comment apprendre à mieux l’utiliser
Connaissez-vous parfaitement votre dossier médical électronique (DME) ? Savez-vous comment comparer d’un clic les nouveaux résultats de laboratoire aux anciens ? Comment faire une note clinique conjointement avec votre infirmière ? Où trouver des modèles standardisés d’attestation médicale ?
Beaucoup de médecins emploient au moins six fonctions du DME. Ils y inscrivent les notes de consultation, la liste des problèmes, les allergies, les vaccins, les signes vitaux et s’en servent pour rédiger des ordonnances. À cela s’ajoute la vérification des résultats de laboratoire qui s’insèrent automatiquement dans le dossier informatique. Mais on peut aller plus loin.
Médecin de famille à l’unité de médecine familiale Horizon, à Rouyn-Noranda, la Dre Marie-Aimée Lavigne est considérée comme une superutilisatrice. Elle a exploré les différentes fonctions de son DME, Toubib et en a tiré divers outils pratiques. Maintenant, quand elle ouvre le dossier électronique du patient qui est devant elle, tout de suite une fenêtre d’alerte s’ouvre si elle doit prescrire une colonoscopie, effectuer un suivi pour un nodule pulmonaire ou faire un test Pap.
La Dre Lavigne rédige ensuite ses notes à l’ordinateur grâce à un gabarit très complet qu’elle s’est créé. « J’ai des sections pour le diabète, l’hypertension, les problèmes cardiaques et d’autres maladies fréquentes. Je les utilise ou non selon le patient », explique-t-elle. Le DME calcule par ailleurs pour elle certaines données, comme l’indice de masse corporelle ou le score de Framingham.
L’omnipraticienne reçoit également par ordinateur les messages de ses patients que lui transmet sa secrétaire. D’un clic, elle peut les insérer dans le dossier. « Je peux aussi utiliser la messagerie interne pour communiquer avec l’infirmière quand je fais le suivi conjoint d’un patient. Un message envoyé de cette manière est l’équivalent d’une prescription verbale. » La médecin utilise le même moyen pour faire des demandes de consultations avec l’infirmière ou la nutritionniste du GMF.
À l’écran, la Dre Lavigne vérifie les résultats d’examens de laboratoire. Quand une valeur anormale apparaît, comme une valeur inhabituelle de TSH, elle la transmet par le DME à l’infirmière qui effectuera un suivi grâce à son ordonnance collective. Ce type de collaboration nécessite toutefois une certaine organisation. « Il faut instaurer des façons de faire. Cela demande du rodage », reconnaît la médecin clinicienne.
Le DME comporte aussi des fonctions moins visibles. Notamment, un module des attestations médicales. « On peut avoir un document prérempli auquel est annexé un calendrier sur lequel on double-clique pour inscrire les dates, par exemple, d’un arrêt de travail. On peut se faire des modèles d’attestation pour un retour progressif, une attestation de présence, etc. »
L’omnipraticienne peut, par ailleurs, se servir de son DME, branché à un appareil central, pour envoyer des télécopies. Plusieurs membres de son GMF le font déjà. Elle compte bientôt recourir à cette possibilité pour transmettre des ordonnances à la pharmacie ou demander des consultations ou des tests à l’hôpital.
En Abitibi-Témiscamingue, tous les omnipraticiens utilisent Toubib. Une décision du département régional de médecine générale. Mais tous n’emploient peut-être pas leur DME aussi efficacement que leur collègue, la Dre Lavigne. Dans l’ensemble du Québec, les quelque 500 médecins qui emploient ce logiciel recourent en moyenne à neuf fonctionnalités.
Consciente que ses membres sous-utilisent leur dossier médical électronique, l’Association des médecins omnipraticiens du nord-ouest du Québec (AMONOQ), en collaboration avec le centre intégré de santé et de services sociaux, a tenté de les aider. « Nous avons organisé l’automne dernier un colloque régional pour tous les médecins et les intervenants qui emploient le DME », explique le Dr Jean-Yves Boutet, président de l’AMONOQ.
Même si le fournisseur du logiciel Toubib donne une formation de base, des ateliers d’appoint semblent nécessaires. Tous les médecins n’ont pas le même bagage informatique, n’apprennent pas à la même vitesse et n’utilisent pas autant leur dossier électronique. « Le DME touche à beaucoup d’aspects dans une clinique. S’il n’y a que le quart des médecins qui l’emploient dans un groupe, cela pose un problème. Il faut que tout le monde embarque », explique M. Luc Aubin, concepteur de Toubib et conférencier du colloque.
Au cours du congrès, les 135 participants, dont plus de 60 médecins, ont appris comment prescrire électroniquement, gérer les résultats d’examens de laboratoire, créer des gabarits pour rédiger des notes cliniques et employer de nombreuses fonctions du DME. Les ateliers étaient donnés entre autres par quatre superutilisateurs qui ont montré à leurs collègues des raccourcis, des trucs et des manières de travailler.
Les participants ont pu apprendre non seulement à utiliser au moins six fonctions de base pour se conformer au Programme québécois d’adoption de dossiers médicaux électroniques, mais aussi des fonctionnalités plus poussées de Toubib. Dans la section « examens de laboratoire », par exemple, certaines options sont particulièrement utiles. « Le DME nous permet de consulter rapidement les valeurs antérieures, ce qui fait gagner beaucoup de temps. On peut ainsi voir immédiatement si le taux d’hémoglobine d’un patient monte ou descend », précise la Dre Lavigne, qui donnait l’atelier sur les données de laboratoire.
