pour une médecine familiale plus forte
La médecine générale évolue. Le rôle de l’omnipraticien change. Les besoins de la population se modifient. Dans son document Une première ligne forte de l’expertise du médecin de famille, le Collège des médecins du Québec (CMQ) regarde ce vers quoi doit tendre la médecine familiale.
Le patient doit ainsi avoir accès à son médecin de famille ou aux membres de son équipe quand il en a besoin et pouvoir compter sur eux pour la continuité des soins. Ce « sont des composantes essentielles de la qualité des soins », estime le CMQ qui considère d’ailleurs qu’il faudrait en tenir compte dans l’évaluation de la pratique.
La collaboration du médecin avec une équipe interprofessionnelle est, par ailleurs, incontournable. Selon le Collège, il s’agit d’un « moyen d’assurer aux Québécois des soins et services de santé de qualité, sécuritaires, efficaces, efficients et selon une fréquence qui correspond à leurs besoins. » Il estime même qu’une « nouvelle ère dans l’amélioration des pratiques professionnelles devrait être amorcée » par l’évaluation non pas uniquement de la pratique individuelle, mais aussi du travail d’équipe.
De grands défis attendent la médecine familiale. Entre autres le vieillissement de la population. Au cours des prochaines années, la pression va augmenter pour que les médecins de famille et les équipes de première ligne modifient leur pratique. Ils devront offrir, par exemple, plus de soins à domicile. Le Collège parle d’une « responsabilité sociale de s’y préparer et de relever le défi de la continuité des soins, d’un suivi en cabinet ou en CLSC à un suivi à domicile. » Mais d’autres enjeux sont également importants, comme les problèmes de santé mentale, dont la prévalence est élevée en première ligne.
Les équipes de première ligne doivent donc voir loin. Elles devraient connaître les données de santé de la population qu’elles desservent. Cela leur permettrait, en collaboration avec la santé publique, de répondre adéquatement aux besoins des citoyens. Entre autres à ceux des plus vulnérables. « Actuellement, les meilleures pratiques de première ligne sont celles d’équipes interprofessionnelles qui sont informées des besoins de santé de leur communauté et qui planifient à l’avance leurs façons d’y répondre », indique l’énoncé de principe du Collège.
Pour le CMQ, la première ligne de soins constitue la pierre d’assise du réseau. Les études le confirment. Selon les données, « un système de santé et de services sociaux publics fort, performant, accessible et viable doit s’appuyer sur une première ligne robuste de soins et de services où le médecin de famille doit jouer un rôle primordial. » Les ressources et le financement doivent donc être attribués en conséquence.
L’énoncé de position du Collège renvoie une image très favorable de l’omnipraticien. Le document le décrit comme le « chef d’orchestre de l’équipe de soins de première ligne », un « leader intégrateur », « un intervenant clé ». Le CMQ rappelle « la solide formation diversifiée du médecin de famille » et mentionne « la valeur ajoutée de ses interventions ». Il le décrit entre autres comme « l’expert de la gestion des problèmes courants » et souligne la « forte polyvalence individuelle de très nombreux médecins de famille ».
Le Collège place le médecin de famille au centre de l’équipe de soins de première ligne. L’omnipraticien est celui qui doit faire le lien entre le patient, les médecins spécialistes et les divers autres professionnels de la santé. Pour le CMQ, le généraliste est le professionnel de la santé le plus apte à avoir une vision globale de l’état de santé de son patient, à coordonner ses plans de soins et à l’orienter dans le système de santé.
La valorisation de la médecine familiale est capitale aux yeux du Collège. Elle doit faire l’objet d’actions concrètes. Le Collège recommande, par ailleurs, de dénoncer toute manœuvre de dénigrement de l’omnipratique, que ce soit dans les milieux d’enseignement, de formation ou de pratique.
La principale mission du médecin de famille ? Offrir aux patients un suivi à long terme en première ligne. Sa responsabilité va de la promotion de la santé jusqu’au suivi des maladies chroniques, en passant par les soins pour les malaises aigus.
Le rôle de médecin de famille vient toutefois avec des obligations. D’abord auprès des patients. Selon le CMQ, « les citoyens du Québec doivent pouvoir, s’ils le désirent, s’inscrire auprès d’un médecin de famille et être vus en temps opportun par celui-ci ou par un professionnel de l’équipe à laquelle il appartient. »
Le médecin de famille doit aussi être accessible pour les spécialistes et les professionnels de la santé qui traitent ses patients. Lui ou un membre de son équipe doit pouvoir être joint, que ce soit par téléphone, télécopieur ou Internet. « Le médecin de famille ne peut prétendre à son rôle de chef d’orchestre de l’équipe de première ligne et d’intégrateur des informations de santé que s’il est vraiment disponible en temps opportun. »
Le problème de l’accès aux soins ne repose toutefois pas uniquement sur les épaules de l’omnipraticien. « Lorsqu’il est question d’accessibilité aux soins, les médecins, notamment les médecins de famille, sont souvent ciblés. Or, plusieurs problèmes de santé requièrent la contribution simultanée d’autres professionnels de la santé pour compléter l’évaluation des problèmes ou pour assurer les traitements », note le Collège, qui reconnaît que l’accès à certains intervenants comme le psychologue, le physiothérapeute ou la nutritionniste peut être difficile. Tout comme obtenir des consultations auprès des médecins spécialistes de deuxième et troisième lignes n’est souvent pas aisé.
La collaboration entre médecins de famille et spécialistes est particulièrement nécessaire. Les consultants ont aussi leur effort à faire. « Il est important d’insister de nouveau sur le rôle attendu des médecins spécialistes afin que ces derniers concentrent leur niveau de prise en charge à la clientèle qui exige leur compétence particulière tout en se rendant disponibles auprès du médecin de famille afin de le soutenir dans son travail clinique. »
Certains instruments sont essentiels pour les équipes de soins. « Le dossier médical électronique (DME) est un outil incontournable en première ligne : il faut rapidement en appuyer et en faciliter l’utilisation par les médecins de famille et les équipes interprofessionnelles de première ligne », souligne le Collège dans son document.
L’énoncé de position se penche également sur l’enseignement. Il mentionne entre autres la nécessité de « garantir une présence forte des médecins de famille enseignants qui représentent des modèles de rôles positifs, tout au long des études médicales. » Il recommande aussi d’offrir un programme de mentorat d’au moins un an aux jeunes omnipraticiens.
Le CMQ se prononce, par ailleurs, sur l’organisation des soins. Il conseille entre autres de terminer la création du réseau des groupes de médecine de famille (GMF), qui inclut les GMF-R et les GMF-U. À un niveau territorial, il propose que les départements régionaux de médecine générale (DRMG) s’occupent en priorité du développement et de l’organisation des soins de première ligne dans les cliniques médicales, dont les GMF, et les CLSC.
L’énoncé du Collège comporte en tout neuf recommandations qui vont du renforcement de la première ligne aux moyens d’améliorer la collaboration interprofessionnelle, en passant par l’importance de la formation des médecins de famille jusqu’au renforcement du DRMG et aux différents mandats qui pourraient lui être confiés. //