Vous exercez à tarif horaire en CHSLD, et l’obligation de facturer à l’acte durant la garde en disponibilité vous complique la vie. Décortiquons les modalités applicables.
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la FMOQ. |
Les médecins qui optent pour le tarif horaire le font souvent par souci de simplification, car il suffit de noter son temps sans devoir inscrire les numéros d’assurance maladie, ni l’heure où les services ont été rendus et la nature des services. Le tarif horaire réduit aussi la préoccupation par rapport à d’éventuels contrôles de la RAMQ et aux critiques à l’égard des notes médicales qui pourraient ne pas comporter tous les éléments qu’attend la RAMQ.
Les craintes par rapport aux contrôles sont probablement exagérées, car il existe peu de codes en CHSLD. Les contrôles dont nous avons eu connaissance servaient surtout à confirmer qu’un examen était bien requis lors de la facturation de la visite de suivi exigeant un examen et le volume de facturation d’appels par le personnel. Beaucoup de médecins à tarif horaire gagneraient possiblement à adhérer au mode mixte ou à passer à l’acte, mais ce choix leur appartient. Durant la garde, ils n’ont toutefois pas le choix du mode de facturation. Ils doivent en général facturer à l’acte.
Voyons quelques scénarios pour illustrer le fonctionnement. Supposons qu’un médecin exerce en CHSLD deux demi-journées par semaine et en cabinet les autres jours. Ses tournées sur place durant ses deux demi-journées sont rémunérées à tarif horaire, comme on peut s’y attendre. Si, pendant une de ces demi-journées, il choisit de ne pas se présenter sur place en raison de symptômes grippaux afin de ne pas mettre sa clientèle à risque et de faire plutôt une tournée virtuelle, il pourrait facturer au tarif horaire comme s’il était sur place. Il utiliserait alors les codes prévus pour les consultations à distance.
S’il avait plutôt décidé de reporter sa demi-journée et de faire sa tournée sur place le samedi suivant, il facturerait aussi à tarif horaire. Toutefois, comme il s’agit d’un jour de fin de semaine, il aurait droit à la majoration du taux de rémunération en horaire défavorable de 23 % prévue la fin de semaine. Il devrait alors utiliser le code d’activité 101030 et inscrire 31 comme « secteur de dispensation ». Ces indications se trouvent dans le paragraphe 4.02 de l’Annexe XX de la Brochure no 1.
L’ensemble des heures déplacées seraient retenues pour calculer la prime applicable en CHSLD, qu’elles soient effectuées sur place ou en virtuel, la semaine comme la fin de semaine.
Maintenant, regardons comment ce médecin devrait facturer ses activités au cabinet les autres jours de la semaine. Il recevrait sans doute des appels pour une patiente qui se plaint de brûlures mictionnelles, pour une autre qui fait de la température ou encore pour une qui a fait une chute. Le médecin parlerait alors à une infirmière, et non à la patiente, et jugerait s’il doit se déplacer pour examiner cette dernière sur place ou s’il peut lui prescrire un traitement à distance.
Les médecins nous indiquent souvent que, dans pareille situation, ils ne sont pas de garde. Ils ne sont pas nécessairement à l’horaire de garde et même lorsqu’ils le sont de jour en semaine (hormis les fériés), ils ne sont pas rétribués. La règle obligeant le médecin à facturer à l’acte durant la garde n’exige pas que la garde soit rémunérée. En ce qui a trait au fait que le médecin ne figure pas sur la liste de garde, pourquoi le personnel l’appelle-t-il s’il n’est pas de garde, du moins pour ces patients ?
Bref, le médecin qui rend des services en dehors de ses heures régulières est de garde et, s’il est normalement payé à tarif horaire, il devra indiquer un élément de contexte qui spécifie que le service est effectué durant la garde pour que sa facturation à l’acte soit acceptée.
Donc, en dehors de ses présences sur place ou de ses tournées, en semaine (hormis les jours fériés), lors des appels entre 8 et 18 heures, le médecin peut réclamer le code prévu pour la réponse téléphonique à une demande du personnel de l’établissement pour un suivi urgent (code : 15622 ; tarif : 16,55 $). Les échanges par texto ou par courriel ne sont pas acceptés. Il n’y a pas de durée minimale, et le numéro d’assurance maladie du patient n’est pas requis. Toutefois, l’heure du service doit être précisée pour que la RAMQ puisse vérifier si le médecin respecte la période visée. Ce dernier doit aussi s’assurer que l’infirmière note l’appel au dossier. En cas de contrôle, un registre des noms des patients et des dates des appels aidera le médecin à justifier sa facturation. Un tel registre peut être conservé par le personnel infirmier. Néanmoins, certains médecins estimeront qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même.