Les gabarits pour les notes cliniques ? Ils peuvent faire gagner beaucoup de temps. « Mieux vaut utiliser un ou deux gabarits, même s’il en existe des dizaines, mais bien les connaître, a retenu le Dr Boutet. Dès que j’ai compris cela à l’atelier, mon utilisation du DME a été plus facile. »
Si on n’a pas envie de se créer un gabarit, on peut prendre celui d’un autre médecin. « Dans le DME, il y a un endroit pour partager nos gabarits au sein du GMF et un autre pour les mettre à la disposition de tous les utilisateurs de Toubib. Notre équipe, par exemple, a fait un gabarit pour chaque étape de l’ABCdaire pour le suivi périodique de l’enfant à partir d’un modèle qui avait déjà été fait », confie la Dre Lavigne.
La clinicienne est par ailleurs en train de tester le gabarit d’une « note mixte » qu’elle a créé pour les consultations sans rendez-vous. « C’est vraiment pratique. Il s’agit d’une note que remplit l’infirmière et que complète le médecin. Cela permet de gagner du temps et d’accroître la collaboration interprofessionnelle. » La note est signée par les deux professionnels de la santé, mais les informations inscrites par chacun sont faciles à repérer.
« La plupart des médecins qui ont participé au colloque avaient déjà un DME et l’employaient un peu, affirme le Dr Boutet. Le fait de voir comment quelqu’un d’autre faisait a beaucoup démythifié l’utilisation de cet outil. Souvent, les médecins inscrivaient les antécédents, les allergies et s’arrêtaient là. Maintenant, ils recourent au prescripteur, au logiciel Vigilance pour surveiller les interactions et annotent les résultats de laboratoire. La plupart ont augmenté le nombre de volets et d’options qu’ils emploient. Il y en a qui écrivent toutes leurs notes à partir de gabarits. »
Entre les ateliers, les médecins discutaient, se conseillaient, comparaient leur expérience dans leurs GMF respectifs. Ils s’exposaient leur manière de procéder, les problèmes auxquels ils avaient dû faire face, les solutions trouvées, etc. « Le colloque a suscité des échanges. »
Après le congrès, le Dr Boutet et les omnipraticiens de son propre groupe de médecine de famille ont voulu faire un pas de plus pour mieux maîtriser leur DME. Ils ont organisé, en janvier dernier, un atelier complémentaire avec une superutilisatrice, la Dre Lise Lévesque. Pendant trois heures, la clinicienne a montré aux quatorze médecins réunis, tous munis de leur ordinateur portable, comment apporter des corrections à une ordonnance, rédiger une prescription magistrale, la sauvegarder, la réutiliser. Elle leur a enseigné l’utilisation du DME au quotidien : comment s’y prendre quand on fait un suivi au téléphone, quand la travailleuse sociale nous écrit, quand une fenêtre d’alerte apparaît, etc. « On faisait des exercices à partir de cas fictifs. Les médecins travaillaient sur leur ordinateur, mais regardaient aussi par dessus l’épaule de leur voisin pour voir comment il s’y prenait. On savait ainsi comment les autres faisaient. »
Les leçons du colloque et de l’atelier ? « Le secret, c’est d’échanger. Cela démythifie le DME. Quelqu’un qui hésite voit que ce n’est pas si compliqué, dit le président de l’AMONOQ. On peut apprendre un logiciel en se disant : “Je vais lire le manuel d’instruction et y aller pas à pas”. Mais quand un utilisateur qui est déjà passé par là peut nous aider, c’est plus facile. L’idée, c’est de ne pas faire cela tout seul. Il faut avoir des occasions d’échanger. C’est la clé pour que les gens travaillent avec le dossier médical électronique. »
La Dre Lavigne est du même avis. « Il faut prendre le temps de discuter entre nous et de partager nos façons de faire. Il faut beaucoup de conversations de corridors. On apprend des autres. Il y en a qui font des découvertes : “Moi, je fais cela de telle façon !” ».
Pour bien connaître son DME, il faut néanmoins l’explorer et y investir du temps. « Dans le logiciel Toubib, il y a peut-être 400 écrans différents. Les médecins se servent beaucoup d’une centaine, mais il en reste 300 où ils ne vont que rarement ou n’y vont pas du tout. Le meilleur utilisateur est celui qui fouille et essaie toutes sortes de choses dans le logiciel », estime M. Aubin.
Le DME doit cependant être employé pour les bonnes raisons. « Il ne faut pas en faire la promotion en disant qu’il va permettre de gagner du temps, indique le Dr Boutet. Cependant, le DME améliore la qualité des notes médicales : elles y sont plus lisibles et mieux organisées. Je dis aux médecins que lorsqu’un jour ils prendront leur retraite, si leurs dossiers sont bien structurés et compréhensibles, ce sera plus intéressant pour un jeune collègue de prendre leurs patients. »
Il ne faut par ailleurs pas se décourager, même si la maîtrise du logiciel peut être lente. « Je ne connais pas les autres DME, mais avec Toubib, la courbe d’apprentissage est longue avant que l’usager devienne à l’aise, reconnaît la Dre Lavigne qui écrit toutes ses notes à l’ordinateur depuis à peine un an. Il y a beaucoup de fonctionnalités, ce qui est vraiment bien, mais cela prend du temps. Il faut y aller une étape à la fois. » //