de le voir, l’exercice des activités décrites à l’article 36.1 de la Loi sur les infirmières et les infirmiers est conditionnel au respect d’un règlement. Ce règlement est le Règlement sur les infirmières praticiennes spécialisées. Il détermine notamment les conditions que les IPS doivent respecter pour exercer leurs activités.

Aux fins de cette chronique, retenons deux conditions fondamentales prévues par ce règlement :

  • les IPS ont l’obligation d’établir des mécanismes de collaboration ;
  • les IPS, lorsqu’elles diagnostiquent des maladies et établissent des traitements médicaux, ont l’obligation de le faire uniquement pour des maladies dont les critères diagnostiques et les manifestations cliniques sont reconnus.

Que signifie l’expression « des critères diagnostiques et des manifestations cliniques reconnus » ?

Selon les lignes directrices de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, cela signifie que la personne qu’évalue l’IPS doit présenter des manifestations cliniques reconnues de la maladie soupçonnée. En présence d’un tel tableau clinique, elle peut poser un diagnostic. Pour une maladie donnée, ces manifestations cliniques reconnues peuvent varier pour certains sous-groupes, comme les nourrissons ou les personnes âgées.

Le champ d’exercice de l’IPS, tout comme son expertise, est donc beaucoup plus limité que celui d’un médecin.

La nécessité d’établir des mécanismes de collaboration

Comme le prévoit le règlement, l’établissement de mécanismes de collaboration est un incontournable pour l’IPS. Il s’agit d’une obligation réglementaire.

Le fait que les IPS peuvent prendre en charge des patients du GAMF ne les dispense donc pas de convenir de tels mécanismes pour le suivi de ces patients, notamment avec les médecins de famille.

Selon le Guide de référence en lien avec la prise en charge par les IPSPL (rédigé conjointement par le ministère de la Santé et l’Association des infirmières praticiennes spécialisées du Québec) : la collaboration interprofessionnelle constitue un incontournable pour l’IPSPL dans l’exercice de ses fonctions. Cette dernière doit collaborer avec l’ensemble des professionnels qu’elle côtoie, ce qui peut se traduire de différentes façons :

  • collaboration avec un groupe de médecins ;
  • collaboration avec les autres professionnels de son milieu ;
  • collaboration mutuelle (médecins–IPS), dans un effort d’équipe, avec les médecins ou les IPS du groupe qui sont absents ou qui quittent leur poste pour diverses raisons (retraite, relocalisation, etc.) afin d’assurer la couverture de leurs patients ;
  • participation aux heures et aux journées défavorables, ainsi qu’aux quarts de garde, le cas échéant, de façon équitable avec les autres professionnels.

La collaboration et le travail d’équipe

Comme nous venons de le voir, la collaboration avec les médecins de famille demeure inévitable pour les IPS en soins de première ligne. Cette collaboration doit être structurée et devrait s’articuler dans une entente bien circonscrite.