le nouveau modèle proposé par la FMOQ
Quel est ce nouveau modèle d’organisation des soins de première ligne que la FMOQ a conçu dans le cadre du renouvellement de l’Entente ? « On a vraiment voulu aller ailleurs et innover en s’inspirant de nos réussites au Québec et d’autres modèles de gestion dans le monde », affirme le Dr Sylvain Dion (encadré). Ancien premier vice-président de la Fédération, il fait partie de l’équipe de négociation qui a élaboré le concept.
Même si l’accord-cadre des omnipraticiens doit actuellement être renouvelé, la nouvelle formule ne sera pas adoptée dans l’immédiat. « La période de transition s’échelonnera sur quelques années. C’est un projet considérable », explique le Dr Dion.
Qu’est-ce qui changerait pour le médecin de famille ? Il se retrouverait dans un nouvel environnement professionnel. Il pratiquerait dorénavant davantage en partenariat avec une infirmière (praticienne, clinicienne ou auxiliaire). Ce tandem serait le cœur de la clinique. Le médecin serait aussi épaulé par l’équivalent de 0,25 professionnel d’une autre catégorie : un travailleur social, un physiothérapeute, etc. Ainsi, chaque omnipraticien collaborerait directement avec 1,25 autre professionnel de la santé, préconise la FMOQ. « Il faut vraiment aller vers le concept d’équipe de soins », estime le Dr Dion.
Le rôle de consultant du médecin de famille se confirmerait. « On veut miser sur la collaboration interprofessionnelle, précise le Dr Dion. Les patients seraient vus par d’autres professionnels s’il n’est pas nécessaire qu’ils rencontrent le médecin. L’omnipraticien serait plus là pour soutenir les différents intervenants. »
Ainsi, la pratique même du médecin évoluerait. « On voudrait l’orienter davantage vers son champ d’expertise, qui est notamment de traiter des cas complexes et de poser des diagnostics. Tous les professionnels de la santé ne peuvent, par exemple, poser un diagnostic ou ne peuvent le faire pour tous les problèmes de santé. Même les infirmières praticiennes spécialisées ont leurs limites. »
Fini, par ailleurs, l’inscription individuelle. Tous les patients seraient inscrits collectivement au sein de ces nouvelles « cliniques de première ligne ». Caractérisées par une équipe interprofessionnelle, elles seraient la nouvelle version des groupes de médecine de famille (GMF), des CLSC, des cabinets et des GMF-U. Là, les patients auraient accès à divers professionnels qui répondraient à leurs besoins.
Mais qu’arriverait-il aux patients vulnérables qui ont besoin d’un suivi régulier ? Ils pourraient se voir attribuer un professionnel de la santé précis. L’infirmière en suivrait certains. La travailleuse sociale, elle, pourrait s’occuper des personnes ayant des problèmes de santé mentale. « Le médecin de famille, pour sa part, pourrait être l’intervenant privilégié des patients atteints, par exemple, de cancer ou ayant besoin de soins palliatifs », mentionne le Dr Dion.
Ce nouveau modèle d’inscription collective soulagerait bien des omnipraticiens. « Ils n’auraient plus à sentir le poids d’une cohorte de patients attachée à eux. Les jeunes médecins nous en parlent. Ils ont de la difficulté à vivre avec l’inscription individuelle de 700, 800 ou 1000 patients. »
Avec ce modèle d’organisation viendrait un nouveau mode de rémunération. La FMOQ explore différents scénarios. La capitation lui semblerait intéressante comme mode de rétribution principal des omnipraticiens en première ligne. Un mode qui serait lié à l’inscription collective.
« Les sommes seraient versées à l’équipe ou à la clinique de première ligne. Il y aurait ensuite un partage des revenus entre les médecins en fonction de leur contribution à l’offre de service, de ce qu’ils font et du soutien qu’il donne. », mentionne le Dr Dion. Le budget obtenu permettrait également de rémunérer les autres professionnels de la santé et de payer une partie des frais de fonctionnement de la clinique.
La rémunération à l’acte, toutefois, ne disparaîtrait pas, selon l’une des avenues que la Fédération trouve intéressante. « Il faut continuer à offrir un incitatif à voir des patients et à assurer leur suivi », estime le médecin. Mais la valeur de chaque acte serait réduite. Ce mode de rétribution pourrait s’appliquer aux consultations sur place et à distance, à l’intervention clinique et aux actes techniques.
Et, pour finir, certains forfaits horaires pourraient se greffer à la nouvelle rémunération. Ils pourraient être versés pour certaines activités cliniques, les soins indirects aux patients, la gestion, l’enseignement et les discussions entre professionnels.
Le nouveau modèle est ambitieux. Il propose plus que des changements dans les cliniques. Il prône une restructuration complète de la première ligne. Il repose, en outre, sur la responsabilité populationnelle.
« Chaque clinique de première ligne se verrait attribuer un nombre de patients inscrits collectivement, explique le Dr Dion. Si cinq cliniques de première ligne desservent un territoire donné, elles se verraient attribuer un nombre de patients en fonction de leur taille. On veut que le patient ait un endroit privilégié quand il doit consulter pour ses besoins en santé. »
Les cliniques médicales ne seraient cependant pas seules. D’autres acteurs seraient mis à contribution : les pharmacies de quartier, les cliniques de physiothérapie, les cliniques dentaires, les centres d’optométrie et autres lieux de soins. Le guichet d’accès à la première ligne (GAP) a mis en lumière leur utilité. « Actuellement, ces intervenants ne sont pas suffisamment intégrés à l’organisation et à la gouvernance de l’offre de service. Il faut les interpeller pour travailler tous ensemble. »
La contribution de ces nouveaux joueurs permettrait d’améliorer l’offre de service. « Il faut, par exemple, qu'on puisse avoir des corridors d’accès la fin de semaine pour les différents besoins semi-urgents. Ces autres professionnels pourront se coordonner pour offrir un service de garde dans leur domaine. »
Sur chaque territoire, les besoins de la population devront donc être définis. Et c’est là qu’intervient la Santé publique. « Grâce à sa connaissance des populations, elle jouera un rôle important. Quelles sont les maladies chroniques sur le territoire ? Quels sont les besoins en traumatologie ? etc. Elle permettra de bien cerner la demande. »
Le statu quo n’est plus possible. « On doit redéfinir notre modèle d’organisation de soins, estime le Dr Dion. Depuis 2003, on rapièce le modèle GMF. Il présente des avantages, mais aussi des inconvénients. On a constaté, par exemple, un plafonnement des inscriptions individuelles. On doit maintenant aller plus loin. »
Où en est le projet ? La FMOQ l’a présenté il y a un certain temps au ministère de la Santé. « Ils nous ont dit qu’on se rejoignait sur plus de 80 % des éléments. Les travaux doivent se poursuivre sur les grands enjeux : la gouvernance, l’inscription collective et la définition de la clinique de première ligne. On est cependant loin de la mise en œuvre du modèle. »