En dehors de ses présences sur place ou de ses tournées, en semaine (hormis les jours fériés), lors des appels entre 8 et 18 heures, le médecin peut réclamer le code pour la réponse téléphonique à une demande du personnel de l’établissement.
La RAMQ n’a pas fait part de son interprétation des appels qui traitent de plusieurs patients en même temps. Le libellé parle « d’un suivi qui exige une attention immédiate à l’endroit d’un des patients ». La pratique de cumuler plusieurs demandes dans le même appel peut laisser planer un doute sur la nécessité d’une attention immédiate. Dans un rare cas de contrôle que nous avons vu, le point de départ de l’investigation de la RAMQ était le nombre d’appels reçus ou faits par le médecin au numéro de téléphone du CHSLD.
Si le médecin devait parler avec le patient ou échanger avec lui par vidéo et que ce moyen lui permettait d’effectuer l’examen requis pour poser un diagnostic ou prendre une décision (évaluation des fonctions mentales supérieures, évaluation de sa capacité de parler), on pourrait alors penser qu’il s’agit d’une visite de suivi exigeant un examen. Malheureusement, les règles régissant les téléconsultations, du moins d’ici décembre 2024, excluent la facturation de la visite de suivi exigeant un examen. En pareille situation, le médecin pourrait réclamer la visite de suivi courante. Toutefois, s’il parle simplement à l’infirmière sans se déplacer, il devra réclamer le code prévu pour la réponse téléphonique.
En dehors des heures d’application du code de réponse téléphonique, deux codes peuvent être utilisés en l’absence de déplacement, soit celui de la visite de suivi courante ou de l’intervention clinique. C’est la durée du service qui déterminera lequel. Notez que le fait d’être payé pour la garde n’enlève pas au médecin le droit à la rémunération pour les services effectués pendant la garde.
En dehors des heures d’application du code de réponse téléphonique, deux autres codes sont possibles si vous ne vous déplacez pas, soit ceux de la visite de suivi courante et de l’intervention clinique.
La visite de suivi courante (code : 15616 ; tarif : 21,70 $) ne nécessite pas de contact avec le patient. Le médecin peut s’en prévaloir pour une « tournée sur dossiers » avec le personnel (represcriptions, petits ajustements ou prescriptions qui n’exigent pas d’examen du patient) ou lors d’un appel téléphonique au CHSLD. Il doit inscrire une note au dossier ainsi que le numéro d’assurance maladie du patient et l’heure du service aux fins de facturation. Mais il n’y a pas de durée minimale. Les médecins à l’acte diront que ce code ne peut être facturé si le médecin a réclamé le même jour la visite de suivi exigeant un examen ni à répétition pour le même patient le même jour.
Le médecin à tarif horaire aura rarement à réclamer la visite de suivi exigeant un examen le jour même. Ce n’est donc pas un obstacle. Par ailleurs, si le même patient donne lieu à plusieurs appels durant la journée (en dehors des heures du code de la réponse téléphonique), la visite de suivi courante pourra seulement être réclamée une fois.
L’autre choix possible est l’intervention clinique (code : 08858 pour la première demi-heure ; tarif : 49,75 $) qui exige également une note au dossier et, lors de la facturation, l’inscription du numéro d’assurance maladie du patient et de l’heure de début du service. Une durée minimale de vingt-cinq minutes consécutives est requise pour réclamer la première période. Des périodes additionnelles sont aussi possibles après les trente premières minutes avec des règles de durée particulière (voyez la description au paragraphe 2.2.6 B du Préambule général du Manuel de facturation).
Enfin, si le médecin se déplace, il aura en plus le choix de facturer la visite de suivi exigeant un examen (code : 15617 ; tarif : 43,40 $) que nous avons évoquée précédemment. Il n’y a alors pas de durée minimale.
Lors d’un déplacement d’urgence, sans égard au choix du médecin entre la visite ou l’intervention clinique, un supplément s’ajoute au premier déplacement d’urgence, selon l’heure de son départ pour l’établissement. Les plages horaires sont de 7 h à 16 h, de 16 h à minuit et de minuit à 7 h (codes : 15623, 15624, 15625 ; montants respectifs : 31,50 $, 44,10 $ et 63 $)
Lorsque le déplacement a lieu de nuit (entre minuit et 7 h), l’autre possibilité qui s’offre au médecin est un montant global pour les soins au patient (code : 09099 ; tarif : 140,25 $). Le médecin ne peut toutefois réclamer de montants pour les autres soins prodigués au même patient ni de supplément pour le déplacement d’urgence. Les services à d’autres patients effectués lors du même déplacement sont rémunérés sans supplément de déplacement.
En heure défavorable, les majorations applicables viennent bonifier les tarifs prévus, même lorsque ces tarifs visent spécifiquement une période défavorable (comme le montant global lors d’un déplacement de nuit).
Espérons que cet article vous a permis de mieux comprendre le processus. D’ici là, bonne facturation !